Les francophones hors Québec comptent, eux aussi – Collectif

Désormais dans le dernier droit de la campagne électorale fédérale, il faut se rendre à l’évidence que les francophones hors Québec ont été ignorés. Pour l’essentiel, les partis politiques ont esquivé leurs nombreuses préoccupations ainsi que la question plus globale des langues officielles au Canada. À cet égard, le premier débat des chefs en français fut une occasion ratée pour tous les chefs de partis. Il en va autant pour notre diffuseur national, Radio-Canada.

Pourtant, le milieu associatif de la francophonie canadienne est mobilisé depuis le début de la campagne. Des groupes ont dressé des listes d’enjeux sur lesquels ils souhaitaient entendre les principaux partis politiques : le plein respect de la Loi sur les langues officielles et des droits linguistiques, un réinvestissement dans les institutions gérés par et pour les francophones, l’employabilité des jeunes francophones, l’immigration francophone, la remise en question du mandat de Radio-Canada dans les milieux francophones, le bilinguisme des juges à la Cour suprême et la représentation des minorités au Sénat. Les enjeux ne manquent pas.

Durant la campagne, le Nouveau parti démocratique s’est engagé à « augmenter les droits linguistiques », une formule vide de sens, qui soulève autant de questions qu’elle en résout. Pour leur part, les Libéraux se sont limités à déclarer que l’unité nationale est l’un des dossiers qui préoccupe les minorités francophones. Certes, mais qu’en est-il des nombreux enjeux concrets mis de l’avant par le milieu associatif? Chez les conservateurs, c’est silence radio.

Les francophones d’au travers le pays espéraient que le débat des chefs organisé par le consortium duquel faisait partie Radio-Canada les éclairerait sur les engagements des partis concernant certains des enjeux clés qui les touchent. Ils espéraient aussi que le scénario du débat en français de 2011, essentiellement centré sur le Québec, ne se reproduirait pas. Ils ont vite déchanté. Encore une fois, les enjeux de la francophonie canadienne sont passés inaperçus, négligés dans les questions posées par les journalistes et dans les réponses des chefs de partis.

Extrait du débat des chefs fédéraux 2015.

Extrait du débat des chefs fédéraux 2015.

Est-ce à dire que le gouvernement conservateur a réussi, en faisant si peu de cas des langues officielles dans sa représentation du pays depuis son arrivée au pouvoir, à faire disparaître les enjeux linguistiques du débat public? Est-ce que la peur de Justin Trudeau de parler de la constitution a fait en sorte qu’il ne peut plus rappeler que les langues officielles sont une caractéristique fondamentale du pays? Chez le Nouveau parti démocratique, est-ce que les langues officielles sont dorénavant une arrière-pensée depuis la retraite du député acadien Yvon Godin?

Heureusement, les francophones hors Québec se sont fait entendre dans les médias sociaux pour exprimer leur mécontentement. Ils ont été nombreux à participer à la campagne de contestation avec le mot clic #nouscomptons.

Rappelons aussi que l’électorat francophone au Canada n’est pas négligeable. La Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada a identifié une trentaine de circonscriptions partout au pays où le vote francophone pourrait être décisif le 19 octobre prochain. Dans un contexte où les sondages sur les intentions de vote montrent que rien n’est joué, les partis politiques peuvent-ils vraiment se permettre de négliger les électeurs des communautés francophones? Peut-on espérer que lors de la soirée électorale, le diffuseur public donnera la part belle à ces circonscriptions où les francophones hors Québec pourraient contribuer à décider quel parti composera le prochain gouvernement?

Malgré leur absence du discours public, les francophones hors Québec comptent, eux aussi.

À propos…

Linda CardinalLinda Cardinal est professeure à l’École d’études politiques et titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques de l’Université d’Ottawa. Spécialiste des rapports entre langue, droits et politique, ses travaux portent principalement sur l’analyse comparée des régimes linguistiques, les enjeux des minorités linguistiques, les politiques linguistiques et l’aménagement des langues (Canada, Europe et international).

Rémi LégerRémi Léger est professeur de sciences politiques à Simon Fraser University en Colombie-Britannique. Il est titulaire d’une maîtrise de l’Université de l’Alberta (2007) et d’un doctorat de l’Université Queen’s (2012). Son site personnel : remileger.wordpress.com.

Photo: Heyrick Chassé www.fb.heyrickchasse.com

Martin Normand est doctorant en science politique à l’Université de Montréal. Il complète une thèse portant sur l’action collective des minorités linguistiques où il compare la situation du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario et du Pays de Galles. Il travaille également sur la gouvernance communautaire et sur les espaces de pouvoir locaux dans les communautés francophones en situation minoritaire au Canada.

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