Art et résistance sur l’île bleue dans une mer rouge – Collectif

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Les articles de La Filière Louisiane sont publiés grâce à un partenariat entre Astheure et Les Carnets Nord/Sud, blogue de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT) de l’Université Sainte-Anne. Cette série vise à faire mieux connaître les enjeux culturels de la Louisiane francophone et à favoriser le dialogue entre Acadiens et Louisianais.

Le samedi après T-Day, nous étions après manger dans un restaurant thaïlandais à Métairie, municipalité de l’agglomération métropolitaine de La Nouvelle-Orléans. À voix feutrées on était après discuter de l’horreur orange qui s’en venait pendant que le monde à la table d’en face pestait contre les «idiots» manifestant dans les rues. C’est à ce moment-là qu’on est passé à notre langue à nous, le français. Au cours de notre déjeuner, le couple devenait de plus en plus énervé et perturbé par notre emploi d’une langue «étrangère»… mais native. Alors que leurs commentaires à l’encontre des protestataires se faisaient toujours plus bruyants, ils jetaient des coups d’œil nerveux dans notre direction. «Tous ces manifestants devraient être rassemblés puis envoyés à Cuba s’ils n’aiment pas les États-Unis», dit la femme. Eux-autres ricanaient de plus belle en nous entendant continuer notre conversation en français.

Crédit photo : Jane Tardo et Jonathan Mayers.

En nous servant de notre langue comme d’une arme et d’un bouclier, nous faisons d’elle une représentation de notre culture, de notre héritage et de notre identité – progressistes et traditionnelles à la fois. Le monde peut penser qu’il n’y a pas un tas de résistance ni de malaise politique icitte en Louisiane, car la plupart des gens de l’extérieur nous tiennent pour des couillons, rouge-républicain comme autant d’écrevisses cuites. La vérité, c’est qu’il y a bel et bien un mouvement de résistance icitte en Louisiane, même s’il se produit surtout sur l’île bleue de La Nouvelle-Orléans. Le lendemain des élections, au soir, des centaines de personnes se sont retrouvées Place Lee Circle. En l’espace de quelques heures après ce rassemblement, des images de celui-ci furent diffusées un peu partout dans les médias sociaux.

Jane : J’ai connu plusieurs nouveaux amis francophones parce que je tenais une affiche proclamant un retour à Mai 68 : «La beauté est dans la rue».

Crédit photo : Jane Tardo et Jonathan Mayers.

Crédit photo : Jane Tardo et Jonathan Mayers.

Crédit photo : Jane Tardo et Jonathan Mayers.

Un des manifestants avait confectionné une grande effigie de Trump, laquelle fut brûlée avant le début de la marche. Des journalistes se sont vite rendus sur les lieux pour documenter cette mise aux flammes, ou comme ils disaient : «On dirait qu’ils brûlent une catin (poupée)».

«Il ne sait pas qu’une catin (poupée) n’est pas juste une catin (poupée) à La Nouvelle-Orléans».

Le jour de l’investiture, Dame Liberté, fabriquée sur place et d’une hauteur d’à peu près huit pieds, fut enterrée dans un énorme cercueil, puis promenée et exhibée par les manifestants tout partout dans les rues du centre-ville. Le spectacle s’est réédité encore le lendemain. Il s’agissait de reprendre la tradition de la second line des processions jazz de La Nouvelle-Orléans. Ce qui nous frappait tout autant ce jour-là et à d’autres moments depuis l’élection, c’est que le français se parlait et s’entendait plus que normalement dans les rues du Vieux Carré. Cela nous a presque semblé un retour au temps du début du vingtième siècle, quand la population francophone résistait encore à l’américanisation de La Nouvelle-Orléans.

Ce qui veut dire : la Louisiane possède une riche tradition de stratégies pour contrecarrer en français les Américains.

Devant les menaces de l’hyper-américanisation, de la gentrification et astheure des décrets anti-immigration pour les droits anti-humains, le lien avec notre héritage français doit s’approfondir. Même à présent, plus de 200 ans après avoir été vendus par la France, nous-autres on se tourne vers nos frères français et sœurs françaises pour nous inspirer. Jane s’est plongée dans la création d’affiches politiques à l’appui des efforts militants de 2017, en créant des linogravures s’inspirant du mouvement de mai 68, quand ouvriers syndiqués, étudiants universitaires, intellectuels et artistes se sont donné la main pour opposer au pouvoir une résistance visible et soutenue. Leur soulèvement à eux combattait le fascisme et la logique des droits anti-humains – ennemis jurés de notre franco-monde. Les images de Jane, d’une simplicité efficace, cherchent à traduire les défis actuels, politiques et sociaux, dans l’Amérique d’aujourd’hui, en fêtant la résistance créative et l’héritage de la langue française.

À propos…

2017-02-27_profil-mayers-et-tardoJane Tardo et Jonathan «rat de bois farouche» Mayers sont des Créoles créatifs de la Louisiane. Celle-là est éducatrice et militante, celui-ci artiste et animateur culturel, et tous les deux sont explorateurs.

 

2 réponses à “Art et résistance sur l’île bleue dans une mer rouge – Collectif

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