Le monde de Guildor Michaud – David Lonergan

Michaud, Guildor, Kathie et Jérémie, Tracadie-Sheila, Éditions La Grande Marée, 2016, 348 p.

Avec Kathie et Jérémie (Éditions La Grande Marée), Guildor Michaud explore à nouveau l’univers qu’il a créé dans Le Morveux (Éditions du Septentrion, 2006), puis continué dans Nooooooh! (Éditions de la Francophonie, 2012). Comme l’auteur, les principaux personnages sont originaires de Drummond, un village du nord-ouest du Nouveau-Brunswick.

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Crédit photo : Éditions La Grande Marée.

Le Morveux mettait en scène Simon Francoeur qui allait épouser Stéphanie Albert tandis que Nooooooh! se construisait autour de Jacqueline «Jopette» Sirois qui allait prendre pour époux Étienne Garnier. Jopette a une grande amie d’enfance qui l’accompagne dans son cheminement, Catherine «Kathie» Côté. Kathie est l’héroïne de Kathie et Jérémie dans lequel on retrouve surtout Jopette et quelquefois Stéphanie, ces deux femmes maintenant veuves. Elles sont toutes octogénaires.

Le premier chapitre pose la base de l’intrigue : Jérémie Chamberland est dans un état végétatif en cette veille de Noël 2010. Comme il le lui avait demandé par écrit et devant notaire, Kathie «débranche» son mari. Elle doit poser ce geste elle-même puisque ses demandes répétées n’ont pas été prises en considération par le personnel médical de l’hôpital. Elle ne se sent pas moins coupable et ce sentiment la poursuivra pour une bonne partie du roman, même si elle sait qu’elle n’avait pas d’autre choix. La problématique de l’acharnement thérapeutique et de l’aide à mourir est abordée au sein de l’intrigue par l’intermédiaire des prises de position des personnages. Ainsi Sophie, la fille de Kathie, reproche à sa mère d’avoir posé un tel geste, mais elle n’est guère sympathique, elle qui reproche également à son frère Charles son homosexualité, tout comme d’ailleurs Jean-Paul, le frère ainé, tout aussi antipathique. À l’opposé, Charles, qui est toujours prêt à soutenir sa mère, est le «bon» du roman.

Mais l’impression première qui se dégage des personnages se complexifie au fur et à mesure que se développe le récit. Michaud sait animer ses personnages, leur donner vie et dévoiler leurs pensées. On apprend à les connaître et on découvre que ce qu’ils ont laissé transparaitre durant les premiers chapitres cache les blessures qu’ils ont subies. Les expériences qu’ils ont vécues qu’elles soient professionnelles ou affectives ont construit ce qu’ils sont au début du roman. Les huit mois qui suivront les verront cheminer et soit vaincre leurs fantômes, comme ce sera le cas de Sophie, soit s’abandonner à eux, comme le fera Jean-Paul.

La galerie des personnages s’élargit en incluant les conjoints des enfants de Kathie, ses petits-enfants, Jopette et accessoirement Stéphanie. L’ombre de l’enquête préliminaire qui doit faire la lumière sur le décès de Jérémie plane au-dessus de tous ces personnages. Une des belles scènes du roman est celle durant laquelle la juge exonère Kathie de tout blâme.

Quant à Kathie, elle sera bousculée par ses enfants, ses amies et Jérémie à qui elle écrit, lui reprochant de l’avoir abandonnée. Elle aura à affronter aussi bien son sentiment de culpabilité que les problèmes de Sophie et de Jean-Paul pour finalement retrouver une certaine harmonie.

Les anecdotes et les rebondissements alimentent le récit et maintiennent jusqu’à la fin l’intérêt. Michaud décrit les émotions, les contradictions, les mouvements de l’âme avec talent. Fin observateur de la nature humaine, il rend vivantes les questions que se posent les personnages et les angoisses comme les joies qui les habitent. En cela, il reprend avec autant de succès la même technique d’écriture des deux précédents romans.

À propos…

David Lonergan1David Lonergan a vécu en Acadie de 1994 à 2014. Il habite aujourd’hui en Gaspésie. Il a travaillé dans divers domaines : théâtre, journalisme (écrit, radio, télévision), enseignement (au secondaire puis à l’universitaire). Il a publié plusieurs livres dont plus récemment aux Éditions Prise de parole, Paroles d’Acadie : anthologie de la littérature acadienne 1958-2009 (2010), Acadie 72 : naissance de la modernité acadienne (2013) et Théâtre l’Escaouette 1977-2012 (2015).

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