On n’est pas née autonome – Rosella Melanson

Ce texte est le deuxième d’une série de cinq textes soulignant la Journée internationale pour les droits des femmes. Il s’agit d’une initiative du Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick (RFNB).

La première autonomie qu’une femme doit conquérir est celle de la pensée. Née dans un monde qui a des idées fixes par rapport à ce que sont les filles et ce que font les femmes, elle doit repousser les limites qu’on veut lui imposer… et désapprendre ces limites si facilement intériorisées.

L’autonomie de son corps est aussi à gagner : elle apprend tôt que la société et la plupart des gens autour d’elle ont des opinions sur ce à quoi elle devrait ressembler, ce qu’elle devrait porter, si elle devrait coucher, si elle peut avorter, si elle devrait avoir des enfants, comment elle devrait accoucher…

L’autonomie économique – c’est-à-dire l’atteinte d’une situation financière stable qui lui permet de rencontrer ses propres besoins de base – dépend de ces autres aspects de l’autonomie. Mais rappelons-nous également que personne n’est entièrement « autonome ». En tant que citoyennes, nous dépendons de la solidarité de notre société, de la souciance de notre gouvernement pour nos besoins tels que les routes et les ponts, le logement abordable, les normes du travail, le système de santé et d’éducation, et les régimes de pension. Pensons à ce que serait notre autonomie si, comme citoyennes, nous pouvions compter sur des garderies gratuites de qualité, une garantie d’équité salariale, la non-violence chez nous, dans la rue et au travail…

Ces dernières décennies, nous avons vu des changements dramatiques au niveau de la condition féminine, grâce au mouvement féministe. Les femmes ont une plus grande autonomie. Pensons à notre niveau d’instruction et de participation sur le marché du travail, à nos droits. Mais ce sont les femmes qui ont changé et si peu la société, les systèmes, les politiques, les façons de faire. N’aurions-nous fait qu’ajouter une journée de huit heures à notre journée de travail?  Se peut-il que notre plus grande contribution à l’économie demeure à ce jour notre travail non-rémunéré? Avons-nous fait autre chose qu’intégrer – un peu – l’économie du marché sans en changer les règles?

Enfin, parlons de l’autonomie économique des femmes en observant quelques statistiques :

  • Le revenu des femmes provenant de toutes sources correspond à 67 % du revenu des hommes (23 240 $ contre 34 850 $, selon les données de 2012);
  • Les Néo-Brunswickoises qui ont un salaire gagnent 11,4 % de moins que les hommes (2013);
  • Au Nouveau-Brunswick, 14 700 femmes gagnent le salaire minimum, soit 9,2 % de toutes les employées, tandis que 9 900 hommes gagnent ce même salaire, soit 6,5 % des employés;
  • 35 % des familles canadiennes ayant une femme à leur tête sont pauvres (80 % des familles monoparentales ont une femme à leur tête). Seules 21 % des familles ayant un homme à leur tête sont pauvres.

L’autonomie financière des femmes a certainement bénéficié de la poussée féministe, et les gains sont importants … tout en restant incomplets. Car, ce que revendiquait le mouvement féministe, c’était tout autant la reconnaissance de la contribution des familles, que le fait que le travail de reproduction est aussi important que le travail de production, que l’idée que l’économie du marché dépend de l’économie des soins.

Cette partie de l’équation n’a à peu près pas été traitée, et sans ça, nous n’avons que gagné le droit de vivre une carrière d’homme. À vous.

À propos…

Rosella Melanson

Rosella Melanson est blogueuse, activiste et retraitée. Elle a été à l’emploi du Conseil consultatif sur la condition de la femme au Nouveau-Brunswick. Elle a une formation en travail social, en journalisme et en technologie de l’information.

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