L’immersion française : un outil indispensable au contrat social? – Robert Melanson

Une langue, c’est un ensemble de mots dans lequel chaque parole trouve son sens, sa raison d’être, son existence et ses racines. Partout dans le monde, apprendre une deuxième et même une troisième langue a toujours été considéré comme utile. Durant la Renaissance, par exemple, les personnes instruites parlaient au moins trois langues : le latin, le grec et leur langue maternelle. Aujourd’hui, il est très commun en Europe de parler plusieurs langues et les habitants d’autres régions du monde communiquent régulièrement dans plus d’une langue ou dialecte.

Depuis plus de 50 ans, le Nouveau-Brunswick travaille à bâtir et à améliorer le système scolaire afin de donner à tous les enfants la chance égale d’apprendre les deux langues officielles de notre pays avant d’obtenir leur diplôme d’études secondaires. Par contre, plusieurs sont ceux qui se permettent de s’exprimer sur la meilleure façon d’apprendre une langue seconde, même s’ils ne perçoivent la langue de l’autre qu’avec les yeux et les oreilles de personnes unilingues. Dans ce contexte, il faut enfin reconnaître que le temps est venu de s’assurer que la langue française porte bien son étiquette de langue officielle!

Nous savons que l’apprentissage des deux langues officielles favorise une meilleure compréhension de l’histoire, une plus grande ouverture envers les autres et une vision plus large du monde dans lequel nous vivons. De plus, nous savons que l’apprentissage d’une deuxième langue améliore la capacité de communiquer chez les jeunes adultes, leur permet de devenir plus concurrentiels sur le marché mondial, sans oublier que les jeunes bilingues bénéficient également des richesses que leur donne une autre culture.

Vu que se trouve au Nouveau-Brunswick une population importante de francophones et d’anglophones, notre province est considérée comme un microcosme de la composition linguistique du Canada. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, certaines régions sont à majorité anglaise tandis que d’autres régions sont à majorité française. Il existe également des régions bilingues où chaque groupe linguistique jouit d’un statut similaire. Le gouvernement néo-brunswickois a souvent fait preuve d’un engagement réel à l’égard du bilinguisme et a souvent démontré une fierté par rapport au statut du Nouveau-Brunswick à titre de seule province officiellement bilingue au Canada. Plusieurs gouvernements ont démontré cet engagement en apportant des modifications positives à la loi pour veiller à ce que tous les gouvernements du Nouveau-Brunswick remplissent leurs obligations maintenant et à l’avenir en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. De plus, la Loi sur les langues officielles continue d’être un outil important dans l’évolution vers une plus grande égalité entre les deux groupes linguistiques de notre province.

La diversité du Nouveau-Brunswick fait partie de notre histoire et constitue la plus grande force de notre province. La diversité fait partie de notre identité et elle est un élément clef de notre prospérité. Toutes les Néo-Brunswickoises et tous les Néo-Brunswickois peuvent être fiers du fait que notre province a souvent servi de modèle pour une éducation bilingue au Canada. Nos programmes d’études en enseignement des langues officielles se classent parmi les meilleurs au monde, car nos enfants bénéficient énormément de notre statut à titre de seule province officiellement bilingue au Canada.

Plusieurs reconnaissent l’importance que tous les enfants finissant l’école secondaire au Nouveau-Brunswick aient de bonnes compétences dans les deux langues officielles afin de pouvoir profiter de meilleures possibilités d’avenir.

Une bonne connaissance de l’anglais et du français donnera aux jeunes adultes de plus grandes possibilités d’emploi quand ils commenceront leur carrière professionnelle. C’est une autre raison pour laquelle la compétence dans les deux langues officielles fait toujours partie des grands objectifs de la plupart des gouvernements néo-brunswickois. Cependant, pour atteindre ce but, nous devons nous assurer que le programme d’immersion en français demeure une option avantageuse et viable pour tous les élèves anglophones de notre province dès leur entrée scolaire à la maternelle, voire à la prématernelle.

