L’enquête nationale canadienne auprès des ménages 2011 démontre que les personnes d’origine ethnique française forment le groupe le plus important dans la province du Nouveau-Brunswick. En effet les chiffres indiquent que les Français (incluant les réponses pour Acadiens, Québécois et Français) sont 232 915, les Anglais sont 190 610, les Irlandais sont 159 195, les Écossais sont 146 230 et les Autochtones sont 38 410. Des études indiquent même que la souche française représente 40 % de la population de la province.
Ces données nous portent à réfléchir sur la façon dont nous établissons le rapport de force entre les groupes culturels dans notre province. Nous utilisons plus souvent qu’autrement le critère de la langue pour déterminer notre positionnement respectif. Il est important de réaliser que les Irlandais et les Écossais ne se considèrent pas comme des membres de la famille anglaise et le critère linguistique n’est pas l’élément qui les rapproche nécessairement de leur ennemi historique. L’occupation forcée du territoire de leur mère-patrie et les différences religieuses sont des facteurs plus significatifs que la langue.
Il ne faut donc pas embarquer les Irlandais et les Écossais dans le même bateau que les Anglais ; le bloc anglais unifié au Nouveau-Brunswick est un mythe historique. Les Irlandais ne font pas partie du groupe anglais (des conflits entre ces deux peuples existent depuis 500 ans au niveau de la religion (catholiques versus protestants) et la mise à mort du roi Charles 1er (ami des catholiques) en 1649 par Olivier Cromwell (Cromwell faisait partie des Roundheads, donc il n’était pas une tête carrée) n’a pas arrangé les relations avec les Anglais. Par la suite, l’ami Olivier s’est acharné sur le peuple écossais en 1650-1651. Ainsi, l’Écosse n’est pas l’alliée naturelle de l’Angleterre avec les conflits frontaliers qui perdurent depuis 1000 ans et principalement depuis l’Acte d’union de 1707 et, avec le référendum sur l’indépendance de l’Écosse en septembre 2014, les choses ne devraient pas s’améliorer.
Les Écossais et les Irlandais ont commencé à arriver au Nouveau-Brunswick au début du 19e siècle. Fuyant la grande famine causée par la maladie de la pomme de terre en Irlande, un grand nombre d’Irlandais sont arrivés dans la région de Saint-Jean et de la rivière Miramichi dans les années 1840. Les Écossais sont venus pour travailler dans l’industrie forestière et ils se sont installés dans le Restigouche et dans la région de la capitale provinciale.
Du côté des Anglais, des réfugiés demeurés fidèles à la Couronne britannique (près de 15 000 civils et militaires) ont débarqué en grand nombre à l’embouchure du fleuve Saint-Jean, territoire qui faisait alors partie de la province de la Nouvelle-Écosse. Ces réfugiés fuyaient la persécution qui a suivi la Révolution américaine et provenaient d’endroits aussi éloignés que la Georgie, au sud, ainsi que le Massachusetts, au nord. Ces réfugiés n’étaient pas tous d’origine britannique, car ils se composaient également d’Allemands, de Hollandais et de Loyalistes noirs.
Le commentaire de Norbert Cunningham dans le Times & Transcript du 24 mars 2014 nous présente les loyalistes sous un regard nouveau :
Canada was swamped by American Loyalists, but it’s worth remembering many weren’t British at all, rather culturally and economically colonists, quite a few born and bred in North America. The colonies rapidly developed their own distinct cultures, which the British have sneered at ever since.
Même les Anglais du Nouveau-Brunswick ne sont pas si Anglais que nous le pensions.
Les anglophones au Nouveau-Brunswick sont un groupe disparate de peuples originaires de divers pays, au contraire des français qui proviennent tous et toutes de différentes régions de France. C’est pour cette raison que le peuple originaire de France est le groupe ethnique le plus important au Nouveau-Brunswick ; notre statut s’en trouve ainsi confirmé, et l’égalité prend ainsi toute son importance. Nous ne sommes les minoritaires de personne.
À propos…
Marc Chouinard, originaire de Campbellton, Nouveau-Brunswick oeuvre professionnellement dans le secteur culturel depuis 1976. II a contribué à une variété de projets partout au Canada et en Europe, dont les Sommets de la Francophonie, l’Orchestre Symphonique de Montréal, les East Coast Music Awards – ECMA (président du conseil d’administration) et le Conseil des arts du Nouveau-Brunswick, dont il fut le coprésident. Actuellement directeur général du Théâtre Capitol à Moncton, il présente, chaque année, des centaines d’artistes sur les deux scènes de cet espace culturel important des provinces atlantiques. Il est membre de l’Ordre du Canada.
Très éclairant comme texte. J’ai hâte de voir les Acadiens apprendre le gaélique-écossais et le gaélique-irlandais lorsque ces derniers vont exiger que leur langue deviennent une langue officielle au même titre que le français et l’anglais.