Mettons les pendules à l’heure : pour des mesures concrètes afin de mettre fin aux agressions à caractère sexuel – Collectif

En tant qu’étudiantes et étudiants de l’Université de Moncton, et membres du Projet de justice sociale de l’École de travail social, nous souhaitons contribuer à la discussion entourant la situation des derniers jours. Cette lettre n’entend pas montrer du doigt, mais aspire à offrir nos réflexions quant aux agressions à caractère sexuel et aux moyens d’y mettre fin.

Nommer les choses pour ce qu’elles sont

Les termes «cyber-violence» ou «courriel malveillants» ne vont pas assez loin. Nous devrions parler spécifiquement de «cyber-agression à caractère sexuel» ou encore d’«agression à caractère sexuel» tout court. La violence à caractère sexuel est une forme de violence spécifique, elle demande donc une réponse particulière.

Il est important de reconnaître que ce type de violence est sexospécifique : plus de 87 % des victimes d’agressions à caractère sexuel rapportées à la police sont des femmes[1] et près de 98 % des personnes accusées d’agression à caractère sexuel sont des hommes[2]. Nous savons également que certaines populations sont plus souvent ciblées.

Pour mettre fin à cette violence particulière, nous nous devons, comme membres de la communauté universitaire de l’Université de Moncton, de reconnaître et de dénoncer clairement et concrètement la culture du viol et toutes autres formes d’oppressions : sexisme, hétérosexisme, cisgenrisme, capacitisme, racisme, colonialisme, islamophobie, etc.

Pour des mesures réelles de prévention

Nous souhaitons la création d’un milieu académique et social où des efforts conscients sont déployés dans le but de mettre fin aux agressions et de transformer les normes sociales. Pour ce faire, il est nécessaire d’amener la communauté universitaire à réfléchir à ses valeurs et aux comportements qui doivent en découler.

De nouvelles normes sociales sont souhaitables vis-à-vis la violence à caractère sexuel (inspiré de la campagne Traçons-les-limites) :

  • La reconnaissance que la violence à caractère sexuel existe dans la société.
  • La reconnaissance que la violence à caractère sexuel concerne tout le monde.
  • La reconnaissance de l’importance de briser le silence autour de la violence à caractère sexuel et l’importance d’agir.
  • La reconnaissance que les personnes de l’entourage jouent un rôle important de prévention de la violence et de soutien.
  • La reconnaissance qu’il faut soutenir et respecter les victimes.
  • La reconnaissance qu’il faut tenir les agresseurs responsables de leurs actes.

Un sujet qui concerne tout le monde

En tant qu’étudiantes et étudiants, nous souhaitons travailler de pair avec les autres actrices et acteurs de la communauté universitaire afin de mettre fin à la violence à caractère sexuel. Parler d’une même voix montrera que nous voulons une société plus sûre, sécuritaire et égalitaire.

Chacune et chacun de nous avons une responsabilité individuelle d’apporter des changements sociaux. Il y a plusieurs façons d’intervenir : en soutenant une victime, en parlant de la prévention de la violence à caractère sexuel à nos collègues ou en dénonçant des propos ou des comportements inacceptables. Ce faisant, nous montrons que nous sommes attentives et attentifs à notre entourage, que nous participons activement à mettre fin à la violence à caractère sexuel et que nous faisons partie de la solution.

L’Université de Moncton a également une responsabilité quant à la prévention et à la sensibilisation. Voici certaines pratiques que nous favorisons (inspiré du Rapport du Groupe de travail sur les politiques et procédures en matière de harcèlement sexuel et de violence sexuelle) :

  • S’engager publiquement : les personnes en autorité sont celles qui donnent le ton à la culture d’un établissement et la façon dont on cerne un enjeu influence la manière par laquelle on y répond.
  • Créer des politiques et des règlements efficaces : c’est sécurisant pour les étudiantes et les étudiants de voir que son université prend au sérieux la prévention et qu’elle met de l’avant des politiques contre le harcèlement et les violences à caractère sexuel dans le milieu universitaire.
  • Favoriser la collaboration des acteurs : soit la mobilisation de la communauté et la collaboration des différentes instances et services au sein de l’université (incluant les corps étudiants) afin de coordonner les efforts de prévention.
  • Mettre en place des comités spécialisés : formés de membres issus des associations étudiantes et des différents groupes de personnel, des ressources humaines, des syndicats, de la sécurité, des services aux étudiantes et aux étudiants et de la ressource désignée pour traiter les signalements.
  • Tenir des campagnes de sensibilisation : portant sur l’importance du consentement, la dénonciation des violences à caractère sexuel, l’inclusion des femmes et de la diversité, le respect des différences et la promotion d’une culture du respect et d’égalité.
  • Offrir des programmes de prévention et de formation : qui reposent et favorisent une compréhension du phénomène des agressions à caractère sexuel et une connaissance approfondie du sujet (ses causes, ses manifestations, ses solutions).
  • Former la communauté universitaire : les personnes en position d’autorité (professeures, professeurs, doyennes, doyens, responsables des résidences, responsables des secteurs des sports, de la santé et de la protection, élues et élus de la fédération étudiante et des conseils étudiants) et le public en général. Les notions reliées au harcèlement ainsi que les ressources sur le campus, devraient être systématiquement présentées à toutes les nouvelles étudiants et tous les nouveaux étudiants lors des premières journées de cours.
  • Travailler à réduire les facteurs de risque : la sécurité physique sur le campus, les initiations et activités d’orientation, la consommation d’alcool et la culture organisationnelle.

Notre vision

Nous voulons étudier dans une communauté universitaire qui sait reconnaître la violence à caractère sexuel et les spécificités qu’elle engendre.

