Le premier ministre du Nouveau-Brunswick sortant, Blaine Higgs, a décidé de convoquer les Néo-Brunswickois aux urnes le 14 septembre prochain dans l’espoir de se voir accorder une majorité. Les candidats n’ont plus que trois petites semaines afin de convaincre leurs concitoyens de leur accorder un mandat. Guillaume Deschênes-Thériault vous présente trois atouts et trois défis avec lesquels les principales formations politiques devront composer durant cette campagne électorale.
Parti progressiste-conservateur (chef : Blaine Higgs, nombre de députés élus en 2018 : 22)
3 atouts
- Le parti progressiste-conservateur entame la campagne avec une avance considérable dans les sondages. Les troupes de Blaine Higgs se maintiennent au sommet des intentions de vote depuis leur arrivée au pouvoir en novembre 2018. Avec cette avance, M. Higgs peut objectivement espérer obtenir la majorité qui lui a échappé de quelques sièges lors des dernières élections.
- En ces temps incertains de crises sanitaire et économique, M. Higgs fait figure de stabilité. La population sait à quoi s’attendre si les progressistes-conservateurs sont portés à nouveau au pouvoir. La gestion de la pandémie par le gouvernement sortant est appuyée par une forte majorité des citoyens.
- Les électeurs qui préfèrent voir les dépenses publiques réduites au strict minimum sont bien servis par les conservateurs. Ce n’est pas un secret pour personne que M. Higgs est un fervent défenseur d’une politique d’austérité budgétaire. La gestion de la crise par son gouvernement fait contraste avec celle du gouvernement fédéral, la province sous sa gouverne étant beaucoup moins encline à investir dans un plan de relance économique. Il pourra ainsi chercher à rejoindre des électeurs inquiets par rapport à l’ampleur des déficits à venir.
3 défis
- Blaine Higgs ne semble pas avoir réussi à se défaire de son image d’ancien militant du parti antibilinguisme Confederation of Regions (CoR), dont il a cherché à devenir chef en 1989. Les exemples de son manque de considération à l’égard la communauté acadienne sont nombreux : incapacité à parler français malgré des promesses à ce sujet, refus de nommer un porte-parole francophone lors des points de presse sur la pandémie, étroite collaboration avec la People’s Alliance et tentative de réduire les exigences linguistiques chez Ambulances NB. Dans ce contexte, il est très difficile à imaginer une percée d’envergure de son parti dans les régions francophones de la province.
- Dans l’espoir d’obtenir un gouvernement majoritaire, M. Higgs a déclenché une élection durant une pandémie alors qu’une majorité des citoyens s’y opposaient. D’autres options s’offraient à lui contrairement à ce qu’il cherche à laisser entendre. Les libéraux ont proposé d’assurer la survie de son gouvernement jusqu’en mars, ce qu’il a jugé insuffisant. Reste à voir si l’électorat lui en tiendra rigueur.
- Le gouvernement Higgs dispose d’un bilan peu reluisant en ce qui concerne le nord du Nouveau-Brunswick. L’élimination du fonds de développement économique du Nord, l’absence de réactions lors de l’annonce de la fin des liaisons d’Air Canada à l’aéroport de Bathurst, le refus d’appuyer le chantier naval de Bas-Caraquet, les demandes ignorées par M. Higgs de rencontrer les maires du Restigouche lors de l’éclosion de COVID-19 dans cette région, pour ne nommer que ces exemples, ne sont pas des éléments qui jouent en faveur des conservateurs dans le Nord.
Parti libéral (chef : Kevin Vickers, nombre de députés élus en 2018 : 21)
3 atouts
- Les libéraux disposent d’un fort ancrage dans les régions francophones. En 2018, le parti a remporté 16 des 18 circonscriptions qui ont plus de 40% de population francophone dans la province, et pour la plupart d’entre elles, par une avance très confortable. Pour l’instant, rien ne semble indiquer que d’autres partis feront des percées majeures dans ces circonscriptions.
- L’équipe libérale est celle qui fait davantage office de gouvernement de rechange à celui de Blaine Higgs. Plus d’une dizaine des candidats libéraux en sont à au moins leur troisième campagne électorale, dont plusieurs ont occupé des fonctions de ministre. Les libéraux et les conservateurs s’échangent le pouvoir depuis plus de 150 ans au Nouveau-Brunswick. Les électeurs qui veulent à tout prix éviter un retour au pouvoir des bleus pourraient bien décider de voter rouge.
- Le recrutement de l’ancien vice-premier ministre progressiste-conservateur, Robert Gauvin, est un tour de force des libéraux. M. Gauvin a claqué la porte de son ancien parti en raison de son opposition à la tentative avortée de fermer des salles d’urgence la nuit en milieux ruraux. Les libéraux pourront rappeler l’exemple de Robert Gauvin, largement ignoré par ses anciens collègues, aux candidats conservateurs francophones qui croient être en mesure d’assurer le respect des droits linguistiques par leur chef.
