On n’sait jamais à quoi s’attendre ou les nouvelles tièdes de Koscielniak – Francis Carrière

Koscielniak, Hélène, On n’sait jamais à quoi s’attendre, Ottawa, L’Interligne, coll. «Vertiges», 2017, 180 p.

Crédit photo : Shutterstock.

«Elle se plaît à observer l’animation de la vie urbaine : le va-et-vient des gens pressés qui se croisent, un café dans une main, un porte-document dans l’autre ; les mamans qui promènent leur bébé dans une poussette ; les adolescents qui avancent en zigzaguant, concentrés sur leur téléphone cellulaire, tandis que, sur la route, des véhicules de toutes sortes filent et klaxonnent pour alerter les cyclistes qui gênent la circulation.» (p. 140)

Cette femme, c’est Karine, l’un des nombreux personnages présents dans le dernier ouvrage de Koscielniak paru aux éditions L’Interligne. Publié en septembre 2017, On n’sait jamais à quoi s’attendre est un recueil de nouvelles qui est, sans aucun doute, très fidèle au titre qui lui a été donné par son auteure.

Rapidement, l’auteure parvient à nous offrir moult rebondissements dans des dialogues éclairés et dans une langue qui se lit aussi facilement qu’elle se parle. Évidemment, «on n’sait jamais à quoi s’attendre». L’auteure déjoue habilement les clichés tant attendus : la mère qui veut trop que son fils réussisse au hockey («Une histoire de hockey») apparait comme une situation tout à fait réaliste chez Koscielniak et vient briser le déjà-vu du père aigri par les (in)succès sportifs de son fils. Cela montre bien le savoir qu’elle détient, comme le personnage de Karine, vis-à-vis de la société: Koscielniak connait sa littérature et semble savoir se mettre au goût du jour sans répéter les mêmes histoires maintes fois répétées (sauf pour «J’attends» dont la chute est si peu originale). Que ce soit avec une histoire dramatique ou plutôt cocasse, Koscielniak parvient à ficeler chaque récit jusqu’à sa chute qui, en théorie, devrait être le cœur du texte, son moment fort. Je n’avais pas vu venir la première tragédie. Saurez-vous deviner de quoi je parle?

Les têtes grises seront heureuses d’apprendre que Koscielniak leur a fait une place intéressante au sein de ce recueil ce qui est un fait assez rare dans la littérature contemporaine (Annabelle et Richard dans «Cléopâtre» ; Denis et Marianne dans «Simple transfert de fonds» ; Pierre et Annie dans «Coup de vent» ; Martine et Marc dans «En bas de ses souliers» ; Abies dans «J’attends»). L’auteure s’intéresse à eux puisqu’elle fait l’étude, par ses récits, des multiples facettes de leur existence et parvient à nous intéresser à ces individus qui, malheureusement, sont de plus en plus négligés par la société occidentale capitaliste : leur relation de couple, leur rôle de parents ou de grands-parents ou même leurs rapports avec une société qui est maintenant loin d’eux sont des enjeux majeurs du recueil. Cependant, le fil rouge de cet ouvrage, l’économie, vient confirmer le talent d’analyse sociologique de Koscielniak. Chaque histoire met en scène, de manière plus ou moins subtile, le triomphe de l’argent dans notre société.

Toutefois, malgré l’excellente maîtrise de Koscielniak pour l’écriture et sa grande connaissance de thèmes variés, plusieurs nouvelles s’avèrent décevantes, voire tarabiscotées et un avide lecteur pourrait se sentir floué par les nombreuses péripéties tirées par les cheveux. Si la chute doit être le cœur du récit, chez Koscielniak, elle en est le poumon, le poumon malade, puisque, chaque fois qu’on y arrive, le souffle nous coupe comme après avoir fumé une cigarette de travers. Le lecteur, au terme de sa lecture, comme le fumeur devant son mégot écrasé, ne pourra que se sentir déçu par l’action qu’il vient d’achever.

À propos…

Bachelier du programme de littératures de langue française de l’Université de Montréal depuis 2017, Francis Carrière, sévèrement atteint de tsundoku, interrompit son parcours à la maîtrise afin d’enseigner, jusqu’à tout récemment, le français au secondaire. En novembre prochain, ce (de moins en moins) jeune Gatinois s’exilera dans le Maghreb afin de poursuivre son apprentissage du monde dans un voyage introspectif où il partagera, en tant qu’enseignant, ses connaissances de la langue de Molière avec de jeunes Africains.

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