L’une de mes caractéristiques préférées de l’Acadie, c’est le manque de degrés de séparation entre nous, notre proximité.
Quand on regardait le match final de hockey des Olympiques en 2010, la caméra a fait un panorama au-dessus de la foule. À l’écran, il est apparu un gros drapeau acadien tenu par un gars au sourire qui prenait toute l’espace sur sa face. En dix minutes sur Facebook, on savait c’était qui, même si on ne le connaissait pas.
So, t’es jamais trop loin de qui que ce soit. Nos vedettes, notre élite, nos politiciens, on les connaît tous par leur prénom. On est allergique au vouvoiement. Mais ce manque de distance nous handicape dans d’autres domaines.
Évidemment, l’absence quasi-totale de critique artistique a un impact sur le secteur artistique et son développement à long terme. (Clique ici pour un exemple de critique qui, au contraire, ne manque pas de front). Et j’ajouterais que cette lacune s’ajoute au problème de l’assimilation culturelle chez les francophones. C’est difficile de commencer à consommer l’art acadien quand tu n’as aucun repère pour apprécier la qualité de l’œuvre. Tu risques de tomber sur des productions artistiques médiocres et de conclure que les œuvres acadiennes sont toutes pareilles. Tu ne reviendras peut-être pas.
De plus, nous avons un problème à établir un juste état de la situation. On n’entend pas les points de vue internes de nos institutions. Parce que leur financement provient en très grande partie du gouvernement, les organismes sont réticents à examiner leurs lacunes, et à en discuter de façon honnête. Admettre ses propres défis, c’est potentiellement risquer son financement déjà précaire. Reconnaître que la participation aux activités est plus faible que souhaitée, par exemple, c’est risquer de ne pas recevoir plus de financement pour ces activités. La plupart des médias appartiennent au gouvernement fédéral ou à Irving. Les médias communautaires ne se permettent pas de se mettre à dos leurs communautés en leur brassant la cage. Quant à la revue électronique entièrement indépendante Astheure, elle dépend du temps bénévole de ses éditeurs et de ses contributeurs qui ont tous autre chose à faire pour payer leurs factures. (D’ailleurs, pour ceux et celles qui n’y ont pas encore contribué, je vous rappelle qu’Astheure accepte des soumissions de tous les genres et de tous les points de vue, qu’elles soient drôles ou sérieuses et envoyées sous forme de texte, de photo, de vidéo ou autre support quelconque. T’as juste besoin d’avoir quelque chose à dire sur l’Acadie. Ils corrigent même tes fautes d’orthographe, gratuitement! Pis le lectorat d’Astheure est évidemment le public le plus intelligent de la patrie acadienne, selon au moins une de leurs contributrices). Mulder disait que « the truth is out there ». S’il a raison et que la vérité est là, en quelque part près de nous, en tout cas cette elle est pas facile à trouver, à moins que tu sois très connecté dans tous les cercles sociaux ever.
Et quand tu multiplies cette tendance à garder ses problèmes pour soi par le facteur parenté (tout le monde est ton cousin), le facteur rural (tout le monde est ton voisin) et le stéréotype de la «surpolitesse» acadienne (critiquer en public, c’est pas bien), on est kind of screwed.
Formule mathématique de la difficulté de franchise en Acadie :
Tendance à garder ses problèmes pour soi X facteur parenté X facteur rural X stéréotype de la surpolitesse = kind of screwed
Ceux et celles qui imitent le saumon et remontent la rivière à contre-courant le font au risque de se faire traiter d’extrémistes, de pessimistes, de non-patriotes ou de « ne pas être un vrai Acadien ». Cumulativement, toutes ces choses non-dites d’un bout à l’autre de la patrie acadienne cumulent en un énorme paquet de connaissances jamais rendues accessibles au public. Si on pouvait connecter toutes nos discussions de salon, on posséderait un savoir énorme. Il est difficile de grandir comme peuple quand on ne comprend pas bien notre situation et nos enjeux parce que c’est trop gênant de s’en parler en public.
Franchement, j’en peux plus. En plus, je suis une grande curieuse, alors l’idée qu’il y a un univers de « secrets » qui se trouve hors de ma portée me démange. Alors, j’ai décidé de tenter une expérience.
Comment pourrions-nous nous exprimer plus librement? Mon hypothèse, c’est qu’il y a un montant infini de richesses qui se situent juste au-dessous la surface de la société acadienne. Et que nous pouvons y accéder par le biais de l’anonymat. Si on pouvait être tous anonymes pour une fois, qu’est-ce qu’on se dirait? Qu’est-ce que ça changerait? Qu’est-ce qu’on apprendrait?
Pour remédier à ce problème, j’ai décidé de lancer le site web Confessions acadiennes. Il publiera des confessions anonymes soumises par nous, Acadiens et Acadiennes de tous les horizons, qui ne veulent pas ou ne peuvent pas dire les vraies choses en public à cause de leur proximité par rapport aux enjeux dont ils veulent parler. Nous acceptons des soumissions pendant quelques semaines et nous afficherons ensuite les confessions. Sortez le popcorn, il risque d’avoir des choses dites là que vous n’entendrez pas ailleurs!
Les confessions de tous les genres sont acceptées. As-tu quelque chose à dire sur l’institution où tu travailles? Vas-y, laisse-toi aller! As-tu vu le spectacle d’un artiste acadien qui n’était pas bon, mais c’est ton ami et tu n’oses pas en parler? On veut le savoir. As-tu une legit crush sur Cayouche? C’est la place pour le dire à l’univers.
Il est temps qu’on retourne à la confesse. Cette fois-ci, elle se déroulera sans prêtre qui te juge, ni pénitence. Juste une paroisse qui veut dire et entendre les vérités secrètes de l’Acadie. De cette façon, on avancera peut-être un pas de plus vers la transparence en Acadie ou peut-être qu’on apprendra juste qu’on a tous des legit crush sur Cayouche.
Donc, viens faire ta confession et ensuite dis à tes amis de le faire aussi. N’oublie pas d’aimer la page Facebook Confessions acadiennes pour ne rien manquer quand les secrets commenceront à être dévoilés.
Et répands la bonne nouvelle!
Bonjour Céleste,
Très touchant votre témoignage !
Même pour un Québécois qui n’a jamais vécu le dizième de l’inconfort que vous décrivez si bien.
La seule lutte que vous devriez mener selon moi ce n’est pas celle d’obtenir plus de français autour de vous. La seule lutte qui est une promesse de survie et même d’épanouissement de notre belle langue c’est d’exiger du Fédéral la création d’une province ACADIENNE !
Le noyau de cette province se situerait dans la partie nord du nouveau brunswick, là où se trouvent et se regroupent des dizaines de milliers d’Acadiens. Un nombre qui justifie amplement la création d’une nouvelle province ayant le contrôle de sa langue, de sa culture, de son éducation et de l’épanouissement de tous ses citoyens à forte majorité francophone !
Si nous voulons que la culture acadienne survive autrement que de façon folklorique et minoritaire, qui courre vers sa perte et à son assimilation irréductible
Si nous voulons prendre en main tous les leviers de décision en ce qui concerne notre avenir
Si nous voulons offrir un « espace réel « , un territoire, un gouvernement qui nous ressemble et qui nous rassemble au lieu de nous en remettre à un gouvernement dirigé par la communauté anglophone
Il faut creer une province Accadienne de plus au moins 200 000 habitants, déjà plus populeuse que l’Île du Prince Édouard !
Selon moi c’est la seule bataille que vous devez entreprendre qui vous permettre un jour de VIVRE vraiment ce que vous êtes, sans complex et sans concession !
Luc Lemoine