Je me présente. Je m’appelle Jasmin, je suis fier d’être Acadien, et je dois vous confier que je me trouve à être de plus en plus opposé au chiac. Mais avant que vous ne me traitiez d’élitiste francophone, laissez-moi vous dire que je fais un usage des plus profanes du chiac. Eh oui, je suis un de ceux qui « park son car dans le garage quand il revient des movies ». Ayant grandi au centre-ville de Moncton dans les années 90, mon ADN, me semble-t-il, a été touché par la chiacité et je suis très fier de l’employer quand je retourne chez moi ou quand je parle à d’autres Acadiens ici à Ottawa. Ça apporte une petite touche de chez soi pour les membres de la diaspora acadienne, surtout dans les couloirs de l’Université d’Ottawa.
Mais le problème pour moi apparaît quand le chiac devient l’élément central qui définit une culture, tant pour ses membres que pour les observateurs externes. L’Acadie, je l’espère bien, ne se résume pas à un vernaculaire corrompu qui, bien qu’il soit spécifique aux Acadiens, est en fait uniquement utilisé dans le Sud Est de la province. Son aspect de représentativité, même, est mis en doute. Je dis « corrompu » parce que le chiac, à la différence de la langue de jadis en Acadie, se caractérise par un mixage de deux langues et n’a pas vraiment d’assise historique (elle s’est développée assez récemment). Ainsi, je perçois le chiac comme étant une sorte de ciment autoréférentiel pour les Acadiens contribuant à créer un langage codé où chacun s’y reconnaît, beaucoup plus que ce qui nous rend unique et distinctif comme peuple.
Pour Charles Taylor, éminent philosophe montréalais, il faudrait parler d’une communauté de sens. « Les sociétés libérales reposent d’emblée sur un horizon partagé, un dialogue, qui peut prendre des assises historiques et culturelles, qui est donné aux individus avant même que ceux-ci puissent devenir, à leur tour, des interlocuteurs. La délibération repose sur un ensemble de significations et de sensibilités communes qui sont à la base du lien communautaire »[1]. On voit donc que cette première dimension du chiac remplit un rôle non négligeable : celui d’affirmer les liens entre les individus d’une même culture, contribuant ainsi à leur offrir un reflet d’eux-mêmes, et donc de leur donner un sens, un sentiment qu’ils partagent un même univers commun ancré dans la localité. Aujourd’hui, ce vernaculaire est utilisé par des écrivains de renom qui tentent de représenter artistiquement le vécu acadien (voir France Daigle et le regretté Gérald LeBlanc, figure importante du chiac) et il est également étudié par des académiques, non exclusifs au monde francophone, soit dit en passant.
Il faut aussi se poser la question à savoir si le chiac a vraiment une force ailleurs en Acadie? Il faudrait ici apporter une distinction importante entre la pratique culturelle qui renforce les liens internes et celle qui nous représente à l’extérieur de nos frontières provinciales. Afin de mieux illustrer ce que j’entends ici, utilisons l’exemple de nos voisins québécois. Une gamme d’expressions propres au Québec parsème leur territoire (dois-je vraiment ici vous donner des exemples concrets!?), mais quand vient le temps de se représenter à l’extérieur ou même dans tout évènement formel à l’intérieur du Québec, ils utiliseront un langage approprié. Dit simplement, le patois est utilisé de manière contrôlée. Il faut savoir où et comment en faire usage, car ce n’est rien de moins que notre réputation qui est en jeu. Comment ainsi entrevoir notre dialogue avec les autres grands pôles de la Francophonie, tels la France et le Québec, si un respect de base pour cette langue n’est pas de la partie? Notre siège au sein de l’Organisation de la Francophonie pourrait bientôt être mis en péril, et ce, à juste titre.
