Depuis quelques mois, la question est sur bien des lèvres : si on n’exploite pas le gaz de schiste, alors on fait quoi?
Ce n’est pas banal comme interrogation. Car, avouons-le, face aux programmes gouvernementaux, les Néo-Brunswickoises et les Néo-Brunswickois ont aujourd’hui des attentes très élevées. Ils exigent ce qu’il y a de mieux en matière de soins de santé, d’éducation et d’infrastructure routière. De plus, ils veulent venir en aide à des milliers de leurs concitoyens avec des programmes de soutien au revenu. Et, bien entendu, ils réclament des emplois pour gagner un revenu permettant de satisfaire leurs moindres besoins matériels.
Le premier ministre Alward a au moins partiellement raison lorsqu’il dit que les gens du Nouveau-Brunswick sont à la croisée des chemins. Ils peuvent choisir de s’engager dans la voie de l’exploitation des gaz de schiste dans l’espoir, aussi illusoire soit-il, que cette industrie les aidera à financer leurs programmes sociaux à court et moyen terme (disons, au mieux, 15 ou 20 ans). Ils peuvent aussi choisir de tourner le dos à cette industrie maintenant. Mais, dans cette éventualité, qu’adviendra-t-il de leurs services publics dans les deux, trois ou quatre prochaines années? Personne, pour le moment, ne semble réussir à brosser un tableau clair. Même les partis d’opposition, dont certains réclament un moratoire, restent très vagues sur les conséquences de renoncer à l’industrie du gaz.
Comme opposants aux gaz de schiste, j’estime que nous avons une responsabilité de contribuer à définir la voie vers un avenir durable et aussi prospère que possible. Nous devons parler des vraies choses et éviter de nous cacher derrière des théories un peu floues et déconnectées de la réalité.
A priori, il faut bien reconnaitre que la route vers une économie plus durable et moins dépendante des ressources non-renouvelables ne sera pas pavée de roses. C’est une démarche qui s’échelonnera sur des décennies et qui sera grandement influencée par le monde qui nous entoure. Elle sera parsemée d’essais, d’erreurs, de promesses et de déceptions. Et elle sera sans doute caractérisée par une faible croissance économique, voire même une décroissance.
Ce scénario en fait frémir plus d’un, et avec raison. Car tous les systèmes que nous avons inventé depuis environ 150 ans, qu’ils soient économiques, financiers, politiques ou autres, risquent fort de tomber en panne en l’absence de croissance économique. Toutes les suppositions sur le fonctionnement de notre société pourraient s’effondrer comme un château de cartes sans la sacro-sainte croissance. Je reviendrai sur cette question dans la partie II de cette ma chronique.
Donc, ne nous faisons pas d’illusions. La transition vers une économie durable ne sera pas chose facile. Attendons-nous à une augmentation des impôts et à une réduction des services publics. Prévoyons d’autres mouvements de main d’œuvre. Préparons-nous aussi à voir des gouvernements provinciaux se succéder, nier la réalité et tenter d’éviter l’inévitable.
Mais, soyons aussi conscients que le Nouveau-Brunswick n’opère pas dans un vase clos. D’autres provinces et pays sont confrontés aux mêmes enjeux. Même l’Alberta n’en n’est pas à l’abri. Dans un article récent du Globe and Mail, Joseph Arvai, un géographe respecté de l’Université de Calgary comparait sa ville à Détroit, une ville qui vient de faire faillite. Dans les deux cas, affirmait-il, leur croissance a été construite sur une base industrielle qui est à la merci des aléas du marché et des consommateurs. La prospérité relative de l’Alberta, fondée sur une ressource polluante et non renouvelable, ne sera pas éternelle et l’exode de certains de nos effectifs vers l’Ouest n’est donc peut-être pas si permanent qu’on pourrait le penser.
Le principal défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui en est un de psychologie de masse. Collectivement, nous n’arrivons pas à reconnaitre le nouveau paradigme et à l’accepter.