3 défis
- Kevin Vickers, élu par acclamation à la tête du parti libéral il y a un peu plus d’un an, est méconnu par ceux qui ne suivent pas activement la politique provinciale. Il n’a pas encore démontré qu’il a ce qu’il faut pour être premier ministre. On se souviendra de son étrange rencontre avec l’équipe éditoriale de l’Acadie Nouvelle en novembre 2019 lors de laquelle il avait proposé de faire du Nouveau-Brunswick un paradis fiscal basé sur le modèle de l’Irlande. Il est impératif que M. Vickers fasse ses preuves lors de la présente campagne et qu’il démontre une réelle maîtrise des dossiers s’il veut l’emporter.
- Si l’on en croit les sondages, les appuis à la People’s Alliance semblent avoir diminué depuis les dernières élections. En 2018, la division du vote des électeurs de droite avait permis à des libéraux de l’emporter dans des courses serrées. Dans quelques circonscriptions, les candidats alliancistes et conservateurs avaient obtenu plus de votes à eux deux que les libéraux. C’est le cas des circonscriptions actuellement représentées par les libéraux Andrew Harvey (Carleton-Victoria), Stephen Horsman (Fredericton-Nord) et Lisa Harris (Baie-de-Miramichi-Neguac).
- Dans les 25 dernières années, les conservateurs ont mieux réussi à ravir des circonscriptions aux libéraux que l’inverse. En 1999 et en 2014, Bernard Lord et David Alward ont tous deux remporté plus d’une quarantaine de sièges. Les libéraux, sous la gouverne de Shawn Graham et de Brian Gallant, n’ont remporté que des majorités de quelques sièges en 2006 et en 2014 avec moins de 30 circonscriptions gagnées au total. La dernière fois que les libéraux ont réussi à obtenir une forte majorité, c’est sous Frank McKenna en 1995. C’est donc dire que les «châteaux forts» bleus se sont montrés plus résistants dans les deux dernières décennies que les rouges.
Parti vert (chef : David Coon, nombre de députés élus en 2018 : 3)
3 atouts
- Les trois députés verts ont réussi à démontrer la valeur ajoutée que leur présence à l’Assemblée législative apporte aux débats publics. Que ce soit la motion pour contrer la concentration de la propriété des médias de Kevin Arseneau, les tentatives de David Coon d’interdire la pulvérisation aérienne d’herbicides, dont le glyphosate, sur les forêts de la Couronne ou le projet de loi sur les langues autochtones de Megan Mitton, les Verts s’attaquent à des enjeux souvent laissés de côté par les autres partis politiques.
- Compte tenu la relation difficile entre les conservateurs de Blaine Higgs et la population acadienne, les Verts peuvent présenter une alternative intéressante pour les électeurs francophones qui ne désirent pas pour autant voter libéral. Le parti dispose d’un potentiel de croissance intéressant, ayant fait bonne figure dans plusieurs circonscriptions en 2018.
- Les Verts disposent désormais d’une machine électorale «bien huilée» dans quelques circonscriptions du sud de la province. Alors que David Coon a créé la surprise en se faisant élire en 2014, il a obtenu une victoire décisive en 2018 avec plus de 50% des voix dans sa circonscription. Quelques mois plus tard, Jenica Atwin remportait la circonscription fédérale de Fredericton. Ainsi, plusieurs membres de l’équipe verte ont maintenant de l’expérience dans des campagnes électorales locales couronnées par des victoires.
3 défis
- En 2018, Megan Mitton, députée verte de Memramcook-Tantramar, l’a emporté avec seulement 11 votes de plus que le candidat libéral. Cette victoire à l’arraché est en grande partie due à un appui important des étudiants de l’Université Mount Allison. Cette année, en raison de la pandémie, un grand nombre d’étudiants suivront leurs cours à distance. Il sera alors plus difficile pour les Verts de mobiliser cet électorat. De plus, tout porte à croire que les libéraux redoubleront d’efforts pour reprendre cette circonscription.
- Dans le cadre d’un système électoral majoritaire comme celui du Nouveau-Brunswick, le vote populaire ne correspond pas nécessairement au partage des sièges à l’assemblée, ce qui défavorise souvent les partis politiques de plus petite taille qui ont un électorat dispersé. À titre d’exemple, dans le cadre d’un système de représentation proportionnelle, avec 12% des votes en 2018, les Verts auraient obtenu deux à trois députés supplémentaires. Ainsi, même si les Verts réussissaient à augmenter leur appui à l’échelle provinciale cette année, cela ne se traduirait pas nécessairement par un plus grand nombre de sièges.
