Rémi Belliveau [commissaire]. Paul-Édouard Bourque [artiste]. Les Mikeys de Paul Édouard Bourque, Edmundston, Galerie Colline, 14 janvier au 21 février 2016.
Le jeudi 14 janvier, c’était à la Galerie Colline de l’Université de Moncton, campus d’Edmundston, que ça se passait. Une autre belle soirée à discuter avec du monde que t’es pas trop sur de connaître à propos de sujets que tu connais pas plus. Mais au moins tu sais hocher la tête nonchalamment en faisant des « Mmm » et des « Ohh ». Tu t’es même acheté un nouveau foulard pour aller avec ton manteau de tweed. Ça te donne un air mystérieux quand tu fixes les toiles en sirotant ton verre de vin, même si t’as aucune idée si le gout va te demander de prendre un Zantac rendu chez vous. T’aurais peut-être pas dû réchauffer la soupe Lipton que t’as laissée dans le chaudron depuis lundi ; la croute sur le dessus c’était un avertissement, mon homme.
T’es venu voir les fabuleux Mikeys du grand Paul Édouard Bourque… C’est là que tu te rends compte que t’as aucune osti d’idée de qui est Paul Édouard Bourque et encore moins de ce que représentent les Mikeys. Mais maudit que t’es bon pour faire semblant. Oublie pas les « Mmm », OK?
Finalement, en entrant, tu reconnais l’image. T’es pas trop sur. Tu penses fort. Ça te revient. Sur la couverture de la réédition de Moncton Mantra de Gérald Leblanc, en très petit, en haut de sa table d’écriture, pendant qu’il se tient la tête, Mikey fixe le kodak.
Les gens font le tour et discutent. Tu fais le tour aussi. T’attardes à quelques-unes des œuvres et quand tu vois que quelqu’un s’avance pour parler, tu t’accotes sur le cadre de porte. Le commissaire, Rémi Belliveau, explique le but de l’exposition et présente l’artiste.
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C’est en 1977 que le projet des Mikeys s’est enclenché. Bien qu’au départ aucun titre n’était attribué à la série, la production, elle, voyait le jour. Paul Édouard Bourque était alors étudiant et cherchait à détruire la multiplicité de l’image en utilisant la peinture. C’est sur une photo qui faisait la promotion de la comédie musicale Bugsy Malone que l’artiste s’est arrêté. Les Mikeys allaient voir le jour à travers le jeune Scott Baio, chapeau et costume de mafieux inclus.
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Une fois les grandes lignes de l’exposition expliquées, le commissaire présente l’artiste. C’est là qu’un grand homme, aux bras dignes de l’ampoule la plus haute, s’avance. C’est Paul Édouard Bourque. En toute modestie, l’homme présente l’œuvre. L’explique. La décrit en détail ; par série, par période. Dans ta tête, l’œuvre prend sa place et tu commences à comprendre. Les Mikeys, toile après toile, expliquent le cheminement de l’artiste et ses explorations. Tu vois le jeune Baio en voir de toutes les couleurs, se déconstruire jusqu’à presque disparaître et revenir pour disparaître à nouveau pour laisser place à l’artiste. Tu vois ce que les Mikeys représentent pour les arts visuels en Acadie. Tu vois ce qu’a construit Paul Édouard Bourque.
Après tout, l’exposition c’est pas juste du vieux stuff sorti des boules à mites. C’est pas nouveau, non plus. Mais il y a quelque chose là. Une rétrospective d’un tournant artistique en Acadie, ça fait jamais de tort. T’aimerais même peut-être en avoir un Mikey, toi aussi. Pour mettre en haut de ta table d’écriture pendant que tu te tiens la tête.
Finalement, tu vas devoir prendre un Zantac en arrivant à la maison et retourner chercher ton char le lendemain. Le vin a fait la job et personne n’a remarqué que t’étais un peu chaudaille. Tu trouves même ça plus facile d’avoir des conversations sur des sujets que tu connais pas. Ça va bien, mais une Tylenol, ça aiderait. Tu te call un taxi. T’es content d’avoir gardé ta carte d’étudiant, c’est juste cinq dollars pour un voyage en ville. Yé! Tu savais qu’un jour tu trouverais un avantage à avoir été étudiant.
Pour certains, c’est la création d’une œuvre qui résonne encore.
Pour d’autres, c’est un voyage de taxi à cinq dollars.
À propos…
Sébastien Bérubé est un artiste multidysfonctionnel. Auteur-compositeur-interprète, illustrateur, écrivain et poète, il aime tout ce qui touche à la création. Surtout le papier de construction. Titulaire d’un baccalauréat ès arts multidisciplinaire (littérature française, philosophie et histoire) de l’Université de Moncton campus d’Edmundston, il est aussi agent de développement culturel et communautaire du volet Premières Nations pour le district scolaire francophone du nord-ouest du Nouveau-Brunswick. Malgré tout, il aime toujours autant le papier de construction.