Or, selon moi, les gagnants de l’avenir sont les états, les provinces et les villes qui auront été les premiers à réfléchir et à agir sur des politiques capables de maintenir le bien-être des citoyens sans miser sur l’augmentation continue de la richesse monétaire. Rien n’empêche que le Nouveau-Brunswick soit un de ces devanciers.
À mon sens, s’il était précurseur et visionnaire, dès maintenant le Nouveau-Brunswick établirait des politiques menant aussi vite que possible vers une nouvelle économie, c’est-à-dire une économie qui fonctionne selon ses moyens écologiques. Voici des exemples :
- Une nouvelle approche à la production et à la conservation d’énergie qui mettrait un accent beaucoup plus prononcé sur les sources renouvelables, notamment les sources d’énergie marémotrice;
- Une nouvelle politique agricole qui miserait sur la souveraineté alimentaire et les petits agriculteurs-entrepreneurs et qui ouvrirait la voie à de nouvelles productions;
- Une réforme en profondeur de la Loi sur les municipalités qui lèverait les barrières actuelles et qui libèrerait le potentiel créatif du « local »;
- Une stratégie d’innovation axée sur nos créneaux naturels liés principalement aux industries forestières, de la pêche et de l’agriculture, comme le secteur acéricole (sirop d’érable), par exemple
- Une nouvelle image de marque et la modernisation de notre produit touristique résolument axé sur l’éco-tourisme, les produits du terroir et des icônes comme la rivière Petitcodiac.
J’entends déjà la voix de certains de mes amis me traiter de rêveur. Mais suis-je plus rêveur que ceux qui prétendent que le gaz de schiste va nous sauver? Suis-je plus rêveur que ceux qui fondent aveuglément tous leurs espoirs sur des technologies qui ne sont même pas encore inventées? Suis-je plus rêveur que ceux qui supposent que l’on peut continuer à emprunter du capital écologique de la Terre sans risquer l’anéantissement de la vie humaine? À vous de décider, chers lectrices et lecteurs.
Dans la deuxième partie de cette chronique, je compte aborder la question de la dette publique du Nouveau-Brunswick.
À propos…
Depuis plus de 12 ans, Michel Desjardins se consacre sans relâche à des causes environnementales dans la région de Moncton. Il a notamment joué un rôle de premier plan dans la bataille pour la restauration de la rivière Petitcodiac. Il est aussi l’instigateur de plusieurs projets et organismes locaux, dont Grand Moncton Post Carbone. Comme consultant, Michel Desjardins se spécialise en recherche communautaire, en développement organisationnel et en rédaction.
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C’est bien parti comme reflexion. Le probleme, comme je le vois, c’est d’aller du commentaire a la prochaine etape. Le mouvement citoyen est en panne. Il n’y a pas de lieu de rencontre physique – des evenements notament – qui reunissent les gens (en Acadie surtout). Les sites web c’est beau mais il doit avoir un evenement annuel qui reuni les progressistes. Mon concept est celui de la Cite Reve qui avait commence a prendre forme il y a une dixaine d’annees et qui c’est concretise un peu avec le Plan vert de Memramcook.
Si on avait autant investi pour développer les technologies qui feraient diminuer le coût de production des énergies renouvelables que pour développer la technologie de la fracturation hydraulique le monde serait sur la bonne voie.
Je suis tout à fait d’accord avec M. Desjardins, pourquoi ne pas convoquer des groupes de discussions rassemblés autour d’experts qui se sont démarqués dans différents secteurs d’une nouvelle économie afin d’arriver à l’élaboration de mesures innovantes et concrètes. Si des pays comme la Finlande ont pu y parvenir, une petite province comme la nôtre, peut y arriver. Qu’est-ce qui nous en empêche?
Y disent que la Baie de Fundy a beaucoup de potentiel a cause de son courant marin. On devrait trouver une solution fait au Canada pour exploiter cette richesse. Actuellement on laisse des compagnies europeenes tenter de trouver une solution avec des turbines qui durent meme pas 1 mois dans la Baie, but jme dis qu’on est assez vaillant pour trouver notre propre solution.