Certes, on ne saurait détacher le chiac de l’expérience culturelle monctonienne : véritable centre de bouillonnement de l’Acadie urbaine, confluence des mondes anglos et francos du Nouveau-Brunswick, le charme de Moncton réside dans cette dualité linguistique. Un de nos plus grands poètes, Gérald LeBlanc, a dédié une grande partie de son œuvre à la question du chiac et il en discute longuement dans l’Éloge du Chiac (1995), un des premiers livres à cimenter la place du chiac dans la littérature acadienne. Les ouvrages de poésie acadienne faisant usage du chiac abondent. Plusieurs en ont fait un élément central de leur œuvre, contribuant ainsi à propager le chiac au travers des méandres de l’imaginaire acadien. M. LeBlanc a raison de célébrer le vécu unique en Acadie urbaine, mais il faut aussi dire que c’était un homme de lettres qui pouvait très bien s’exprimer en français, ce qui peut être dit de tous les écrivains qui utilisent le chiac. Leur langue n’est pas limitée au chiac, bien qu’ils en font un usage prédominant dans leur art. On pourrait illustrer cette idée autrement. Les peintres qui choisissent d’œuvrer dans l’art hyper-abstrait, pensons ici à un Jackson Pollock, pouvaient aussi certainement peindre de jolies toiles de style réaliste. Si ces gens s’illustrent par le fait qu’ils peuvent se détacher de leur objet tout en étant conscients de l’exercice auquel ils s’adonnent, malheureusement, on ne peut dire la même chose de bien des Acadiens aujourd’hui.
Nombreux sont les artistes acadiens qui ont su utiliser le chiac ailleurs sur la scène musicale canadienne afin de se différencier des autres : Radio Radio, Marie-Jo Thério, Zéro Degré Celsius et Lisa Leblanc pour n’en nommer que quelques-uns, tous ont eu du succès en dehors de l’Acadie. Certainement, une partie de leur attrait est attribuable au fait qu’ils apportèrent quelque chose d’original à leur art, une spécificité qui les rend uniques. Le chiac sert donc de branding pour l’Acadie, il n’en fera nul doute. Ceci est excellent selon moi. Les vieux bluesmen américains étaient pareils. Mais encore une fois, il ne doit pas résumer l’entièreté de l’expérience culturelle acadienne car, à son essence, le chiac est ironiquement anti-acadien, si on comprend l’Acadie comme étant une des premières sociétés francophones hors-Europe, société qui a également été forcée à se développer culturellement à l’intérieur d’un territoire anglicisé, et ce depuis le début du 18e siècle. Je vois difficilement comment l’exportation d’une telle langue hybride, elle-même symbolisant la perte de notre combat, renforce la fierté que nous avons pour ceux qui nous ont précédés sur notre territoire. La raison d’être de l’Acadie sera soudainement disparue.
Après tout, le chiac est-il vraiment si original comme vernaculaire? Les exemples abondent de langues qui empruntent aux autres. Les Français de France par exemple feront un usage de plusieurs mots anglophones dans leur vocabulaire. Aussi, si on puise dans l’histoire, on verra que la majorité des langues contiennent d’importants fragments d’autres langues qui ont été intégrées à la leur. Ironiquement, ce sont les Normands qui ont influencé l’anglais. Mais ce serait pour moi plutôt une tentative de mettre un peu de piquant dans sa langue, d’apporter des référents exotiques de l’Amérique et de la Grande-Bretagne, vu l’homogénéité linguistique des pays européens. On parlerait ici de mélange plutôt que de combinaison. La distinction entre ces deux termes est importante : si l’un tient plutôt à une habitude linguistique automatisée, comme le chiac, l’autre renvoie davantage à l’idée de parsemer sa langue de fragments empruntés d’une autre.
Aussi, on pourrait avancer l’argument que l’emprunt aux autres langues est un phénomène commun partout, alors pourquoi s’en prendre au chiac spécifiquement? Pour moi, il s’agirait plutôt dans le cas du chiac d’un manquement à la langue, car essentiellement on ne fait que remplacer le mot qui ne nous vient pas à l’esprit par le mot anglais qui se trouve à être plus prépondérant, vu notre minorisation, et donc plus accessible à la pensée immédiate. Si ce n’était le cas, on observerait un parler francophone de plus haute qualité, ce qui serait reflété dans la performance scolaire à l’école ainsi que dans l’affichage public. Dis simplement, on fait affaire ici à une paresse linguistique.