- Bien qu’ayant quelques candidats bien connus du public, tels que le député sortant Kevin Arseneau, il est généralement difficile pour des tiers partis de recruter un grand nombre de candidats vedettes. Le manque de candidatures d’envergure peut être un frein important à l’expansion du parti. Reste à voir dans les prochaines semaines si les Verts feront des annonces surprises au niveau des candidatures.
People’s Alliance (chef : Kris Austin, nombre de députés élus en 2018 : 3)
3 atouts
- L’élection de trois députés sous la bannière de ce parti en 2018 assure une place aux débats des chefs à Kris Austin ainsi qu’une couverture médiatique accrue. La présence du parti à l’Assemblée législative lui a aussi permis de mieux se faire connaître sur la place publique au cours des deux dernières années.
- L’objectif du People’s Alliance n’est pas de faire élire des députés dans l’ensemble de la province. En 2018, le parti a présenté des candidats dans 30 des 49 circonscriptions. Cela permet au parti de concentrer ses ressources dans quelques circonscriptions et de limiter les déplacements du chef durant la campagne. Le parti n’a pas besoin d’un grand soutien populaire, mais plutôt d’appuis concentrés dans quelques régions clés.
- Kris Austin cherche à faire valoir les avantages d’élire un gouvernement minoritaire auprès de son électorat en misant sur l’importance de l’imputabilité et d’éviter une trop forte concentration du pouvoir. Dans le cas de l’élection d’un autre gouvernement minoritaire progressiste-conservateur, il est probable que Kris Austin soit à nouveau appelé à jouer un rôle d’avant-plan.
3 défis
- Le gouvernement Higgs s’est maintenu au pouvoir durant deux ans grâce à l’appui des élus de la People’s Alliance. Les trois députés ont ainsi appuyé la grande majorité des mesures mises d’avant par le gouvernement et les quelques critiques effectuées à l’encontre des troupes de Blaines Higgs ont généralement été faites du bout des lèvres. Ils devront convaincre leur électorat de l’utilité réelle de leur présence à l’Assemblée législative.
- Blaine Higgs n’étant pas réputé pour être à l’écoute des enjeux de la communauté acadienne, il vient empiéter sur les plates-bandes de la People’s Alliance. Il est bien concevable que les électeurs auxquels fait appel Kris Austin soient plutôt tentés de diriger leur soutien vers Blaine Higgs cette fois-ci. En ce début de campagne, M. Higgs se dit même ouvert à réviser les exigences linguistiques dans la fonction publique, une proposition mise d’avant par Kris Austin.
- En février dernier, des membres du groupuscule United Citizens of New Brunswick ont exprimé leur frustration par rapport aux députés de la People’s Alliance qui, dans leur perspective, n’en font pas assez pour s’opposer au bilinguisme officiel dans la province. Cette situation rappelle les querelles internes qui ont émergé au sein du parti Confederation of Regions dans les années 1990. Aucun des huit députés élus en 1991 n’avait conservé son siège en 1995.
Nouveau parti démocratique (chef : Mackenzie Thomason, nombre de députés élus en 2018 : 0)
3 atouts
- Le parti provincial a le même nom que le parti national et peut ainsi bénéficier de la notoriété de la bannière fédérale. Cela lui permet d’obtenir une certaine visibilité dans l’espace public.
- Le NPD est appuyé par plusieurs leaders syndicaux dans la province.
- L’activiste Caitlin Grogan de la région de Saint-Jean, qui s’est récemment fait connaître pour ses prises de position en ligne contestant les réponses de la police face aux agressions sexuelles, a annoncé son intention de briguer l’investiture néo-démocrate dans la circonscription de Quispamsis actuellement représentée par Blaine Higgs. Elle compte plus de 7 000 abonnés à son compte Twitter. Bien que ses chances de l’emporter soient très minces, sa candidature permettra d’apporter une certaine visibilité à son parti.
3 défis
- Le NPD du Nouveau-Brunswick ne dispose pas de chef permanent. Le parti est actuellement dirigé par Mackenzie Thomason, un militant néo-démocrate de 23 ans qui avait l’intention de rester à la tête de la formation politique de façon intérimaire pour quelques mois après la démission de Jennifer Mckenzie. La course à la direction du parti l’année dernière a été annulée, faute de candidatures éligibles. En raison de la pandémie, les néo-démocrates n’ont pas eu l’occasion d’en organiser une autre cette année.
- Le parti semble être très peu organisé dans le moment et loin d’être prêt à entreprendre une campagne électorale. Le NPD a été quasi absent de l’espace public depuis les dernières élections.
- Le Parti Vert et la People’s Alliance occupent déjà l’espace politique disponible pour les tiers partis. Les électeurs qui ne sont pas intéressés par les libéraux et les conservateurs peuvent voter pour deux autres partis qui ont des députés à l’Assemblée législative. Le parti néo-démocrate provincial n’a pas fait élire de député depuis 2003. En 2018, les néo-démocrates n’ont récolté que 5% du vote populaire, leur pire performance depuis 1974.
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