Vision de la SNA, vision de l’Acadie – Louise Imbeault

Pourquoi ai-je accepté de déposer ma candidature à la présidence de la Société Nationale de l’Acadie (SNA)? D’abord, parce que j’ai envers elle une immense dette de reconnaissance. En effet, à la fin de mon baccalauréat à l’Université de Moncton, j’ai eu le privilège incroyable d’obtenir une bourse d’études à l’École supérieure de journalisme de Lille. Cette bourse était le fruit du voyage en France de quatre délégués acadiens de la SNA, qui avaient su convaincre le président de la République française, Charles de Gaulle, de soutenir concrètement et financièrement l’éclosion de l’Acadie moderne.

Déjà, par l’engagement de mes parents et de leurs amis, je comprenais que l’Acadie, durement éprouvée par l’Histoire, avait besoin de toutes ses forces vives pour sortir de l’ombre, s’affirmer devant les autres peuples et prendre le contrôle de son avenir.

Cette bourse et mes études en journalisme allaient être à la base de mon engagement personnel envers l’Acadie. Certes, ce métier m’a aussi permis de gagner ma vie, mais chacune de mes décisions professionnelles reposeraient désormais sur les moyens à prendre pour favoriser ce développement national.

J’ai aussi, depuis longtemps, une affection particulière pour la SNA. Voici pourquoi : lorsque j’étais Chef de l’information au journal L’Évangéline, j’ai siégé au comité chargé de planifier ce que serait le futur organisme porte-parole des francophones et acadiens du Nouveau-Brunswick. Le gouvernement fédéral exigeait alors que chaque province ait son propre organisme représentatif. C’est ainsi que se sont créées les diverses associations provinciales, laissant la SNA un peu orpheline : la Société Saint-Thomas-d’Aquin (SSTA) à l’Île-du-Prince-Édouard, la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador (FFTNL) et la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB). Notre comité devait décider quoi faire de la SNA. Nous avons proposé de la garder, dormante peut-être, mais disponible au cas où l’Acadie aurait un jour besoin d’un cadre plus large que ce que lui offrait chacune des provinces de l’Atlantique. Nous avions raison.

L’Acadie est aujourd’hui beaucoup plus grande que les «frontières» que nous lui attribuions alors. On le sait, elle a des racines aussi un peu partout dans le monde, au Québec, en Louisiane, en France. Et l’Acadie a surtout des ambitions, de grandes ambitions.

L’exercice de mon métier m’a permis, pendant plus de quarante ans, d’être témoin au quotidien de la vie des Acadiens et des Acadiennes. Non seulement ai-je été témoin des grands évènements qui ont marqué notre parcours collectif, mais, dans bien des cas, j’y ai participé de proche. Mon mandat à Radio-Canada me permettait d’être proactive pour que les Congrès mondiaux acadiens, même en Louisiane, soient bien couverts; pour que les Jeux de l’Acadie et le Gala des prix Éloizes soient diffusés à travers le pays; pour trouver une solution afin que Terre-Neuve reçoive le Téléjournal de l’Acadie plutôt que celui de Montréal ou de la Gaspésie. Je pourrais multiplier les exemples à l’infini, en mentionnant le secteur politique ou économique. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’ensemble, les représentants et les représentantes de ces organisations acadiennes, avec ceux et celles de Radio-Canada, nous avons trouvé les moyens pour que tous puissent vivre pleinement ces événements. C’est d’ailleurs grâce à cette volonté de représenter l’Acadie dans toutes ses facettes qu’en 2007, Radio-Canada Atlantique est devenue, et doit rester, Radio-Canada Acadie. C’est le seul lien commun et permanent de communication entre nous.

Aucun secteur de la vie en société n’est étranger à l’Acadie, et le degré de contrôle que nous voulons y exercer doit être notre décision. Si, dans chacune des provinces, il faut moduler différemment les revendications en fonction de notre poids démographique relatif, cela ne doit pas nous empêcher de voir grand et de coordonner nos efforts. La SNA peut et doit servir à raffermir les relations entre nous, à se concerter et à faire rayonner l’Acadie sur les scènes nationales et internationales. Elle reçoit ce mandat directement de ses membres, qui doivent établir les priorités et choisir les champs d’action.

Pour ma part, j’ai lu avec intérêt le plan stratégique de la SNA, qui a été préparé au cours des derniers mois. L’analyse de la situation globale me semble assez juste. Il faut maintenant identifier les enjeux communs et choisir les champs d’action prioritaires. S’agira-t-il des langues officielles? De la culture et des communications? De la politique? De l’économie? De l’alphabétisation? De l’immigration? Du rayonnement au plan national ou international? À mon avis, il faut d’abord choisir les secteurs où la SNA peut s’affirmer comme chef de file, et ensuite s’associer aux organismes qui assument déjà un leadership dans leur secteur défini (par exemple, l’économie, les affaires, les conseils scolaires).

Il me semble heureux que la SNA soit constituée d’organismes porte-parole qui ont chacun leur mandat, certes différents, mais où la jeunesse possède une voix forte : les quatre fédérations jeunesses provinciales. Toujours, ce sont les jeunes qui perçoivent plus rapidement les iniquités et les failles de nos systèmes. Ensemble, il est possible de trouver les meilleures solutions au bénéfice du plus grand nombre.

C’est dans cet exercice d’écoute, de discussions, de solutions et de passage à l’action que l’Acadie peut grandir. Comme j’ai une longue pratique de cette façon d’agir, et que j’y crois fermement, je pense pouvoir être utile au développement de la SNA et par elle, à l’Acadie toute entière.

J’aimerais terminer par cette phrase de Madame Barbara Smith, de la communauté Mi’kmaq de l’Île-du-Prince-Édouard, que nous avons entendue au cours de la fin de semaine d’assises de la SNA : «Nous avons une seule chance de marcher sur cette Terre, essayons de travailler ensemble pour laisser un monde meilleur.»

Travaillons ensemble, afin de laisser après nous une meilleure Acadie.

À propos…

Louise Imbeault est une femme très active, tant dans sa vie professionnelle que personnelle. Journaliste à Radio-Canada pendant plus de 30 ans, elle a pris la direction de Radio-Canada Atlantique en 1996. En 2007, sous son leadership, l’institution devient Radio-Canada Acadie. Ayant à cœur le monde communautaire, elle a siégé à de nombreux comités et conseils d’administration. Louise est désormais propriétaire de Bouton d’or Acadie, où elle est aussi éditrice.

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