-Rémi Godin-
Comme bien des Acadiens et des Acadiennes, j’ai fait mon bac en bars étudiants à l’Université de Moncton. J’ai eu le cul cloué au bout du bar de l’Osmose dès mon premier jour sur le campus et j’ai réglé la facture lors de la cérémonie de collation des diplômes. À l’époque, j’ignorais à quel point j’étais ignorant.
Cependant, les vodka-canneberges ont fini par porter fruit. En somme, toutes ces « jasettes de bar » m’ont permis de nouer des liens très forts avec des gens de partout. Pour moi, l’Osmose était donc devenue plus qu’un simple fumoir. L’Osmose était devenue un espace de dialogue, de débat et de réflexion. Comme vous, nous avons passé de nombreuses soirées « à jaser, à réinventer puis à rêver ce coin de pays » que l’on nomme l’Acadie.
Depuis, j’ai beaucoup réfléchi à la question acadienne. Comme plusieurs avant moi, j’ai toutefois été incapable de lui donner une vision unie. L’identité acadienne est au cœur des discussions de notre société depuis très longtemps. Les notions d’Acadien et d’Acadie sont très difficiles à caractériser et les propositions soumises jusqu’ici ne font pas l’unanimité. En fait, les deux n’ont jamais correctement été fixées. Mais on ne peut certes pas en définir une sans affecter l’autre. L’impasse persiste. En attendant, la majorité de nos organismes acadiens se contentent de défendre les intérêts des « Francophones du Nouveau-Brunswick », qui selon moi, dissipent involontairement les Acadiens et les Acadiennes hors province.
Pour la plupart des gens, l’Acadie est un simple coin de pays. Mais lequel? Souvenez-vous que l’Acadie a déménagé plusieurs fois. De Sainte-Croix jusqu’à Moncton, plusieurs espaces territoriaux ont été baptisés « Acadie » au cours des quatre derniers siècles. Même si l’ensemble de l’histoire acadienne a eu lieu sur le sol des provinces Maritimes actuelles, l’Acadie a toujours dû se contenter de partager ses lieux avec d’autres cultures et son peuple n’a jamais été en mesure de s’approprier un territoire politiquement reconnu. Ainsi, j’ose dire que les Acadiens ont été des « locataires de pays » dans un contexte minoritaire pendant plus de 400 ans.
Aujourd’hui, plusieurs parlent d’une diaspora. Cela semble plaire à l’ensemble de la collectivité, du moins pour l’instant. Voilà qu’une trentaine d’années plus tôt, certains membres de l’élite acadienne néo-nationaliste du Nouveau-Brunswick étaient prêts à condamner la moitié du peuple acadien pour obtenir une Acadie « politiquement correcte »! Dans l’espace de trois décennies, l’Acadie, ou plutôt le discours acadien, est passée d’une province acadienne à un peuple dispersé. En autres mots, le projet d’une frontière politique fut tassé pour faire place à un pays sans frontière. Depuis, l’Acadie n’est plus qu’un simple « où ». On s’interroge également sur ce qu’elle est réellement.
Néanmoins, l’Acadie habite toujours la pensée des Acadiens et des Acadiennes. Mais par sa langue, sa culture, ses institutions et ses symboles, l’Acadie demeure plus qu’un simple mythe. Même si l’Acadie est interprétable, l’Acadien ne peut être réfuté. L’Acadie d’Autrefois; on peut seulement la raconter. Seul l’Acadien d’Autrefois fut en mesure de la vivre et de la réinventer.
Mais l’Acadien d’Autrefois n’est plus. Qui aurait cru, en 1881, que les nationalistes acadiens tels que le père Camille Lefebvre auraient été succédés 130 ans plus tard par des gars comme Serge Brideau des Hôtesses d’Hilaire. Pourtant, le déchainé chanteur méga poilu à format géant capte aussi bien l’attention de son auditoire que ses prédécesseurs. Évidemment, les discours ont changé, les enjeux ont changé et les individus ont changé. L’Acadien d’Autrefois est donc forcément dissemblable à l’Acadien d’Astheure et on peut en dire autant pour l’Acadie.
Donc, qu’est-ce que c’est l’Acadie d’Astheure? Comme plusieurs avant moi, j’ai longtemps cherché à lui donner moi-même une vision unie. Puis, à l’instar de plusieurs personnes, associations et institutions de formation avant moi, j’ai continuellement échoué. La raison était pourtant fort simple : l’Acadie d’Astheure se doit de refléter tous celles et ceux qui l’habite. D’ailleurs, les Acadie(s) d’Autrefois ont toutes cette caractéristique. L’Acadie d’Astheure, c’est ce que nous voulons pour notre peuple. C’est donc ensemble que nous devons la vivre et la réinventer.
Pingback: Pèlerinage identitaire – Yves Doucet – | Astheure·
bin arrêtez de vous plaindre car vous etes canadiens, que vous soyez acadien ou autre !..musicien ou pas on s’en fiche.. j’suis Québécois moé pis si j’etais dans votre belle province N-B, je serais encore un québécois Canadien et ça changerais pas grand chose vous savez.
Complètement d’accord M. Doucet. Merci pour ce commentaire.
Comme vous, je me suis souvent questionné sur la définition exacte de l’identité Acadienne, ou de l’Acadie elle-même. Mais aujourd’hui, je me demande pourquoi nous nous entêtons à chercher une définition, de l’un ou de l’autre, qui fera l’unanimité. Belle utopie!
Toutefois, je ne crois pas l’absence de consensus autour de définitions ne signifie pas que nous soyons voués à la disparition. En fait, existe-t-il vraiment une définition qui fasse l’unanimité de l’identité Canadienne? ou Québécoise? ou Ontarienne? ou Française? Je ne suis pas convaincu qu’il soit nécessaire de pouvoir définir strictement une identité avant de pouvoir s’y identifier. En fait, c’est peut-être le contraire qui est nécessaire? Peut-être que ce sont nos identités individuelles qui, collectivement, viennent former l’identité du groupe…
De toutes façons, ne devrions-nous pas nous affairer à faire vivre notre Acadie, à la faire rayonner, à la moderniser, plutôt qu’à s’évertuer à la définir?
Complètement d’accord avec toi Yves. Moi j’ai aussi pensé beaucoup a propos de c’est quoi un Acadien. Souvent on essaye de définir c’est quoi un Acadien. J’imagine que renforcer une nouvelle identité doit ajouté un stress au artistes Acadien. Déjà que tout ce qui feront dans leur vie sera attribuer comme »Acadien ». C’est étrange comme phénomène.