Bien que les résultats de la recherche en éducation ne soient pas toujours concluants, les faits sont clairs et certains en ce qui concerne la recherche sur les programmes d’immersion. L’immersion précoce en français, dès la 1re année, donne d’excellents résultats.

D’après les données recueillies jusqu’à présent au Nouveau-Brunswick par la Direction de l’évaluation au ministère de l’Éducation, aucun autre programme de langue seconde ne permet à autant d’élèves de maîtriser les deux langues officielles que le programme précoce en français (entrée en 1re année). Le programme d’immersion précoce en français offre les meilleures possibilités de bilinguisme à tous les élèves. En fait, une recherche longitudinale récente démontre que les jeunes scolarisés dans un programme d’immersion en français sont environ 10 fois plus susceptibles d’être bilingues1. En effet, plus de la moitié (57 %) des jeunes non francophones à l’extérieur du Québec ayant été scolarisés en immersion déclarent pouvoir toujours soutenir une conversation en français à l’âge de 21 ans comparativement à seulement 6 % de ceux n’ayant pas été scolarisés en immersion1.

Entre 2008 et 2010, le nombre de jeunes anglophones de 5 à 9 ans capables de communiquer en français et en anglais a diminué au Nouveau-Brunswick et cette baisse est la conséquence directe de la réforme du programme d’immersion précoce en français entré en vigueur en 2008 dans les écoles de langue anglaise de la province2. Il ne faut pas oublier que l’âge d’entrée et, par conséquent, la durée de la scolarisation au sein d’un programme d’immersion, ont un lien direct avec le niveau de bilinguisme atteint par les apprenants3. Ceci nous amène à conclure que l’entrée précoce en immersion à l’élémentaire, voire à la maternelle, est plus susceptible de favoriser le bilinguisme chez les anglophones. En 2017, 452 élèves de 12e année ayant commencé leur scolarité en 1re année Immersion au Nouveau-Brunswick ont participé au test de compétence orale administré par le ministère de l’Éducation et Développement de la petite enfance. De ces élèves, 99,8 % ont atteint le niveau Intermédiaire et plus ; 87 % ont atteint Intermédiaire Plus ou plus, et 46,7 % (ce qui représente 211 élèves) ont atteint le niveau Avancé ou plus4.

À partir des résultats obtenus, on peut estimer que l’immersion française a contribué au bilinguisme des trois quarts des jeunes adultes anglophones bilingues de la province depuis le milieu des années 2000. Cependant, il est malheureux de constater que le potentiel encore plus important de cette croissance du bilinguisme chez les anglophones néo-brunswickois a été souvent limité par des décisions politiques qui ne tiennent pas compte de la recherche dans la matière, qui n’est pas nécessairement en corrélation directe avec le déclin démographique. Quelque part, nous avons vendu de faux espoirs aux gens et, en conséquence, il y a de l’amertume.

Plusieurs découvertes récentes sur la compréhension de la manière d’apprendre une langue seconde, les efforts pour améliorer les méthodes d’enseignement, l’augmentation des ressources pédagogiques pour les classes de langue seconde et la croissance des possibilités d’expériences culturelles en français peuvent être directement liées au stimulus offert par les programmes d’immersion dans les communautés minoritaires francophones. De plus, les programmes intensifs de français et d’anglais continuent également de bénéficier grandement de ces améliorations.

D’après leurs propres préférences concernant une éducation bilingue, les parents anglophones ont le choix de décider quel sera le meilleur programme pour leur enfant. Les parents qui choisissent le programme d’immersion en français connaissent sa valeur comme excellente expérience d’apprentissage pour leur enfant et ils prévoient évidemment sa valeur pour l’avenir de leur enfant.

