Égaux en dignité et en droit? – Sarah Dennene

Ce texte est le premier d’une série de cinq textes soulignant la Journée internationale pour les droits des femmes. Il s’agit d’une initiative du Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick (RFNB).

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit. Cette phrase est l’essence même de la protection des droits de la personne. Si ce principe fut proclamé en 1948 par la Déclaration des droits de l’Homme (« Homme » incluant ici les femmes!),  nous sommes encore loin du respect du principe. À titre d’information, il a fallu attendre 1979 pour que soit adoptée la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Les filles de moins de 18 ans, en tant qu’enfants, ont cependant été longtemps les oubliées de la protection internationale puisque ce n’est qu’en 1989 que les Nations Unies adoptent la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée quasi-universellement, qui reconnait pour la première fois les enfants de moins de dix-huit ans comme titulaires de droits. L’un de ses principes directeurs est la non-discrimination, protégé en son article 2. Selon cet article, tous les enfants, sans distinction de sexe – nous préférons ici employer le terme genre afin d’attirer l’attention sur la différence sociale plutôt que biologique – ont les mêmes droits civils, politiques, socio-économiques et culturels. Quel bouleversement de reconnaitre à celle et à celui qui ne parlait pas des droits d’enfant et des droits humains.

Néanmoins, il existe une différence entre l’égalité formelle (l’égalité sur papier) et l’égalité réelle (l’égalité dans la pratique), qui n’est pas aisée à constater alors que notre droit fait spécifiquement mention du principe d’égalité. C’est dans l’application du principe que l’on prend la mesure des rôles sociaux et des dominations qu’incarnent les rapports de genre. Autrement dit, si le principe d’égalité se trouve bel et bien dans la loi, dans la pratique, ce principe n’est pas toujours préservé.  L’inégalité est à l’origine des statistiques troublantes de violence à l’égard des filles et des femmes, ici et ailleurs. Elle se révèle chaque fois qu’un propos sexiste est tenu. Cette inégalité est-elle pour autant clairement dénoncée comme genrée? En d’autres mots, avons-nous toujours conscience du fait qu’il s’agit d’une situation qui affecte spécifiquement les femmes et les filles?

Cette inégalité entre les genres prend racine chaque fois que l’on assigne, inconsciemment souvent,  les jeunes filles à des rôles stéréotypés attachés au féminin ou que l’on conforte les garçons dans des rôles stéréotypés dits masculins.  Entre la profonde méconnaissance des droits des enfants et celle liée aux problématiques des genres, l’importance de l’éducation à l’approche genrée se dessine clairement.

Combattre dès l’enfance les stéréotypes et ouvrir à toutes les filles les possibilités, les infinies possibilités : prendre la parole d’abord, réclamer plus tard un traitement équitable, le respect de leurs droits, s’insurger contre toute forme de sexisme, réclamer ni plus ni moins que les mêmes opportunités, réaliser simplement leur plein potentiel, là vit l’égalité. Cette éducation doit aussi viser les garçons. Que l’on pense à la culture du viol – l’importance du consentement trop vite oubliée –, à la lutte contre les propos et attitudes sexistes quotidiennes,  les exemples de l’actualité ne sont hélas que trop nombreux pour nous rappeler à quel point il est nécessaire d’agir le plus tôt possible.

C’est aussi expliquer le féminisme, le démystifier; on ne nait pas femme, on le devient écrivait Simone De Beauvoir. Au même titre, on ne saurait naître en sachant défendre l’égalité des genres et le respect des droits, cela s’apprend et doit être valorisé.

Le respect des droits de tous, le fondement d’une société plus égalitaire, passe aussi par la conscientisation de tous les acteurs à la prise de compte de l’approche genrée dans l’intervention auprès des enfants et des jeunes, afin de contrer à la source la perpétuation des cycles d’inégalités. Or, nous ne pouvons, nous adultes, le faire seules, il faut écouter les principales concernéEs et les principaux concernés. Ces jeunes, elles et ils ont tant à dire, ce sont des forces vives, des porteuses et porteurs de solutions; à nous de leur donner les moyens de se faire entendre.  Oui, les enfants et les jeunes, peu importe leur genre, ont les mêmes droits; ils doivent, maintenant, également, pouvoir les exercer.

À propos…

Sarah Dennene est avocate, membre du Barreau du Québec et directrice de la recherche de, l’éducation et de la sensibilisation au Bureau du défenseur des enfants et de la jeunesse du Nouveau-Brunswick. Dans ce cadre, elle est notamment responsable du volet d’éducation et de sensibilisation du Bureau sur les plans provincial, national et international, soutenant notamment le secrétariat du Groupe de travail relatif aux droits de l’enfant dans l’espace francophone. Sarah a débuté sa carrière juridique en exerçant à titre d’auxiliaire juridique à la Cour fédérale du Canada. Elle s’est tournée ensuite vers la pratique privée avant de se consacrer à l’éducation juridique des jeunes. Animée par la mission de promotion des droits de l’enfant et de la participation des enfants et des jeunes, ses recherches portent sur la participation de l’enfant au sens de l’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant. Impliquée, elle siège, par ailleurs, sur le sous-comité voué à la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant de l’Association du Barreau canadien. Sarah co-préside également le Comité directeur national de la Semaine d’éducation aux droits de l’enfant au Canada.

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