Pourquoi les enfants devraient-ils lire de la poésie…pour enfants? – Benoit Doyon-Gosselin

Cet été, je lisais City of Glass de Paul Auster sur ma liseuse. J’essayais de comprendre in situ les bienfaits de lire sans livre. Il faut dire que j’ai toujours été un peu puriste et que la sacralisation du livre comme objet fait partie de mes troubles obsessifs compulsifs. Pourtant, pour le roman d’Auster, la liseuse était parfaite. J’ai toujours voulu lire ce roman, sans pour autant avoir envie de le trainer de déménagement en déménagement. Ainsi, lire sans livre est utile.

Crédit photo : Bouton d'or Acadie.

Crédit photo : Bouton d’or Acadie.

Après ma lecture américaine, je me suis tourné vers un tout autre registre qui, lui, perdrait son sens en format électronique : Marcher dans le ciel de Sonia Cotten. Il s’agit d’un recueil de poésie pour la jeunesse, illustré par Annie Boulanger et publié par Bouton d’or Acadie. Je ne fais évidemment pas partie du public cible. D’ailleurs, à part un vague souvenir de Jacques Prévert, je ne pense pas avoir lu de poésie jeunesse auparavant. Le recueil semble conçu pour les enfants de 8 à 12 ans.

Première surprise : le format du livre. Je m’attendais à un livre dans le style de la Courte échelle, petit et en noir et blanc. Bouton d’or Acadie a plutôt choisi un format 8½ x 11 tout en couleur. Les textes sont aérés et les illustrations invitantes. On y trouve quinze poèmes d’une à deux pages.

Il faut évidemment ajuster sa grille de lecture devant un tel recueil. Il ne s’agit pas de la poésie d’Herménégilde Chiasson ou de Normand de Bellefeuille. Si la plupart des vers riment, il reste que chaque poème raconte avant tout une jolie histoire qui porte parfois à réflexion ou nous fait à tout le moins sourire. Jolie histoire ne signifie pas lunettes roses et fleur bleue. L’auteure aborde des thèmes graves dans certains poèmes. Par exemple, « Peur noire » traite de ce que les enfants ressentent lorsqu’ils se couchent, alors que « Le vent hurle comme un loup-garou / Les branches deviennent des doigts crochus » (p. 11). Un autre poème porte sur la mort d’un être cher, sujet difficile à aborder. Le dernier poème du recueil, « La lettre aime », s’avère un des plus réussis. Jeu ludique avec l’homonymie m/aime, le poème aborde la question de l’estime de soi. Si notre famille a le devoir de nous aimer, il faut d’abord s’aimer soi-même.

Crédit photo : Bouton d'or Acadie.

Crédit photo : Bouton d’or Acadie.

Il est rafraichissant de voir que Bouton d’or Acadie s’éloigne des contes traditionnels et de leurs multiples réécritures. Pas de Ti-Jean, pas d’Acadie dans ce recueil. Des textes simples qui permettront aux enfants, surtout les filles, de découvrir une poésie accessible, adaptée à leur niveau de lecture. Pourquoi les filles aimeront-elles ce livre ? Surtout parce le lecteur s’identifie normalement à un « je » qui est souvent une jeune fille et de plus, les dessins appuient cette identification. Pour faire le test, j’ai demandé l’opinion d’une autre lectrice, qui aime la lecture de façon intermittente. Il me semble qu’elle possède beaucoup plus de crédibilité que moi.

Seconde opinion[1]

Sonia Cotten est une extraordinaire poète. Ses textes nous font vivre des sentiments que chaque enfant peut ressentir. Par exemple, je me suis reconnue dans le poème « Peur noire ». De plus, Annie Boulanger a dessiné dans cette histoire une petite fille qui me ressemble. Annie a mis des taches de couleur différentes pour chacun des poèmes. Comme aurait dit mon enseignante de quatrième année, ses dessins embellissent les poèmes. Dès qu’un enfant dans le monde lira ce livre, il comprendra qu’avoir peur ou pleurer est normal dans la vie de tous les jours.

Gabrielle Losier-Gosselin, 11 ans

[1] L’auteure de ces lignes n’a pas été influencée par son père, qui s’est contenté de corriger la syntaxe et l’orthographe.

À propos…

Doyon Gosselin_BenoitBenoit Doyon-Gosselin est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et milieux minoritaires et professeur agrégé au Département d’études françaises de l’Université de Moncton. De 2007 à 2014, il était professeur au Département des littératures de l’Université Laval.  Spécialiste des littératures francophones du Canada, il a fait paraître en 2012 aux Éditions Nota Bene un ouvrage intitulé Pour une herméneutique de l’espace. L’œuvre romanesque de J.R. Léveillé et France Daigle. Il a publié des articles dans Romanica Silesiana, @nalyses, temps zéro, Mémoires du livre, Voix et images,Port-Acadie, Raison publique et dans de nombreux collectifs.

Gabrielle Losier-GosselinGabrielle Losier-Gosselin s’en va en 5e année à l’école Anna-Malenfant à Dieppe.

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