La science ira plus loin. Plusieurs études en psychologie ont démontré qu’il y a un lien fort entre la langue et l’intelligence. Utilisons ici la plus classique de ces études : l’hypothèse Sapir-Whorf sur le relativisme linguistique. En gros, elle avance l’idée que la structure de la langue détermine la pensée, et ainsi la perception du monde : « They hold that each language embodies a worldview, with quite different languages embodying quite different views, so that speakers of different languages think about the world in quite different ways »[2]. On comprendra où je veux en venir. Un vernaculaire couramment employé, ayant ainsi pour ses locuteurs essentiellement le même statut qu’une langue, combinant deux différentes langues, offre un univers de pensée beaucoup plus limité en raison de l’incomplétude de chaque langue individuelle. La conception du monde se trouve réduite de moitié. Bien sûr, je ne prétends aucunement être un expert dans ce domaine, mais a priori, je pense que l’intuition et le raisonnement se tiennent. On verra donc qu’une langue qui pose problème, telle le chiac, peut causer une étroitesse de la pensée et aussi une étroitesse de la description linguistique de ce monde interne si elle devient la seule langue utilisée au profit du français. Il n’est nullement mon intention ici de parler de la situation présente, mais plutôt de porter l’attention à l’avenir car, il me semble qu’il y a de sérieux problèmes qui germent en Acadie.
La récente crise liée à l’état de la langue française à l’Université de Moncton servira ici d’exemple poignant de la détérioration de la qualité de la langue en Acadie. Si les prochains enseignants ne sont pas pleinement formés dans l’instruction de la langue française et n’y voient pas un bien culturel digne de protection, comment entrevoir la continuité du français en Acadie? La performance scolaire en français des jeunes néo-brunswickois en est aussi un exemple que l’on ne peut négliger. Aussi, les récentes statistiques nous démontrent que les francophones issus de l’Afrique s’inscrivent en masse à l’Université. Pour assurer cette croissance, et pour légitimement se réclamer du titre de « la plus grande université francophone hors-Québec au pays » l’Université doit faire mieux. Moncton et Dieppe doivent aussi faire mieux. Il est triste de penser que la seule ville officiellement bilingue au pays, si l’on se fie aux pamphlets visant à attirer l’immigration dans cette ville, a toujours de la difficulté à assurer une réglementation allant de ce sens. Les fameux dires de l’écrivain Yves Beauchemin, qui veut que les francophones canadiens hors-Québec sont « des cadavres encore chauds », semble donc avoir une malheureuse vérité derrière elle. La Francophonie canadienne s’effrite de plus en plus. Il en vient donc à ses membres de la reproduire. Prenons en main non seulement notre propre destin comme communauté francophone canadienne, mais aussi la longue bataille qui nous a été léguée.
Comme toujours, j’ouvre le terrain au débat!
À propos…
Originaire de Moncton, Jasmin Cyr étudie maintenant la politique canadienne à l’Université d’Ottawa ayant compltété un Baccalauréat en sciences sociales à l’Université de Moncton en 2008. Sa thèse de maîtrise porte sur la philosophie politique et comment elle nous aide à comprendre le nationalisme canadien tel que le concevait Pierre E. Trudeau. Il travaille également comme guide-interprète au Parlement du Canada.
[1]
[1]Bernard Gagnon, ‘‘Charles Taylor. De la politique de la reconnaissance au pluralisme libéral’’, 2012. http://www.cevipof.com/rtefiles/File/pluralisme%20papers/Draft%20Bernard%20Gagnon.pdf,Le 1 octobre 2013
[2]
[2] Stanford Encyclopedia of Philosophy, ‘‘The Linguistic Relativity Hypothesis’’, http://plato.stanford.edu/entries/relativism/supplement2.html, Le 1 octobre 2013
Tellement de choses me viennent à l’esprit suite à la lecture de cet article que j’ai trouvé très intéressant. D’abord le fait que la langue se connecte sur l’identité qui elle se connecte sur la culture. Tout dépend où l’on se situe dans cette échelle, la langue demeurent le grand véhicule de la culture et de l’identité. Je crois qu’il est important de s’exprimer correctement mais lorsque cela devient une sorte d’exotisme qui nous exclue du discours je crois que cela devient dramatique. Je me souviens par exemple d’un sondage qui répertoriait le temps de discours au Parlement où les divers députés avaient pris la parole. Cette session là on notait que Claudette Bradshaw était la seule qui n’avait pas parlé. Certaines personnes avaient interprété ce silence par le fait qu’elle était probablement très consciente de son élocution et sans doute que certains autres députés avaient sans doute contribué à cet état de faits par leurs remarques, leurs sourires, tous ces petits moments impossible à articuler mais que l’on peut quand même décoder.
