Des histoires d’amour, de familles et de crimes : Sans réserve de Fernande Chouinard – Angelika Vybiral

Chouinard, Fernande, Sans réserve, Tracadie, La Grande Marée, 2016, 147 p.

Le deuxième roman de Fernande Chouinard, intitulé Sans réserve, est captivant car il est à la fois un roman d’amour, un roman policier et un roman d’histoires familiales.

Le roman se déroule à Montréal et raconte l’histoire d’amour intrigante entre Raphaël, le narrateur, et Madelaine. Par un heureux hasard, Raphaël, architecte et créateur de mode par vocation, rencontre Madelaine, une jeune galeriste ambitieuse. Ils sont immédiatement et irrésistiblement attirés l’un par l’autre dès que leurs regards se croisent. C’est un amour impossible entre deux personnages fondamentalement différents. Elle est sérieuse, stricte, contrôlée, ordonnée, tandis que Raphaël a une âme d’artiste. Il est léger, désordonné, créatif, insouciant ; il veut aimer et vivre sans réserve. Malgré tout, ils tentent le projet audacieux de trouver le bonheur ensemble.

Pendant ses promenades nocturnes et solitaires dans les rues de la ville, Raphaël aime regarder les femmes et les photographier, non pour les déshabiller mais pour les habiller selon sa fantaisie, comme il le dit (p. 50). Cela provoque la jalousie de Madelaine et des soupçons de la part de la police. Cette dernière est à la recherche d’un voyeur qui traînasse dans les rues de Montréal pour observer les femmes et les prendre en photo. Comme marque distinctive, il laisse une rose jaune sur les lieux. La description du suspect ressemble étrangement à Raphaël. Le lecteur suit les enquêtes des policiers, est témoin d’incidents mystérieux et entend des accusations de tous les côtés. Les énigmes et les malentendus pèsent lourd sur la relation entre les protagonistes. La jalousie embrouille l’amour. L’auteure maintient le suspense jusqu’à la fin du roman. Ni le lecteur ni les protagonistes ne parviennent à distinguer la vérité du mensonge. Ces intrigues en font un roman policier rempli de suspense.

Le livre dévoile aussi les histoires familiales des protagonistes. En plus de ces derniers, on apprend aussi à connaître Adèle, qui s’occupe de la maison de Raphaël et Madelaine qu’elle partage avec eux. Tous les trois ont vécu des enfances très différentes. Leur vécu les hante et détermine leurs actions et relations : «On ne rattrape pas le passé, c’est lui qui nous rattrape.» (p. 133) Personne ne peut y échapper. Leur rapport à leur histoire ne peut être plus différent. Madelaine essaie de se débarrasser de ses racines et a rompu le contact avec son père il y a longtemps. Adèle, par contre, veut retracer ses origines et trouver son père inconnu. Elle part à sa recherche dans la Péninsule acadienne. Les deux femmes doivent faire face aux secrets qui pèsent lourd sur elles car «[u]n passé qu’on fuit rend le présent insaisissable» (p. 34). Raphaël veut lui aussi renouer avec son passé. Il aime se souvenir de sa jeunesse à Baie-Saint-Paul et rêve d’offrir une enfance semblable à ses futurs enfants. Vivre sans réserve ne semble seulement possible que lorsque l’on connaît ses racines. Nos origines nous donnent (de) la vie.

Le livre nous fait voyager dans l’espace, de Montréal à l’Acadie et de l’Acadie à Montréal, et dans le temps. Il nous fait plonger dans l’intimité des personnages qui sont comme tout le monde, à la recherche du bonheur. Les amants s’éloignent et se rapprochent. Leurs regards se désirent, se déchirent, inspirent, menacent, blessent, font du bien et reflètent une variété d’émotions. Les relations humaines sont souvent une lutte infinie entre la gravité et la légèreté, la confiance et la méfiance, les rêves et le désespoir, l’amour et la jalousie. Ce qui nous ramène au titre du roman : vivre sans réserve signifie éprouver des émotions fortes. C’est ça, la vraie vie.

 À propos…

Angelika Vybiral enseigne la littérature et la culture françaises au Département des langues romanes de l’Université de Vienne en Autriche. Elle a fait des études de langues, littératures et civilisations françaises et allemandes à Vienne et à Paris-Sorbonne Nouvelle. Lauréate d’une bourse doctorale de l’Académie des Sciences d’Autriche, elle prépare sa thèse de doctorat.

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