-Marc Henrie-
Conférencier et consultant en gouvernance des coopératives et des collectivités
Partie 1 – le problème.
À la suite des résultats des élections générales qui se sont tenus au Québec et du dernier scrutin néo-brunswickois, il me parait de plus en plus évident que notre système électoral ne nous donne pas une démocratie représentative digne de notre société moderne. Le système n’est pas à la hauteur de qui nous sommes devenus dans tous les coins de notre province, pour ne pas dire de notre pays.
Au Nouveau-Brunswick, comme au Canada, nous avons adopté un système électoral qui cherche à créer ce que nous appelons une démocratie représentative, c’est-à-dire de faire élire des gens pour nous représenter (nous = le peuple). Le système électoral fait en sorte que le candidat qui reçoit le plus de votes dans une circonscription est élu (système uninominal à un tour). Ainsi, un candidat peut gagner, peu importe l’appui des électeurs à son égard. Par exemple, un candidat qui est en compétition avec 10 autres n’a besoin que de 11 % du vote populaire pour gagner dans une circonscription. Notre système électoral n’est efficace que dans un contexte où seulement deux ou trois partis politiques présentent des candidats. Dans ce cas, le candidat élu aurait donc une majorité ou une proportion importante du vote pour représenter les électeurs de sa circonscription. Les injustices de ce système se limitent aux écarts démographiques des circonscriptions (représentation par population). Encore aujourd’hui la province réévaluera les circonscriptions pour ajuster les frontières afin de garder un équilibre démographique dans l’objectif de rendre la représentation des citoyens plus équitable. Selon moi, nous ne regardons qu’une partie d’un corps qui, globalement, est fondamentalement malade. On peut comprendre que dans une société plus homogène, souvent, les divergences ne sont pas suffisantes pour qu’il y ait plus de deux ou trois partis politiques. Traditionnellement, au Nouveau-Brunswick, la société acadienne et les autres populations catholiques votaient majoritairement pour le Parti libéral alors que et les descendants de loyalistes votaient majoritairement pour le Parti conservateur. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le monde a bien changé.
Au sein de la société acadienne contemporaine, nous retrouvons une pluralité d’idéaux, tant au niveau de la fiscalité, du rôle de l’État, des libertés individuelles, de l’intégration des immigrants et j’en passe… Il est donc important de réfléchir au système électoral plutôt que de se limiter aux frontières des circonscriptions. Le plus grand défaut de notre bulletin de vote actuel est que celui-ci ne nous permet pas de voter pour notre député et pour le parti représente le mieux nos idéaux. Trop souvent, le candidat local préféré n’est pas celui du parti politique que l’on préfère. Parfois, un vote stratégique s’impose si l’on désire écarter un gouvernement, une situation qui peut faire en sorte que ni le candidat, ni le parti politique préféré ne seront élus. Il y a aussi l’idée reçue voulant que voter pour un tiers parti revient à annuler son vote et qu’il est donc inutile de voter (une attitude répandue chez les jeunes). Les exemples sont criants :
– Au Québec, lors du dernier scrutin, trois partis politiques ont reçu près de 30 % du vote populaire. Pourtant, les sièges à l’Assemblée nationale n’ont pas été partagées de manière aussi équitable (54 sièges au Parti Québécois avec 31,9 % du vote, 50 sièges au Parti libéral du Québec avec 31,2 % du vote et seulement que 19 sièges à la CAQ avec 27,1 % du vote). Cela veut dire qu’au Québec, 30 % des citoyens ont trop ou insuffisamment de représentation à l’Assemblé nationale.
– Au Nouveau-Brunswick, lors des élections de 1987, les libéraux de Frank McKenna ont obtenu 60 % du vote populaire, leur garantissant l’ensemble des sièges de l’Assemblée législative. Cela voulait donc dire que 40 % des citoyens du N.-B. n’étaient pas du tout représentés au sein de à leur propre Assemblée législative.
– Qu’en est-il des partis moins populaires malgré un appui suffisant, par exemple, le NPD chez nous? Aux élections fédérales de 2011, les conservateurs ont remporté 8 des 10 sièges au Nouveau-Brunswick (80 % de représentation avec pourtant moins de 44% du vote populaire). Le NPD a pour sa part obtenu 30 % du vote populaire, mais ne compte qu’un seul député, soit Yvon Godin. Dominic LeBlanc détient, pour sa part, le seul siège des libéraux dans la province même si les électeurs ont donné plus de 20 % d’appui au Parti libéral. S’ajoute le fait qu’il y a probablement plusieurs électeurs qui ont donné leur appui à Bernard Valcourt et Robert Goguen parce qu’ils les respectaient ces candidats, sans pour autant appuyer Stephen Harper.
– Dans le même sens, lors de l’élection provinciale de 2010, le NPD et le Parti vert ont récolté collectivement près de 15 % des appuis des électeurs (10,35 % et 4,53 % respectivement) et pourtant, ils ne gagnent aucun siège à l’Assemblée législative. C’est donc 15 % des électeurs qui ne sont pas représentés dans leur propre institution dite démocratique.
Notre démocratie représentative n’est donc plus en santé et un changement en profondeur est de mise. Je vous invite donc à ma seconde chronique qui portera sur un mode de scrutin différent comme proposition pour enrayer plusieurs failles du système électoral actuel.