Nous voulons étudier dans une communauté universitaire qui nomme les choses pour ce qu’elles sont, qui reconnait les causes de l’agression à caractère sexuelle et qui met en place des mesures préventives pour les éradiquer.

Nous voulons étudier dans une communauté universitaire qui déplore la violence à caractère sexuel et qui reconnait la responsabilité qu’elle a à jouer afin d’offrir un milieu sain, sécuritaire et égalitaire pour toutes et tous.

Finalement, nous souhaitons voir des mesures concrètes afin de mettre fin aux agressions à caractère sexuel sur les campus de l’Université de Moncton et dans nos communautés.

Quelques statistiques

La violence à caractère sexuel est liée à la volonté de contrôler et de dominer et est profondément enracinée dans notre société. C’est l’une des composantes de la violence faite aux femmes, dans la mesure où la majorité des victimes sont des femmes et la majorité des agresseurs sont des hommes :

  • Plus de 87% des victimes d’agressions sexuelles rapportées à la police et 80% des victimes d’abus sexuels dans l’enfance sont des femmes et des filles[3].
  • Près de 98% des personnes accusées d’agressions sexuelles sont des hommes. En 2009, sur 10 695 personnes accusées, 10 442 étaient des hommes. Sur les 1 729 personnes accusées d’abus sexuels sur enfant, 1 657 (96%) étaient des hommes[4].

La violence à caractère sexuel se produit plus souvent qu’on ne l’imagine :

  • On peut estimer qu’une Canadienne sur trois sera victime d’une agression sexuelle au cours de sa vie adulte[5].
  • En 2009, au Canada, près de 676 000 personnes (femmes et hommes) ont déclaré avoir été agressées sexuellement[6].

Les agressions à caractère sexuel sont très peu rapportées à la police, ce qui laisse supposer que le véritable nombre d’agressions est sous-estimé :

  • Seulement une agression sexuelle sur dix est rapportée à la police[7].
  • En 2009, au Canada, 20 921 cas d’agressions sexuelles sur personnes de plus de 16 ans et 2 620 cas d’abus sexuels sur enfant ont été rapportés à la police[8].

Les femmes sont plus à risque d’être sexuellement agressées par une personne qu’elles connaissent :

  • Les victimes connaissent l’agresseur dans 82% des agressions sexuelles. Ce peut être une simple connaissance (46%), un membre de la famille (24%), un partenaire intime (8%) ou un conjoint ou un ex-conjoint (5%)[9].
  • 68% des agressions sexuelles graves ont lieu dans ou autour d’une résidence privée[10].
  • La violence à caractère sexuel existe dans les couples ou les relations intimes. Cette violence est sanctionnée par la loi. Les époux, les concubins, les petits amis peuvent être accusés d’agression sexuelle contre leur partenaire.

Les femmes ayant un handicap sont aussi plus vulnérables aux agressions à caractère sexuel :

  • Les personnes ayant un handicap sont deux fois plus à risque d’être victimes d’agressions sexuelles que les personnes sans handicap[11].

Les femmes autochtones sont également fortement à risque :

  • Le taux d’agressions sexuelles dans les réserves est sept fois plus élevé que dans le reste du Canada[12]. Les femmes autochtones étaient presque trois fois plus susceptibles que les femmes non autochtones de déclarer avoir été victimes d’un crime de violence[13].

[1] Statistiques Canada (2011). «Tableau 1», Les femmes et le système de justice pénale. Ottawa.

[2] Statistiques Canada (2011). «Tableau 7», Les femmes et le système de justice pénale. Ottawa.

[3] Statistiques Canada (2011). «Tableau 1», Les femmes et le système de justice pénale. Ottawa.

[4] Statistiques Canada (2011). «Tableau 7», Les femmes et le système de justice pénale. Ottawa.

[5] Statistiques Canada (2006). Mesure de la violence faite aux femmes : Tendances statistiques. Ottawa, p. 24.

[6] Statistiques Canada (2010). «Tableau 4», La victimisation criminelle au Canada – 2009. Ottawa.

[7] Statistiques Canada (2008). Les agressions sexuelles au Canada. Ottawa, p. 6.

[8] Statistiques Canada (2010). «Tableau 2», Statistiques sur les crimes déclarés par la police au Canada, 2009. Ottawa.

[9] Statistiques Canada (2011). «Tableau 2», Les femmes et le système de justice pénale. Ottawa.

[10] Statistiques Canada (2008). Les agressions sexuelles au Canada. Ottawa, p. 14.

[11] Statistique Canada (2010). Victimisation criminelle et santé : un profil de la victimisation chez les personnes ayant une limitation d’activité ou un autre problème de santé. Ottawa, p. 8.

[12] Statistique Canada (2006). La victimisation et la criminalité chez les peuples autochtones du Canada. Ottawa, p. 10.

[13] Statistique Canada (2011). La victimisation avec violence chez les femmes autochtones dans les provinces canadiennes. Ottawa, p. 7.

À propos…

Geneviève L. Latour, Shawn Austin, Guy Godin, Sarah-Anne Grandisson, Joanie Richardson, Natasha Landry, Sébastien LeBlanc, Cloé Leclairet Samantha Robichaud sont membres du comité sur les questions touchant les femmes du Projet de justice sociale de l’École de travail social de l’Université de Moncton.

 

Une réponse à “Mettons les pendules à l’heure : pour des mesures concrètes afin de mettre fin aux agressions à caractère sexuel – Collectif

  1. Excellent. Un peu sec comme lecture – pas très lyrique disons. Mais bravo.
    Je ne peux pas croire que je suis la première à commenter, parce que vous avez fait une vraie contribution. (Ce doit être la faute de la semaine de relâche)
    Merci.

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