Aurons-nous toujours recours à la voiture pour nos moindres déplacements dans le Grand Moncton en 2040? Ou serons-nous plus portés vers d’autres modes de transport, comme l’autobus ou la bicyclette?
Il y a quelques mois, les villes de Moncton, Dieppe et Riverview dévoilaient conjointement le rapport Destination 2040, un Plan directeur régional de transport durable.
Le rapport nous enseigne qu’en l’absence d’interventions stratégiques, les citoyens du Grand Moncton peuvent s’attendre, d’ici quelques années, à une congestion généralisée qui risque d’avoir des effets sur tous les grands axes routiers et sur les autoroutes situées à l’intérieur des trois villes. Si nous pensons être coincés dans les embouteillages aujourd’hui, nous n’avons encore rien vu.
Les trois municipalités disent vouloir agir et nous pouvons nous réjouir de constater qu’au lieu de privilégier une approche traditionnelle – c’est-à-dire toujours accroître la capacité des axes routiers pour accommoder plus d’automobiles –, elles semblent vouloir élaborer des solutions de rechange viables en encourageant des modes de transports alternatifs.
Voici la vision élaborée par les trois municipalités :
Ensemble, nous travaillerons pour établir d’ici 2040 un système de transport qui relie entre elles, de manière viable, sécuritaire et harmonieuse, les collectivités de Moncton, Dieppe et Riverview, et pour développer un système de transport multimodal de qualité, accessible à tous, sans égard à l’âge ou à la capacité ni au statut économique, et faisant partie intégrante de quartiers à usages mixtes. Ensemble, nous allons réduire notre dépendance à l’automobile et nous allons favoriser la marche, le vélo, l’autopartage, le transport en commun et le transport par train. La qualité de vie de tous nos résidents sera ainsi rehaussée grâce à l’amélioration de la santé publique, aux avantages économiques, à la réduction des temps de déplacement et à l’amélioration esthétique de notre milieu de vie.
Cette vision a certes le mérite de décrire les principales caractéristiques d’un système de transport efficace et durable dans notre région. Nous ne pourrions imaginer mieux.
Mais ici, posons-nous la vraie question : comment ces bonnes intentions vont-elles se traduire dans la réalité?
Nos trois conseils municipaux vont-ils vraiment agir dans un esprit de collaboration sur cette question? Vont-ils intensifier l’utilisation du sol et favoriser la densification urbaine comme le recommande le rapport? Vont-ils avoir le courage de défendre les principes du rapport et réaménager certaines artères, comme le chemin Mountain, conçues exclusivement pour l’automobile? Vont-ils vraiment travailler à changer la culture de l’automobile?
Je le souhaite ardemment, mais certains événements des derniers temps sèment un doute dans mon esprit.
Je m’explique.
Premièrement, les municipalités n’ont pas encore démontré leur capacité à résister aux forces qui les poussent vers l’étalement urbain et la faible densité. Pourquoi est-il important de résister à l’étalement urbain? Parce que sans quartiers plus densément peuplés et sans services de base à proximité des citoyens, il est pratiquement impossible de faire fonctionner un système de transport en commun et d’encourager les modes de transport alternatifs. Les études démontrent clairement que l’étalement urbain entraine inévitablement une augmentation du nombre de voitures et de kilomètres parcourus par des véhicules à occupation simple.
Qu’est-ce qui porte à croire que les municipalités ont du mal à résister à l’étalement urbain ? Voici un exemple : l’encre est à peine séchée sur le Rapport 2040 que la ville de Dieppe parle déjà d’agrandir son territoire de quelque 26 kilomètres carrés. Comme l’a dit André Frenette, directeur du service planification et développement de Dieppe dans une entrevue accordée à L’Acadie Nouvelle tout récemment : « Dans les dernières décennies, il y a eu une très forte croissance. C’est pour planifier du développement futur dans les 5, 10, 20 prochaines années. Le territoire finira par être rempli, on a de moins en moins de place ». Ce que M. Frenette omet de dire, c’est que malgré cette forte croissance, la densité de population est deux fois plus faible à Dieppe qu’à Moncton. Et je vous lance le défi d’essayer d’utiliser l’autobus comme moyen de transport si vous habitez dans les régions périphériques existantes à Dieppe. C’est à s’en arracher les cheveux.
Deuxièmement, les municipalités n’ont pas le plein contrôle sur leur développement urbain. À cause d’un cadre réglementaire désuet, notamment la Loi sur les municipalités qui définit les pouvoirs des municipalités, le gouvernement provincial a beau jeu. Par exemple, le gouvernement provincial a réussi, dernièrement, à installer des services publics ou construire des infrastructures là où bon lui semblait, en périphérie, sans tenir compte des plans municipaux. Nous n’avons qu’à penser à l’histoire du Moncton High School pour s’en convaincre. Défiant le plan municipal de Moncton, les nombreux opposants et toute logique, le gouvernement de David Alward a choisi de construire une école secondaire dans un pâturage, à la frontière nord de la ville de Moncton. Contre la volonté du conseil municipal de Moncton, le gouvernement provincial a aussi récemment donné la permission à la Régie Vitalité de convertir un espace vert en stationnement à proximité de l’Hôpital Dr-George-L.-Dumont.
Toutes ces décisions vont à l’encontre de l’esprit du rapport Destination 2040 puisqu’elles tendent à accroître la dépendance à l’automobile.
Troisièmement, il est raisonnable de s’interroger sur la volonté politique des élus municipaux lorsque l’intérêt des automobilistes est en jeu. Quand la ville de Moncton a voulu aménager des pistes cyclables sur les chemins Shédiac et Salisbury en 2011, il y a eu une levée de boucliers de la part de certains citoyens et de certains commerces. Même le quotidien Times and Transcript s’est mis de la partie en publiant dix éditoriaux en huit semaines pour opposer les nouveaux aménagements. Le conseil municipal de Moncton a fini par persister et signer, et c’est tout en son honneur. Mais résistera-t-il à la pression lorsque viendra le temps de faire des aménagements importants au chemin Mountain ou à d’autres artères principaux ? Seul l’avenir nous le dira.
Somme toute, nous pouvons nous réjouir que les municipalités du Grand Moncton réfléchissent à un système de transport plus efficace et durable, mais la partie est loin d’être gagnée. Pour réussir le coup, il faudra combattre avec vigueur l’incohérence de certaines politiques publiques, la culture de l’automobile et l’étalement urbain.
À propos…
Depuis plus de 15 ans, Michel Desjardins se consacre sans relâche à des causes environnementales dans la région de Moncton. Il a notamment joué un rôle de premier plan dans la bataille pour la restauration de la rivière Petitcodiac. Il est aussi l’instigateur de plusieurs projets et organismes locaux, dont Grand Moncton Post Carbone. Comme consultant, Michel Desjardins se spécialise en recherche communautaire, en développement organisationnel et en rédaction.
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J’ai les memes sentiments quand sa vien au parking. C’est tres evident avec une vu du ciel mais, meme par tere on peut voir que la majorité de notre centre ville est compris de parking. J’estime que nous avons a peu pres le meme montant de parking a centre ville que Halifax. et nous en avons certainement plus que Fredericton? En Coincidence notre system de Transport en commun est plus petit et moin utiliser.