Spectacle de Julie Aubé, Montréal, FrancoFolies, 14 juin 2018.
Le jeudi 14 juin à 18 h sur la scène Loto-Québec des Francofolies de Montréal, par une météo grise mais heureusement sans pluie, l’auteur-compositrice-interprète Julie Aubé, tiers assumé du groupe Les Hay Babies, a joué ses compositions, offrant à la soirée un éclat de couleur des plus bienvenu. Ouvrant avec la chanson éponyme de son premier album solo, Joie de vivre, la chanteuse incarnait déjà dans son look cette expression de bonheur et de facilité : combinaison d’un orange vibrant décorée de motifs flower-power, longue frange doucement séparée de chaque côté du visage, bottes à talons compensés, veste en jeans ornée de macarons et boucles d’oreilles en pompons. Ainsi, Julie Aubé évoquait avec élégance et juste ce qu’il faut de nostalgie, l’aisance et l’entrain des années 1970.
Pour l’accueillir dans ce nouveau volet de sa carrière, et bravant la menace de la pluie, se trouvaient dans la foule les autres membres des Hay Babies ainsi que des compatriotes du nouveau Nouveau-Brunswick. «Je vois des amis de Moncton icitte, merci d’être là», a chaleureusement salué la chanteuse à la fin de sa première chanson. Accompagnée de Christien Belliveau à la guitare, Marc Doucet à la basse et Mike Trask à la batterie, Aubé évolue très confortablement dans un univers sonore oscillant entre rock, blues et pop-psychédélique des années 1960-1970. Par exemple, dans le morceau «Tu veux savoir», on sent une légère touche rockabilly très agréable, sur un fond parfois plus planant, dans lequel on peut entendre une certaine affinité avec les sonorités de Laura Sauvage, autre projet solo issu des Hay Babies.
On sent d’ailleurs Aubé parfaitement à l’aise sur scène et à la guitare, avec ses années de route et d’expérience derrière elle. Sa présence est naturelle et sa voix solide, la chanteuse sachant alterner vocalement entre les moments de puissance et de douceur pour bien communiquer l’émotion de ses chansons. Elle n’hésite pas non plus à s’adresser au public, comme au moment où elle entreprend d’expliquer aux Montréalais non-initiés le concept du «Radio Bingo», populaire dans la région de Moncton le jeudi soir à 19 h, en ajoutant avec une teinte d’humour que pour capter le jeu sur sa propre radio, elle doit souvent s’improviser des antennes avec des cintres de métal.
La musique de Julie Aubé propose un fond de rock maîtrisé et agréable auquel se superpose une langue bien à elle, avec des expressions, des intonations et des tournures de phrases issues du langage parlé, misant sur la simplicité d’une parole qui se mêle à des émotions plus complexes. Amours, amitiés, voyage, travail, le fait de vieillir, les thèmes de la vie adulte se mélangent avec entrain à cette fameuse joie de vivre bon enfant. Le tout vient former un univers quotidien, coloré par la musique, et où la chanson devient le lieu du retour constant vers soi-même.
Durant le spectacle, des solos de guitares électriques parfaitement maîtrisés de Belliveau ponctuent les morceaux d’une dose supplémentaire d’énergie, chaque chanson ayant sa part de rythme dansant, aidé par une basse entraînante.
Plus tard dans le spectacle, la musicienne précise que Mike, son batteur est un «Acadien à qui on a oublié d’apprendre à parler français» (ce sur quoi la foule s’apitoie tendrement), et qu’il s’agit également de son chum. Ce dernier, en plus de l’accompagner en spectacle, a composé une des chansons de l’album, le duo «Crazy». Le titre de la chanson, ses paroles anglaises savamment ficelées et l’interprétation que le couple en fait, avec un clin d’œil et un peu de malice dans la voix, rappelle les duos country de l’âge d’or de cette musique, comme un petit hommage en passant à June et Johnny Cash.
Aubé interprète ensuite la chanson «Rosalie» du groupe des années 1970 Thin Lizzy, dont elle a traduit elle-même les paroles en français. C’est sa façon de célébrer avec énergie ce personnage féminin, une reine de la fête qui déborde de la fameuse joie de vivre. On y sent l’intelligence d’une artiste qui sait combler ses propres sensibilités vintage tout en sachant toujours y ajouter sa touche personnelle. Vient par après le morceau «Home’s at», inspiré entre autres par le fait que la chanteuse, a «abandonné d’avoir un char qui sent bon» à cause de ses amis fumeurs. Des accents de blues se mêlent à la mélodie contemplative dans cette chanson où l’on entend la route et l’horizon. Et le spectacle se clôt avec une des plus belles chansons de l’album, soit «La voix de ma mère», qui vient résumer à merveille le cheminement qui se fait au fil des compositions de Joie de vivre.
Le défi d’apporter quelque chose d’à la fois différent de l’œuvre des Hay Babies et pertinent en tant que projet solo est totalement relevé par Aubé. Ses chansons nous connectent rapidement à son état intérieur, les paroles offrant un mélange équilibré de force, de conviction, de défaillance et de détours amoureux qui ne tombent jamais dans le défaitisme ou la complaisance. «C’est dix mille fois plus épeurant de jouer tout seul et de voir les autres Hay Babies juste-là…c’est vraiment pas l’fun…mais c’est l’fun», lance à un moment du spectacle la chanteuse en pointant dans le public ses deux complices, Viviane Roy et Katrine Noël. Si Julie Aubé a eu peur, cela n’a jamais paru du moment qu’elle s’est mise à chanter et on lui souhaite de poursuivre encore longtemps, tant dans l’harmonie des Hay Babies que dans son cheminement solo.
À propos…
Née à Montréal de parents acadiens, Virginie Daigle possède un Baccalauréat en littérature française de l’Université McGill et non elle ne crève pas de faim, elle se nourrit très bien, merci de vous inquiéter. En ce moment elle hésite entre devenir productrice, journaliste, actrice, poète, actrice-poète, et chanteuse de variétés. Entre temps, elle s’achète beaucoup de livres qu’elle n’a pas encore trouvé le temps de lire.