Le rêve canadien – Lucie Aounetse

L’immigration canadienne, le rêve d’une communauté plus forte pour la communauté francophone du Nouveau-Brunswick, une réalité complexe pour les immigrants. Ma tribune ne sera pas longue mais témoigne d’une frustration qui me suit depuis bientôt une année. Ce texte n’a pour but que de partager mon expérience et mon opinion personnelle. Je ne parle au nom de personne d’autre qu’au mien.

J’aime le Canada, j’aime le Nouveau-Brunswick et ses habitants, et j’aime, par-dessus tout, les acadiens. La chance que j’ai de m’investir dans le développement de la communauté acadienne et francophone de la province n’aurait pu m’être donnée nulle part ailleurs qu’ici en Acadie et pour cela je suis plus que reconnaissante. Ici, tout le monde se connaît ou presque. Ici, les étrangers sont généralement accueillis chaudement. Ici, se faire une place est un défi aisément surmontable. C’est ce qui fait notre richesse et notre force.

Mais voilà, l’immigration vient avec son lot d’adaptations parfois difficilement gérables. Cela fait vingt mois que je vis à Moncton. Je m’y plais. Je m’y sens chez moi. Je travaille pour un organisme communautaire francophone depuis mon arrivée et depuis huit mois je m’occupe d’un projet de société ayant pour objectif de participer au développement durable de notre communauté et de notre province. Ce projet me tient beaucoup à cœur.

Je travaille, ce qui veut dire que je cotise au Régime de pension du Canada et à l’Assurance emploi, ici au Nouveau-Brunswick. Et, avec toute la volonté que je peux avoir pour m’intégrer et participer du mieux que je peux à ce développement, je n’ai pas accès aux services de santé canadiens. Par deux fois je me suis vue refuser la carte d’assurance maladie de la province sous prétexte que je ne peux être assurée pour moins de douze mois. Lors de ma première demande il me restait un peu plus de onze mois sur mon visa de travail. Les alternatives qui m’ont été proposées à ce moment étaient soit de demander un nouveau visa (et ce, un mois après l’obtention de mon visa initial) ce qui implique une dépense personnelle supplémentaire de 250$, soit de récupérer mes factures médicales à chacun de mes rendez-vous pour qu’elles me soient remboursées lors de ma prochaine demande.

Une consultation aux urgences coûte plus de 600$ pour une personne non résidente. Une seule consultation. Ne parlons même pas des tests supplémentaires ou des médicaments qui peuvent atteindre les milliers de dollars. Qui m’assure que je vais revoir cet argent un jour? Les assurances santé pour les français expatriés sont dispendieuses, voire inexistante pour des expatriés de longue durée. Que me reste-t-il comme solution? Je ne peux même pas me rendre à une clinique qui propose des tarifs réduits car je n’ai pas de carte d’assurance maladie. Je suis dans le cercle vicieux de l’immigration.

De nombreux autres problèmes inhérents à l’immigration existent malheureusement. En une semaine j’ai appris que je ne pouvais ni avoir un financement (aussi petit soit-il) pour l’achat d’une voiture décente qui fonctionnera plus d’un an à moins que cette voiture ne date au plus de 2013 ou à moins d’être résidente permanente; ni consulter un médecin sans vider mon compte en banque pour un problème à l’œil qui me gêne depuis une semaine. Il ne me reste qu’à prier pour que mon problème à l’œil ne s’aggrave pas et pour que je ne tombe pas malade jusqu’au renouvellement de mon visa?

Pour être résidente permanente et bénéficier du programme Entrée Canada Express, il me faut au minimum un an d’expérience professionnelle au Canada ; service civique non compris. Je dois donc attendre encore trois mois avant d’entamer les démarches. Une demande de résidence permanente peut prendre deux ans avant d’être acceptée. Que faire en attendant ce Saint-Graâl? Espérer ne jamais tomber malade et ne jamais avoir d’accident? Éviter toute activité sportive, comme je l’ai fait, pour éviter une éventuelle blessure? Continuer à s’épuiser à marcher pour se rendre au travail ou faire son épicerie?

Favoriser l’immigration francophone pour contribuer au développement économique et communautaire francophone de la province est un beau projet, mais adapter le système pour ces immigrants en est un autre. En tant qu’immigrante, ce sont ce genre de difficultés et d’inconvénients qui me font douter de ma volonté à m’établir au Nouveau-Brunswick. L’immigration, comme partout ailleurs j’en conviens, est un combat perpétuel. L’immigration est un apport non négligeable pour notre province. Il est de mise de la faciliter au risque de perdre cette plus-value.

À propos…

Lucie Aounetse est une jeune française originaire de l’île de La Réunion. Après avoir vécu au milieu de l’Océan Indien, elle sillonne les villes de France pour finalement s’installer au Canada en 2015. Acadienne d’adoption, elle a à cœur la protection de l’identité acadienne et francophone et travaille pour le projet de société Créons la suite depuis 2016.

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Une réponse à “Le rêve canadien – Lucie Aounetse

  1. Il faut toujours prévoir une assurance santé quand on part dans un autre pays. Lorsque j’ai immigré au Canada, il y a 14 ans, on nous le préconisait fortement sous risque de s’exposer à d’importants frais médicaux.

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