De nos jours, le rythme de la mondialisation des économies s’accélère. Plus que jamais, il est évident que la capacité de communiquer dans plusieurs langues est primordiale. Les exigences d’un marché concurrentiel à l’échelle mondiale sont telles qu’une éducation moderne ne sera pas complète sans une importante formation linguistique. L’apprentissage d’une langue seconde est un processus d’enrichissement qui va beaucoup plus loin que l’enseignement en classe. On considère qu’il s’agit d’un moyen essentiel d’améliorer les possibilités d’obtenir un meilleur emploi et d’assurer une continuité des services bilingues dans notre province. D’ailleurs, si ce n’était pas des programmes d’immersion au Nouveau-Brunswick, le nombre d’adultes bilingues, capables de desservir la population néo-brunswickoise dans les deux langues officielles, aurait subi une diminution encore plus importante.

La capacité de communiquer avec le grand public et avec les collègues dans sa langue maternelle est toujours très recherchée par les employeurs, à la fois du secteur public et du secteur privé. Pour s’en assurer, il faut exiger le maintien des services bilingues dans tous les secteurs de la population. Mon argent, ma langue est un slogan qu’il ne faut malheureusement jamais délaisser!

À titre de citoyennes et de citoyens, nous avons un rôle primordial à jouer pour nous assurer que tous les enfants de notre province atteignent leur objectif d’être bilingues.

Quand on parle de bilinguisme au Canada, on cite souvent en exemple le Nouveau-Brunswick comme modèle à suivre dans les autres provinces. Il y a de nombreuses raisons qui expliquent ce choix. La première, évidemment, est le statut du Nouveau-Brunswick à titre de seule province officiellement bilingue au Canada. Toutefois, il y a aussi le fait que le tiers de la population du Nouveau-Brunswick qui est francophone vit dans un climat de respect avec les deux autres tiers de la population qui est anglophone.

Oui, le Nouveau-Brunswick a de nombreuses raisons d’être fier de son bilinguisme. Avec des communautés francophones dynamiques et des anglophones qui parlent les deux langues officielles, tous les enfants du Nouveau-Brunswick peuvent réussir à devenir bilingues, respectueux des autres cultures et fiers de continuer d’être un modèle du bilinguisme canadien!

Dans une perspective d’avenir, il faut se poser les questions suivantes : comment l’immersion française pourrait-elle mieux nous servir d’outil pour favoriser les relations positives entre les deux communautés linguistiques de la province et enfin, qu’elle devrait être le rôle de la communauté acadienne et francophone dans la promotion de l’immersion française?

1 LEPAGE, Jean-François, Camille BOUCHARD-COULOMBE et Brigitte CHAVEZ (2011). Portrait des minorités de langue officielle au Canada : les francophones du Nouveau-Brunswick. Ottawa : Statistique Canada.

2 PÉPIN-FILION, Dominique (2014). Évolution du bilinguisme au Nouveau-Brunswick. Rapport préparé pour le Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick. Moncton : Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.

3 ALLEN, Mary (2008). Bilinguisme chez les jeunes au Canada. Ottawa : Statistique Canada, Centre de la statistique de l’éducation.

4 Provincial Assessment Results 2017-2018, Grade 12 French Second Language Oral Proficiency. Fredericton: Department of Education and Early Childhood Development.

À propos…

Natif de Bathurst, Robert Melanson a étudié au Département d’art dramatique de l’Université de Moncton, ainsi qu’à l’École nationale de théâtre du Canada, où il devint le premier Acadien à être accepté en interprétation. Outre son travail dans le milieu théâtral, Robert a été propriétaire et directeur de la Librairie La Grande Ourse pendant plus de 25 ans, où il était responsable de la vente et de la promotion du livre francophone dans les quatre provinces atlantiques. Robert a également été impliqué à titre de bénévole dans de nombreuses organisations culturelles telles que le Festival Frye, les Éditions Perce-Neige, le FICFA et le Festival Inspire. Il est actuellement président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick.

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