Durant longtemps nous avons été, au Québec, exotiques par l’accent acadien qui était celui de la Sagouine et par toutes ces expressions savoureuses en provenance d’un vieux français que peu de gens parlaient. Nous étions exotiques dans le passé. De nos jours, au Québec encore, nous sommes devenus, avec le chiac, exotiques du présent et sans doute de l’avenir. Reste que tenir un discours en chiac est indicateur d’une situation sociale et politique qui peut se défendre dans l’univers de la familiarité mais peu ou pas dans la plupart des domaines où le discours doit se faire entendre, dans ces moments où la parole devient importante, il serait difficile d’utiliser les mêmes stratégies. C’est un fait prouvé que lorsqu’on écoute la manière dont les gens s’expriment, lorsqu’on se concentre sur leur élocution, il y a peu de chances que l’on écoute vraiment ce qui se dit. Cela vaut autant pour les chiacs que pour les ayatollahs de la langue française quand ils décident de nous jeter de la poudre aux yeux.
Pour ce qui est des artistes et des intellectuels il y a un flirt avec le chiac que je trouve assez étrange mais que je comprends assez bien puisque le chiac est « rentable » en termes de notoriété et de singularité. Gérald LeBlanc, qui s’est fait le défenseur du chiac, n’a jamais écrit en chiac sauf un poème à la fin de son livre « L »Extrême frontière ». Même chose pour Guy Arsenault qui a écrit en français ou en anglais. Chez Marie-Jo, la chanson « À Moncton » mais le reste de son oeuvre est en français standard. Ce qui me fait penser à Antonine Maillet qui dit quelque part : « C’est bien de parler deux langues mais pas en même temps ». Je suis d’accord avec elle. Chez la génération qui a suivi, le chiac est devenu une sorte de référence identitaire et c’est sans doute ce qu’on a retenu au Québec, nous laissant grenouiller dans notre jargon alors qu’eux tenaient le discours, le vrai discours, là où l’on parle intellectuellement, politiquement et esthétiquement de choses qui importent et qui comptent mais dont nous sommes absents trop conscient de nos limites pour prendre la parole. Le drame s’agrandit quand on prend en considération que Moncton est devenu la capitale de l’Acadie par le fait que le discours acadien émerge de cette ville, de de son université, de ses institutions culturelles même si son rayon d’influence s’arrête aux limites de l’Acadie, même si l’Acadie est plus grande que Moncton. Reste que le chiac est un phénomène urbain et que l’Acadie doit survivre à ce passage de la ruralité à l’urbanité. Il est capital que ce passage se fasse en français si nous voulons garder notre identité et notre culture. A jouer avec le feu on finit souvent par se brûler.
Bien sûr il y a beaucoup à dire et de manière plus nuancé mais il faut voir que ce dilemme est inépuisable. Il faudrait y consacrer un ouvrage mais ce ne sera pas moi qui l’écrira!
Lorsqu’on utilise le français normatif nous appuyons notre pensée sur des règles linguistiques et grammaticales qui ont été affinées par des siècles de questionnement et d’utilisation. Ainsi ce qu’on désire exprimer est autant plus clair et précis selon que mode d’expression choisi est respecté dans toute la finesse de ses codes d’utilisation.
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« La science ira plus loin. Plusieurs études en psychologie ont démontré qu’il y a un lien fort entre la langue et l’intelligence. Utilisons ici la plus classique de ces études : l’hypothèse Sapir-Whorf sur le relativisme linguistique. En gros, elle avance l’idée que la structure de la langue détermine la pensée, et ainsi la perception du monde : « They hold that each language embodies a worldview, with quite different languages embodying quite different views, so that speakers of different languages think about the world in quite different ways »[2]. On comprendra où je veux en venir. Un vernaculaire couramment employé, ayant ainsi pour ses locuteurs essentiellement le même statut qu’une langue, combinant deux différentes langues, offre un univers de pensée beaucoup plus limité en raison de l’incomplétude de chaque langue individuelle. La conception du monde se trouve réduite de moitié. Bien sûr, je ne prétends aucunement être un expert dans ce domaine, mais a priori, je pense que l’intuition et le raisonnement se tiennent. On verra donc qu’une langue qui pose problème, telle le chiac, peut causer une étroitesse de la pensée et aussi une étroitesse de la description linguistique de ce monde interne si elle devient la seule langue utilisée au profit du français. Il n’est nullement mon intention ici de parler de la situation présente, mais plutôt de porter l’attention à l’avenir car, il me semble qu’il y a de sérieux problèmes qui germent en Acadie. »
Oufff… analyse boîteuse. D’abord, parler « chiac » ne signifie pas nécessairement une « incomplétude de chaque langue individuelle » ni pour autant une capacité plus limitée de la faculté de penser. Par exemple, j’ai un ancien collègue de classe (maintenant professeur dans une grande université canadienne) qui parlait (et parle encore aujourd’hui) chiac (selon le contexte… la dessus je suis totalement d’accord avec votre opinion). Il a tout de même toujours maîtriser la langue française que la langue anglaise (puis publie régulièrement dans des revues arbitrées dans une des deux langues officielles… sa capacité de penser même s’il pratique le chiac n’est pas pour autant limitée). L’exemple n’est pas plus « scientifique » que ton analyse… mais bon.
