Vers une économie du partage – Michel Desjardins

Êtes-vous comme moi? Avez-vous l’impression de mener une vie encombrée par toutes sortes de bébelles? Vos espaces de rangement débordent-ils d’objets à peu près inutilisés? Votre garage est-il un ramassis de stuff, d’équipement de camping, d’outils et de vieilles tondeuses à gazon? Avez-vous le sentiment qu’il y toujours un sacré machin électronique qui ne fonctionne pas dans la maison?

« Oh la la la vie en rose », comme le dit si bien Alain Souchon.

Avouons-le, nous cédons aisément devant le chant des sirènes de la consommation. Nous devenons facilement propriétaires et accumulons des quantités d’objets pour satisfaire nos moindres besoins. Le pire c’est que nous finissons souvent par acheter des trucs de mauvaise qualité qui aboutissent très vite au dépotoir.

Si vous êtes de ceux qui songent aux solutions de rechange, vous n’êtes pas seuls. Dans mon cas, je suis préoccupé par l’empreinte écologique de ces habitudes. Je cherche à simplifier ma vie et me libérer de cette espèce de cercle vicieux des choses qui donnent envie d’autres choses. Je veux me sentir satisfait avec peu. Mais j’hésite à me débarrasser de certaines bébelles parce que j’en ai besoin de temps en temps.

Comme par hasard, il y a environ un an, je suis tombé sur l’idée du siècle. Au cours d’un atelier auquel j’ai assisté, j’ai été initié à la notion de la consommation collaborative. Dès que j’ai entendu cette expression, j’ai été séduit.

La consommation collaborative c’est un modèle économique émergeant qui a comme devise « l’usage partagé plutôt que la possession ». Il s’agit de pratiques commerciales qui donnent aux consommateurs la possibilité d’avoir accès à des biens (habituellement de très bonne qualité) sans en être propriétaires.

Jusque-là, rien d’extraordinaire, me direz-vous. Et vous avez raison. Il existe des magasins de location depuis plusieurs années déjà. Qui n’a pas loué, à un moment de sa vie, une camionnette ou une remorque U-Haul? Pensons aussi à une bibliothèque publique qui loue ou prête des livres temporairement.

Mais la nouveauté c’est la démocratisation des échanges commerciaux directs entre individus, grâce notamment à Internet et aux technologies qui permettent à chacun de facilement mettre ses objets à la disposition des autres. Les deux parties y gagnent. Le propriétaire (locateur) monétise des actifs sous-utilisés. Le locataire, quant à lui, gagne un accès facile à un bien de qualité, à petit prix et sans le fardeau et l’encombrement associés à en devenir le propriétaire.

Bien entendu, tout n’est pas propice à ce genre de transactions commerciales. Mais plusieurs objets, pas ou peu utilisés, le sont. Je pense à nos souffleuses, nos scies électriques, nos bicyclettes, notre matériel de jardinage, une chambre dans son appartement, des instruments de musique. Bref, la liste des articles que l’on n’utilise qu’occasionnellement est presque interminable. Pourquoi les acheter si on peut les emprunter et faire des économies tout en développant des liens sociaux? Et si on en est déjà propriétaire, pourquoi ne pas essayer d’en tirer profit?

Parmi les objets qui occupent une grande place dans nos vies, il y a évidemment l’automobile. Or, l’automobile est très propice au partage. C’est d’ailleurs ce qui motive un groupe du Grand Moncton dont je fais partie à mettre sur pied un service d’autopartage à l’image de modèles existants dans plusieurs grandes villes du monde.

Et, manifestement, nous ne sommes pas les seuls à nous intéresser au sujet. Récemment, la consommation collaborative a fait l’objet d’articles de fond dans des revues réputées comme The Economist qui reconnait que le phénomène n’est pas passager. Selon le magazine Forbes, « l’économie du partage » représenterait déjà, en 2013, une valeur de 3,5 milliards de dollars, un chiffre en hausse de 25% depuis l’année dernière.

Parmi les nombreux autres avantages de la consommation collaborative, notons que c’est une approche locale. Elle permet de renforcer les liens sociaux en rassemblant des citoyens ayant le même sens du partage. On peut aussi imaginer que son déploiement à grande échelle contribuera à atténuer l’effet de la consommation humaine sur l’environnement, car les manufacturiers auront avantage, dans cette nouvelle conjoncture, à miser sur la qualité et la durabilité plutôt que sur la quantité.

Mais, si cette révolution annoncée suscite l’enthousiasme chez des gens comme moi, elle connaît aussi son lot de détracteurs. Certains y voient un risque pour l’économie et l’emploi. Des entreprises se préoccupent des conséquences de la consommation collaborative sur leurs bénéfices. C’est, à mon sens, la même résistance qui permet d’entretenir l’idée que le modèle actuel de surconsommation peut se maintenir sans conséquences pour la vie sur la planète.

Par ailleurs, d’autres s’inquiètent pour les recettes de l’État. À ces gens, je réponds que les gouvernements trouveront bien le moyen de taxer certaines activités liées à l’économie du partage lorsque celles-ci seront suffisamment répandues.

 À propos…

michel desjardinsDepuis plus de 12 ans, Michel Desjardins se consacre sans relâche à des causes environnementales dans la région de Moncton. Il a notamment joué un rôle de premier plan dans la bataille pour la restauration de la rivière Petitcodiac. Il est aussi l’instigateur de plusieurs projets et organismes locaux, dont Grand Moncton Post Carbone.

Comme consultant, Michel Desjardins se spécialise en recherche communautaire, en développement organisationnel et en rédaction.

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