L’autonomie des femmes sur leur corps n’est pas un projet pilote – Rébeka Frazer-Chiasson

Il y a quelques semaines, le gouvernement libéral annonçait (finalement) une intégration des sages-femmes au système de santé néo-brunswickois. L’enthousiasme général a suivi l’annonce, de la part de femmes, de familles et d’organismes qui militent depuis plusieurs années pour ce type de progrès. Malgré tout, le fait qu’il nous arrive sous forme de projet pilote en a laissé plusieurs sur leur faim. Un projet pilote implique habituellement quelque chose de nouveau et d’innovateur ; quelque chose dont on n’a qu’une vague idée des résultats potentiels. L’inclusion de sages-femmes dans un réseau de santé est loin d’être innovatrice! Au contraire, le Nouveau-Brunswick est l’une des dernières provinces à reconnaître l’impact que les sages-femmes ont sur la santé et le mieux-être de nos familles et de nos communautés.

Ceci étant dit, je suis certaine que les quelques familles qui pourront bientôt bénéficier du service des sages-femmes dans leur communauté en seront reconnaissantes. Les réalités de toutes les femmes sont bien différentes et donner aux femmes comme seule option la naissance à l’hôpital avec un ou une médecin de famille (ou plus souvent une obstétricienne) ne reconnait pas ces différences. C’est aussi pourquoi cette annonce devrait être accompagnée d’une volonté d’adaptation et d’une plus grande ouverture de la part des hôpitaux qui pratiquent des accouchements. Si les femmes cherchent l’accompagnement d’une sage-femme, c’est peut-être parce qu’elles souhaitent une expérience d’accouchement différente de celle qui est typiquement offerte par une obstétricienne. La prévalence inquiétante de césariennes (une tendance présente à travers la province, mais encore plus marquée dans certains hôpitaux que d’autres), l’idée d’être constamment attachée à une machine ou à un moniteur, ou de ne pas pouvoir manger une fois à l’hôpital, n’est certainement pas attrayante pour toutes et tous, et ces réalités ne changeront pas nécessairement à cause de la présence d’une sage-femme à la naissance.

Je souhaite le type de période prénatale et d’accouchement que j’ai vécu avec mon fils à toute personne qui cherche une expérience qui valorise les connaissances innées de la mère et qui nous encourage à se réapproprier ce processus naturel qu’est la naissance. Or, je sais que malgré le fait que, dans notre cas, nous avons été accompagnés par deux assistantes de naissance, l’accouchement ne serait certainement pas entré dans le cadre créé par l’annonce du gouvernement. Rencontres prénatales de plus de deux heures et demie; disponibilité des assistantes de naissance pour toutes questions ou visites, avant et après l’accouchement; et soins et traitements non médicaux pour la douleur et le confort, physique et psychologique, ne font que rarement partie des soins dans un système médical qui évalue le succès par le nombre de patients.

Il est important de préciser ici qu’un type de naissance n’est pas supérieur à un autre; que l’approche choisie, qu’elle soit celle de l’hôpital, de la sage-femme, de l’assistante de naissance à la maison ou de l’accouchement non-assisté, n’a pas plus de valeur qu’une autre. Même que toutes ces approches devraient pouvoir coexister comme dans le cas où une femme serait suivie par une obstétricienne afin de juger si sa naissance est à bas risque, et pourrait ensuite choisir une naissance à la maison. Et malgré le fait qu’un accouchement n’est pas nécessairement matière à hospitalisation (à moins qu’on le souhaite, bien sûr), dans tous les cas, l’hôpital devrait être accessible aux femmes qui vivent des complications et ceci, sans jugement.

On ne peut pas dire, par contre, que parce qu’un certain nombre de sages-femmes pratiquent dans les hôpitaux du Nouveau-Brunswick, les réalités, les choix et les préférences de toutes les femmes sont respectés. Et cela, même si un jour les sages-femmes pourront délivrer les bébés à domicile comme on espère qu’elles le feront. Une des craintes soulevées suite à l’annonce du gouvernement libéral est qu’on s’engage dans une surveillance quasi policière des choix de naissance des femmes, et, surtout, du travail des accompagnantes de naissance.

On se doit de célébrer cette (petite) avancée que le gouvernement nous offre, et d’espérer qu’on continuera de cheminer pour que le respect des choix des femmes, ainsi que l’accès aux différentes options concernant la grossesse, l’accouchement et la façon dont on élève nos enfants soit améliorés. On doit aussi s’assurer que celles qui cherchent d’autres options ou qui ne se sentent pas représentées avec les options présentement disponibles aient la possibilité de chercher ailleurs pour des services assurant ainsi qu’on reconnaisse et qu’on respecte l’autonomie des femmes sur leur corps.

À propos…

Rébeka Frazer-ChiassonRébeka Frazer-Chiasson est paysanne à la Ferme Terre Partagée de Rogersville. Environnementaliste et féministe, elle s’intéresse aux enjeux liés la souveraineté alimentaire. Elle est diplômée en Mondialisation et justice sociale à l’Université St-Thomas de Fredericton.

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