Par ailleurs, ton propos produit des catégories normatives (une dichotomie chiac/non-chiac) non seulement hiérarchiques mais dangereuses. En faisant du chiac un manque à la langue (qui peut être vrai ou faut selon les cas) et comme une limite à la capacité de penser, et du non-chiac (la complétude linguistique) comme permettant aux individus de mieux penser, tu risques tout simplement de stigmatiser ou inférioriser l’acadien qui parle quotidiennement le chiac. Comme si tu disais que celui là, lui qui parle chiac, « yé pas bright bright, yé pas ben smart, yé juste capable de user sa brain à moitié. » Yeah right man!
Salut, désolé pour la réponse extremement tardive! Tout ce que je voulais dire dans cette lettre d’opinion, c’est que nous devons nous assurer que le chiac ne devienne pas la langue standard en Acadie car cela apporterait des répercussions négatives par rapport à la culture, de un, mais aussi par rapport à notre dialogue avec les autres communautés francophones à l’intérieur du Canada et aussi avec la francophonie internationale. Le fait que ce soit un parler familier et local ne me dérange absolument pas- en fait je crois que ça apporte quelque chose de très distinctif à l’Acadie-, mais assurons nous qu’elle ne se transforme pas en langue standard, ce qui affecterait certainement les prochaines générations d’Acadiens. Souvent je trouve que l’anglais est fortement utilisé par des francophones à défaut de connaître le mot français. On peut donc voir qu’il y a un rétrecissement du vocabulaire français (non voulu, mais plutôt implicite) au profit de la version anglo qui est plus populaire en raison de la prépondérance de cette langue.
Excellente synthèse de la situation.
J’ai tendance à partager le point de vue que le chiac n’est pas un problème en soi; j’avancerait même qu’il permet de créer de nouveaux ponts et associations au niveau neurologique, en forçant le cerveau à manier deux langues à la fois et à les amalgamer en de nouvelles locutions qui, à l’oral, se traduisent par des cadences rythmées qui peuvent sans contredit ajouter du piquant à une conversation.
Le bobo véritable est bien résumé par M.Cyr :
«Il faut savoir où et comment en faire usage, car ce n’est rien de moins que notre réputation qui est en jeu. »
S’il peut être agréable de combiner les deux langues pour voir ou elles peuvent nous mener lorsqu’elles s’agencent, il ne faudrait pas non plus négliger l’importance d’apprivoiser leur coutures respectives. Et c’est justement ici que ça se corse; est-ce que le chiac est une corde de plus à notre arc, ou est-il devenu un substitut oiseux au choix d’apprendre une des deux langues «correctement»?
Je ne vis pas au sud du Nouveau-Brunswick, mais, comme une bonne partie du contenu artistique que j’explore est anglophone, j’ai remarqué, par exemple qu’après quelques semaines à ne lire que du P.G Wodehouse et à visionner des débats des frères Hitchens, mon cerveau à tendance à se reprogrammer en anglais, et que j’éprouve une certaine difficulté à revenir au français et vice-versa.
Le français est ma langue maternelle, mais je ne pourrais vivre sans mes auteurs et films britanniques; je compense par un effort conscient d’équilibrer les deux langues en en alternant l’usage, mais à chaque fois que j’ai une période «anglophone» ou «francophone», c’est toujours un peu au détriment de l’autre.
Bref; du point de vue du relativisme linguistique, il est intéressant de voir que le chiac peut ouvrir une nouvelle porte, mais il serait toutefois déplorable de devoir en fermer d’autres pour y accéder.
J’ai jamais vu le chiac comme dequoi de trop associé aux acadiens. Les acadiens québecois emploient probablement pas le « chiac », les acadiens de la péninsule acadienne mélangent probablement pas l’anglais pis le francais non plus pis jpense pas le nord-est non plus. C’est pomal juste la région de moncton. But astheure que ça existe, might as well go with it.