L’espace de l’Acadie disparaîtra d’autant – Rosella Melanson

Est en train de se faire au Nouveau-Brunswick une opération honteuse et ordinaire.

Le gouvernement provincial commercialise les foyers de soin. L’espace de l’Acadie disparaîtra d’autant.

Jusqu’à récemment les foyers de soins au Nouveau-Brunswick étaient communautaires, à but non lucratif.

Il y a actuellement 62 de ces foyers communautaires et 8 propriétés à but lucratif Shannex, une chaîne privée anglophone de la Nouvelle-Écosse. Bientôt le nombre de foyers à but lucratif pourrait être bien plus grand.

Le gouvernement dit que tourner le dos aux communautés, préférer le privé, est «la meilleure façon de stimuler l’économie tout en assurant suffisamment de places pour les aînés»[1]. Ce gouvernement, qui ne reconnaît pas l’existence de l’Acadie, ne bronche pas devant les rappels des Acadiens que c’est une «autre attaque envers les institutions acadiennes». Et donc, le gouvernement, qui aussi ne voit pas de problème au fait que les foyers n’ont pas à respecter le caractère bilingue de la province, prévoit mettre des permis de foyers à l’encan.

Il prévoit également faire bâtir 10 nouveaux foyers sous un partenariat privé-public semblable à l’arrangement actuel (secret) avec Shannex.

La Villa Providence de Shédiac fêterait bientôt ses 50 ans sauf que les responsables de la coopérative qui gèrent cet établissement de 190 lits sont pessimistes : les appels d’offre pour la construction d’un nouveau foyer pour remplacer leur vieille bâtisse sont écrits de façon à favoriser les grandes entreprises. La communauté avait déjà amassé les fonds nécessaires pour bâtir un nouveau foyer, mais qu’importe, dit le gouvernement, on a d’autres idées.

Il y a deux ans, le même gouvernement avait annoncé à deux foyers de Miramichi qu’ils seraient remplacés par des foyers Shannex. Le Miramichi Senior Citizens Home, qui a fêté ses 50 ans d’existence ce mois-ci, fermera ses portes l’an prochain quand Shannex ouvrira son commerce et le comité de citoyens sera sensiblement dissout.

C’est pas à tous les jours qu’un gouvernement rejette l’implication citoyenne déjà en place.

«Dégagez, rentrez chez vous, payez vos impôts, inscrivez votre nom à la liste d’attente pour une place dans un foyer de soin. Nos tizamis corporatifs s’occuperont de ça.»

Un gouvernement qui ne soutient pas les efforts communautaires, qui préfère des corporations aux communautés, c’est quoi ça? La prochaine étape du capitalisme? Un autre exemple que certains politiciens ne craignent pas le public autant qu’ils convoitent les arrangements avec les entreprises privées?

On en vient à penser que nous serons bientôt sous un régime de gouvernement par fournisseur préférentiel.

Croix Bleue Medavie s’occupe du service ambulancier et des soins de santé à domicile, Irving de l’exploitation des forêts et Shannex des services aux aînés. Presque plus besoin de gouvernement. L’édifice de l’Assemblée législative pourrait peut-être être affecté à un autre usage?

Sauf qu’un gouvernement ne se débarrasse pas de la responsabilité aussi facilement qu’il peut donner des contrats. Bien que. À chaque fois que ces services publics sont éloignés du public par tizamis interposés, nous semblons perdre un peu plus de notre droit à l’information. Essayez, comme citoyen ou comme journaliste, d’obtenir des détails sur les opérations de ces tizamis. Shannex est une entreprise familiale privée, comme Irving. Le gouvernement garde secret son contrat avec Shannex et l’entente avec Irving. Medavie s’oppose à ce que des renseignements sur ses services ambulancier soient publics. On ne peut qu’espérer que la Vérificatrice générale conserve, par contre, certains pouvoirs.

Cette nouvelle initiative pour favoriser la privatisation des foyers de soin me semble aussi méprisante des citoyens que la proposition du gouvernement libéral précédent qui voulait vendre Énergie NB à une autre province. Une part de la forte réaction citoyenne à cette suggestion provenait du fait qu’on se sentait insulté – que notre gouvernement pense qu’on ne peut pas gérer nos propres ressources et nos propres institutions[2].

