Quel avenir pour la forêt acadienne ? – Simon Delattre

Il fallait oser, Irving l’a fait ! L’entreprise tentaculaire a mis en ligne une vidéo de désinformation remarquable. Je vous suggère d’y jeter un coup d’œil avant de continuer votre lecture :

http://www.youtube.com/watch?v=WU_MUbYq5io

Une musique apaisante, des plans aériens de belles étendues vertes, des images d’une nature en bonne santé : tous les ingrédients sont réunis pour rassurer le spectateur. La certification SFI (Sustainable Forestry Initiative) est fièrement mise de l’avant. Pourtant ces normes prétendument responsables n’interdisent ni les coupes à blanc, ni l’utilisation d’herbicides… Au royaume de Irving, tout n’est donc pas aussi verdoyant et chantonnant qu’on voudrait nous le faire croire.

Autre opération de communication destinée à tromper le citoyen, l’installation de grands panneaux aux abords des routes vantant le nombre d’arbres plantés par la compagnie. La première image qui m’est venue en tête fut les décors d’usines des bolcheviques de Tintin chez les Soviets qui cachaient aux visiteurs la véritable misère existant derrière la mise en scène. Bien entendu les industries agissent largement loin des grands axes de circulation, préférant laisser intactes de fines bandes de forêt le long des routes pour mieux cacher le carnage qui s’opère en coulisse. Mais la comparaison avec le régime communiste s’arrête là : ce sont bien des ravages d’un capitalisme vorace où le profit passe souvent avant la préservation de l’environnement dont je parlerai aujourd’hui.

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Parti à la découverte de la nature en juillet dernier, un chemin de traverse m’a mené au cœur d’un paysage dévasté à seulement deux kilomètres du parc provincial du Mont Carleton. Quoiqu’en disent les communicants, ni les soi-disant certifications, ni la réglementation gouvernementale n’empêchent le recours à des méthodes destructrices. Les photos sont là pour en témoigner… Face à un panorama défiguré et ravagé, on se demande comment on peut oser parler de gestion responsable. Si la coupe à blanc est la méthode de coupe privilégiée par l’industrie forestière car elle permet de récolter un maximum de bois à moindre coût, c’est aussi la plus néfaste pour la faune et la flore.

Autre pratique inacceptable : le gouvernement organise, aux frais de payeurs de taxes, l’épandage d’herbicides (glyphosates) sur les forêts du Nouveau-Brunswick. Le but est d’éliminer toutes les espèces d’arbres non désirées par les entreprises… Les glyphosates sont principalement commercialisés sous le nom de Round Up ou de Vision, deux marques de Monsanto le grand ami de la biodiversité. Plusieurs études ont montré leur dangerosité pour l’organisme, si bien que Santé Canada, qui affirme depuis des années leur non-toxicité, est actuellement en processus de reconsidération de leurs effets. Le Québec, depuis 2001, et, plus récemment, la Nouvelle-Écosse ont renoncé à l’utilisation de ces produits. Le gouvernement Alward est, lui, resté sourd aux revendications de la population, préférant se soumettre aux lobbys économiques.

La forêt de la province est appelée « forêt acadienne ». Elle est caractérisée par une grande diversité végétale et la présence d’une quarantaine d’espèces d’arbres. Cependant, cette belle variété se transforme progressivement en une énorme plantation standardisée selon les besoins de quelques compagnies. Plutôt que de s’adapter au type de forêt, on tente de la transformer conformément aux impératifs des entreprises. Vouloir soumettre la nature et la modifier à son image, voilà un rêve de l’Homme qui a depuis longtemps montré ses limites. En effet, à force de jouer aux apprentis-sorciers, les groupes d’exploitation forestière perturbent l’équilibre naturel des écosystèmes et détruisent les habitats de nombreux êtres vivants. La suppression des feuillus par les herbicides et la monoculture font disparaître les éléments nutritifs et épuisent les sols. Le plus triste est que cela est totalement improductif, car enrichir la terre que l’on appauvrit nécessite l’usage d’engrais chimiques.

Je ne résiste pas à l’envie de vous citer ces mots pleins de sagesse de Jean-Guy Comeau, propriétaire de lots boisés de la Miramichi et éternel résistant face aux agissements de l’industrie forestière : « L’Homme croît qu’il en connaît beaucoup, il se pense plus intelligent que la nature, mais en fait il en sait très peu. On nous parle toujours d’aménager la forêt… mais si on pouvait « aménager notre gourmandise » on ferait les choses autrement. »

Faut-il sacrifier les préoccupations écologiques au nom du profit et de la rentabilité économique ? Le débat sur le gaz de schiste a montré que les citoyens du Nouveau-Brunswick sont de plus en plus nombreux à se poser cette question. Les forêts sont une immense source de richesses. Elles sont importantes dans la vie de beaucoup de Canadiens et sont le plus beau symbole de leur pays. Espérons qu’ils pourront toujours en être fiers dans quelques années.

Si vous voulez aller plus loin :

–          http://www.isourforestreallyours.com/Isourforestreallyours/Start_here.html : Site du réalisateur Charles Thériault qui travailler sur un documentaire critiquant le système actuel de gestion des forêts.

–          http://acadianforest.ca/endangered/ : site du Conseil de conservation du NB présentant les enjeux écologiques liés à l’exploitation forestière.

Pour toute remarque, critique (constructive et argumentée) : simon2.delattre@wanadoo.fr ou juste en dessous !

À propos…

Simon Delattre est originaire de France où il étudie la science politique. Il a intégré l’année dernière le programme d’Information-Communication de l’Université de Moncton. Tombé amoureux de la vie au Canada, il espère pouvoir s’y installer.

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