Une littérature ouverte «à toutes les influences» – Véronique Arseneau

Viau, Robert. Acadie multipiste : romans acadiens, tome 1, Moncton, Perce-Neige, coll. « Essais et documents », 2015, 227 p.

Dans son plus récent ouvrage, Robert Viau partage une relecture de quelques romans acadiens qui lui ont tenu compagnie « pendant [s]es années d’enseignement à l’Université du Nouveau-Brunswick » (p. 9). Cette étude, qui propose des textes sur plusieurs auteurs acadiens, d’Antonine Maillet à Daniel Leblanc-Poirier, « cherch[e] à extraire la “quinte essence” de ces œuvres afin de déterminer ce qui constitue l’identité et la culture acadiennes » (p. 9).

Tel qu’expliqué dans la préface, le titre Acadie multipiste renvoie à un poème, mais aussi à une section du recueil L’extrême frontière de Gérald Leblanc :

multipiste
Moncton serait cet espace
où j’ai traversé le rouge dans toutes ses dimensions
réseaux dévorants des accidents de parcours
rages et rumeurs de l’émotion
lyrisme du trop-plein
ville de mes vies parallèles
Moncton multipiste
dans l’immense Amérique de mon désir[1]

Viau incite donc son lecteur à considérer la littérature acadienne, particulièrement les romans acadiens contemporains, comme une littérature multipiste, variée et ouverte « à toutes les influences ».

Crédit photo : Éditions Perce-Neige.

Crédit photo : Éditions Perce-Neige.

Multiple et varié, c’est surtout le choix des œuvres étudiées par Viau qui l’est : Pélagie-la-charrette d’Antonine Maillet, Le feu du mauvais temps de Claude Le Bouthillier, Les portes tournantes de Jacques Savoie, Moncton mantra de Gérald Leblanc, Pas pire de France Daigle, Vortex de Jean Babineau, etc. Viau examine, dans chacun des chapitres, le roman d’un auteur, mais fait aussi référence à plusieurs autres romans (souvent du même auteur, mais pas toujours). Ainsi, dans le chapitre dédié à Portes tournantes de Jacques Savoie, on peut aussi lire quelques passages sur Raconte-moi Massabielle, du même auteur. On croise également d’autres personnages acadiens connus, que ce soit l’Évangéline de Longfellow ou encore la Sagouine de Maillet.

L’auteur n’a pas hésité à inclure des textes plus récents dans son dernier chapitre, intitulé « Voix nouvelles » ; on y retrouve une analyse de Vertiges (2013) de Fredric Gary Comeau et du Cinquième corridor (2015) de Daniel Leblanc-Poirier. Toutefois, cette partie de l’ouvrage est considérablement plus courte que les autres et laisse le lecteur sur sa faim, surtout considérant qu’il s’agit là de deux romans acadiens récents, donc encore peu étudiés.

Bien que divisé en plusieurs chapitres portant habituellement sur un seul roman, l’ouvrage de Robert Viau consacre beaucoup de pages à l’œuvre qui a fait la renommée romanesque d’Antonine Maillet, Pélagie-la-charrette. En fait, les deux premiers chapitres de l’ouvrage lui sont dédiés, soit une analyse de l’œuvre et une analyse de sa réception et des répercussions du prix Goncourt, qu’elle remporté en 1979. Après la lecture des autres chapitres, on se demande s’il était nécessaire d’avoir deux chapitres entiers dédiés à un seul roman de l’auteure acadienne ‒ ou encore, si les études présentées dans les autres chapitres n’auraient pas pu être approfondies. D’un autre côté, les adeptes de l’œuvre mailletienne apprécieront les quelque cinquante pages réservées à la romancière. Mais ce choix reste d’autant plus étonnant que Viau « s’excus[e] auprès des collègues dont l’œuvre a été, dans ce premier tome, laissée de côté » (p. 10).

On regrette également la présence de quelques coquilles, notamment à la page 205, où il y a confusion avec le titre du roman de Leblanc-Poirier; est-ce Le cinquième couloir ou Le cinquième corridor? Néanmoins cet ouvrage propose à la fois un résumé et un compte rendu analytique de huit romans acadiens « connus (ou qui méritent de l’être) » (p. 10). Bref, Acadie multipiste constitue le point de départ idéal pour ceux et celles qui souhaitent découvrir des romans acadiens contemporains ; on y suit Viau dans ses lectures et on découvre avec lui ce qui est original ou encore ce qui surprend dans telle ou telle œuvre littéraire. Pour les initiés, cette étude de Viau demeure cependant une réflexion qui mériterait d’être approfondie, les romans à l’étude étant déjà, pour la plupart, très connus et très étudiés.

[1] Leblanc, Gérald, « multipiste », dans L’extrême frontière : poèmes 1972-1988, Sudbury, Prise de Parole, coll. « Bibliothèque canadienne-française », 2015, p. 118.

À propos…

Véronique Arseneau

Véronique Arseneau est originaire de Bathurst, au Nouveau-Brunswick. Passionnée de littérature franco-canadienne et de tout ce qui touche de près ou de loin à l’Acadie, elle trippe sur Les Hay Babies, la râpure au poulet et les roadtrips. Elle est étudiante à la maîtrise en lettres françaises à l’Université d’Ottawa.

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