Les mêmes principes qui guident les services aux aînés – appuyer l’indépendance et ne pas créer de dépendance – devrait guider le travail du gouvernement avec les communautés. Nous devrions valoriser ce que nous avons, ce que nous faisons bien, favoriser les structures les plus appropriées pour nos communautés, à notre ruralité – les coopératives, les initiatives communautaires, les entreprises sociales.

Qu’une entreprise puisse réaliser des profits dans l’exploitation de foyers de soins aux aîné(e)s peut surprendre, mais il faut savoir que les entreprises de foyers de soins sont très attrayantes aux investisseurs privés parce qu’elles sont très lucratives et offrent de bons rendements aux investisseurs. Il faut aussi savoir que ces entreprises s’attirent plus de plaintes et offrent moins d’heures de soins par des infirmières que les foyers à but non lucratif.

Va savoir comment ils font leur profit, mais surtout va savoir pourquoi certains gouvernements s’en amourachent.

Il est probable qu’une des raisons principales est que ces entreprises peuvent agir rapidement et donc, par exemple, avant une élection, un gouvernement peut annoncer soudainement la construction future de foyers. Les partenariats public-privé ont cet avantage, leurs désavantages étant qu’ils coûtent plus chers aux citoyens – à part leur marge de profit, il y a que leur taux de financement est plus élevé que le taux que paierait un gouvernement – mais aussi qu’ils éloignent la participation communautaire et réduisent la satisfaction citoyenne.

Le gouvernement libéral de Brian Gallant, remplie d’élus francophones, n’a pas à faire quoi que ce soit pour se mériter le vote des francophones, pense-t-il, parce que l’opposition conservatrice est plus ouvertement anti-bilinguisme que lui. Où irait le vote francophone? Mais qu’il soit noté quand même que la privatisation des foyers de soin, qui sera une autre tuile sur la tête de l’Acadie, n’était pas un choix obligé, mais un choix de facilité partisane.

[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1105292/villa-providence-shediac-sante-aines-foyer-soins

[2] Voir mon billet de 2014 à ce sujet : https://rosellam.wordpress.com/2014/08/08/vous-navez-pas-confiance-en-nous/

À propos…

Rosella Melanson est Acadienne, blogueuse et activiste. Elle a une formation en travail social, en journalisme et en technologie de l’information. Elle a surtout été à l’emploi du Conseil consultatif sur la condition de la femme au Nouveau-Brunswick. À la retraite, elle voyage et écrit, et quand elle est au Nouveau-Brunswick, elle est commentatrice politique.

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7 réponses à “L’espace de l’Acadie disparaîtra d’autant – Rosella Melanson

  1. Andre Gregoire, two suggestions. First, read the article, from the first word to the last, before commenting. The article is about the privatization of care in NB. Second, don’t mansplain. Engage, reflect & critique, but leave the mansplaining at the door. Best, Rémi Léger.

  2. Contrary to the conviction of some, the Acadian people have continued to evolve naturally as products of their immediate surroundings or environments. They exist as a physically separated people deprived of any political power except that exercised by their tiny little vote where they happen to reside. If Acadia were a political entity it would be involved in heavy competition as part of the capitalist establishment. In historical reality ,most Acadians,defined as direct descendants of surviving Acadians, now reside in the province of Quebec. We are a politically freed people. What has remained consistent in Acadians is their sense of pride in being someone identified with a genuine heroic ancestry. Their struggle was always for the survival of their children, not to create wealth for foreigners. Cultural identity is defined by historical heritage,and is in constant evolution. We invariably evolve as products of our environments. How can Acadians not be proud of their origins and everything connected with what happened in between, that inspires a strong sense of being a survivor. Political entities come and go, but nothing will ever change an identity based on a unique historical heritage.

  3. Are you suggesting that New Brunswick is Acadia . Let me correct you. The borders of Acadia were fixed by Samuel de Champlain himself. The northern border is where Canada ended and Acadia began, it is fixed at Cap Desrosiers, just north of the Gaspe basin, as for the southern border, it was fixed at the Kennebeck river in northern Maine. The British armed economic expansion into Acadian territory caused it to be subdivided politically to facilitate its exploitation. Today it is very much intact as the beloved ancestral territory of the Acadian people.

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