Faire de l’Acadie un joueur clé de la Francophonie internationale – Xavier Lord-Giroux

Imaginez l’impact d’un Sommet de la Francophonie à Charlottetown, Halifax ou Saint-Jean de Terre-Neuve. Dans des villes et des régions où le français se fait rare dans l’espace public, l’accueil d’un monde aussi riche et diversifié que celui de la Francophonie aurait des répercussions majeures sur nos communautés acadiennes.

Moncton en a profité en 1999 à une époque où la ville n’était pas officiellement bilingue. Le Sommet de 1999 et le Congrès mondial acadien de 1994 ont permis à l’Acadie de s’épanouir, d’occuper une place de choix dans l’espace public et dans l’esprit de ceux qui y habitent, de ceux qui la dirigent et de ceux qui la visitent. Le fait français et acadien est aujourd’hui une caractéristique incontournable de cette ville où il était difficile de se parler français en public quelques décennies plus tôt.

Près de 20 ans plus tard, la région se souvient encore du Sommet et profite de ses retombées. Avec la venue prochaine des Jeux de la Francophonie de 2021, les villes de Moncton et de Dieppe deviennent des incontournables de la Francophonie internationale.

Qu’en est-il du reste de l’Acadie?

Il serait tout à fait possible pour l’Acadie d’augmenter et de consolider son rôle au sein de la Francophonie internationale par le biais des gouvernements provinciaux de l’Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador. Les Acadiennes et les Acadiens de toutes les provinces atlantiques sont membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) par le biais du gouvernement fédéral : profitons-en. Incitons nos gouvernements provinciaux à travailler avec le Canada pour attirer la Francophonie en Acadie. Aucune candidature canadienne, néo-brunswickoise ou québécoise n’a été soumise pour l’accueil des Sommets de 2018 et de 2020 ; et si on s’essayait pour celui de 2022 ?

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Le village de la Francophonie d’Antananarivo en novembre 2016. En 1999 à Dieppe, celui-ci a attiré plus de 129 000 visiteurs.

 Les retombées d’un Sommet seraient importantes pour nos communautés. Nos artistes et nos entrepreneurs seraient mis en valeur et nos jeunes seraient invités à s’impliquer. Les retombées économiques générées par un Sommet sont substantielles : elles ont été évaluées à 78M$ à Moncton en 1999[1]. Il offre également une occasion unique aux gouvernements provinciaux de se positionner à l’international grâce à la venue de plus d’une cinquantaine de chefs d’État, de leurs délégations et de la presse. Cependant, la plus grande retombée est la confiance que nous gagnerons envers la langue française. Le Sommet est d’abord une preuve irréfutable que le français n’est pas une langue en voie d’extinction, mais, bien au contraire, une langue vivante, dynamique et convoitée. Forcément, un engouement pour l’apprentissage du français se fera sentir suite au passage d’un Sommet et les gouvernements seront plus enclins à favoriser l’épanouissement de leurs communautés acadiennes, car celles-ci seront davantage perçues comme des atouts.

Des villes comme Charlottetown, Halifax ou Saint-Jean de Terre-Neuve seraient d’excellentes hôtesses pour l’OIF. De plus en plus de villes qui ne sont pas des capitales nationales accueillent des évènements de la Francophonie. Mis à part Moncton, citons Nice, en France, qui a accueilli les Jeux de la Francophonie en 2013 et Liège, en Belgique, qui était l’hôtesse du Forum mondial sur la langue française en 2015. Il y a aussi la petite ville de Montreux, en Suisse, qui sort du lot : avec une population de 26 000 habitants, elle a été l’hôtesse en 2010 du Sommet de la Francophonie. L’accueil de la Francophonie internationale est donc a la portée de plusieurs villes et régions des provinces Atlantiques. D’ailleurs, le Nouveau-Brunswick aurait également intérêt à diversifier ses régions hôtesses s’il veut accueillir d’avantage d’évènements. La Péninsule acadienne et le Madawaska, forts de leurs expériences avec les Congrès mondiaux acadiens, ou la ville de Frédéricton, par exemple, seraient de bonnes candidates pour la province. Que ce soit en Atlantique ou dans d’autres régions du Nouveau-Brunswick, il s’agit d’une occasion pour l’Acadie d’élargir son influence à l’international et de favoriser l’épanouissement du français et de l’identité acadienne partout en Atlantique.

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À l’heure actuelle, 84 gouvernements sont membres ou observateurs de l’OIF.

Si les provinces atlantiques (outre le Nouveau-Brunswick) peuvent chercher à accueillir un évènement de l’OIF par le biais du gouvernement fédéral, elles pourraient également imiter l’Ontario et demander le statut de membre observateur de l’OIF. Cette démarche aurait l’avantage additionnel d’impliquer plus directement les gouvernements provinciaux de ces provinces au sein de la Francophonie internationale.

Pour ce faire, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador devront démontrer l’importance de la langue française chez elles, ce qui me semble tout à fait réalisable. La proportion d’habitants qui maitrise le français dans ces provinces sont supérieure à ceux de plusieurs États membres : à 12,4%[2], l’Île-du-Prince Édouard devance l’Ontario (11,3%[3]) ainsi que tous les membres observateurs de l’OIF, la Nouvelle-Écosse suit avec 10,4%[4] et Terre-Neuve-et-Labrador ferme la marche avec 4,6%[5], devançant tout de même plus d’une vingtaine de pays membres de plein droit, associés ou observateurs. De plus, ces provinces ont toutes mis en œuvre certaines mesures positives afin d’assurer la vitalité de la langue française sur leur territoire en se dotant de lois ou de règlements et en créant des entités veillant à leur respect au sein de leur appareil gouvernemental. Par ailleurs, chaque province jouit d’un réseau d’institutions de langue française assez vaste (écoles, conseils scolaires, journaux, radios communautaires, associations acadiennes et institutions postsecondaires). Quoique minoritaire, il est évident que le français occupe une place plus importante en Atlantique que dans plusieurs pays membres.

Enfin, que ce soit par le biais du statut de membre observateur ou par l’accueil d’évènements de l’OIF, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador pourraient permettre à l’Acadie d’augmenter son influence au sein de l’OIF. En retour, l’OIF pourrait offrir une quantité d’avantages pour les communautés acadiennes de toutes les provinces atlantiques. Moncton et Dieppe ont fait leurs preuves et vont continuer sur leur lancée. L’Acadie doit maintenant se diversifier et encourager d’autres régions à se démarquer au sein de la Francophonie internationale.

[1] http://publications.gc.ca/collections/Collection/C89-4-77-1999F.pdf p.9

[2] http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2011/dp-pd/vc-rv/index.cfm?Lang=FRA&VIEW=C&CFORMAT=jpg&GEOCODE=11&TOPIC_ID=4

[3] http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2011/dp-pd/vc-rv/index.cfm?Lang=FRA&VIEW=C&CFORMAT=jpg&GEOCODE=35&TOPIC_ID=4

[4] http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2011/dp-pd/vc-rv/index.cfm?Lang=FRA&VIEW=C&CFORMAT=jpg&GEOCODE=12&TOPIC_ID=4

[5] http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2011/dp-pd/vc-rv/index.cfm?Lang=FRA&VIEW=C&CFORMAT=jpg&GEOCODE=10&TOPIC_ID=4

À propos…

Xavier Lord-GirouxXavier Lord-Giroux est actuellement président par intérim de la Société nationale de l’Acadie, ONG membre de l’OIF. Il a participé au Sommet de la Francophonie en 2016 à Antananarivo (Madagascar).

 

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