Une tradition de violence intime qui perdure – Rosella Melanson

Le Nouveau-Brunswick avait eu son quota de mauvaises nouvelles, – en tout cas moi j’en avais mon soûl – quand Statistique Canada a publié, à la mi-octobre, les données sur la violence entre partenaires intimes rapportée par la police entre 2009 et 2021.

Pour la septième année consécutive, le Canada affiche une augmentation du taux de violence entre partenaires intimes. Quelques provinces ont enregistré une baisse durant cette période – par exemple, la Colombie-Britannique a réussi une baisse de 28%, et l’Île du Prince Édouard, une baisse de 19%.

Mais le Nouveau-Brunswick, lui, rapportait une augmentation de 39%. La hausse la plus importante de toutes les provinces.

Le taux au Nouveau-Brunswick laisse entendre qu’il y a près de 500 cas de violence entre partenaires intimes pour 100 000 personnes. La moyenne canadienne est de moins de 350 cas pour 100 000 personnes en 2021.

Il faut savoir que le taux du Nouveau-Brunswick exclu les données du service de police de Saint John, la deuxième ville en importance en terme de population, parce que le données cumulées ne sont pas d’une qualité acceptable pour Statistique Canada. C’est dire beaucoup.

Notons aussi que ce taux comprend toutes les victimes ; hommes et femmes. Le nombre d’hommes violentés pour 100 000 personnes – est bien plus bas que pour les femmes, qu’ils soient violentés par un ou une partenaire intime. Si on ne considère que les femmes violentées par un ou une partenaire intime, le Nouveau-Brunswick affiche 740 cas pour 100 000 personnes. Le Canada, 540 femmes victimes pour 100 000 personnes.

Mais la vraie mauvaise nouvelle, c’est que ces données n’ont pas fait réagir. Ni le lendemain, ni dans les semaines suivantes, ni le gouvernement canadien ou néo-brunswickois, ni les organismes. Radio-Canada Acadie en a parlé : des employées des services «après-coup» nous ont vaillamment rappelé que ces données ne les surprennent pas, c’est leur quotidien. Mais on n’a vu aucune réaction ou action venant du gouvernement ou des forces motrices de changement au Nouveau-Brunswick.

Que voulez-vous, un chien qui mord un homme, ce n’est pas une nouvelle. Des «intimes» qui violentent, violent ou tuent leur partenaire, ce serait devenu dans la normalité des choses. On s’habitue lorsque c’est la nième fois que le taux augmente au Canada, et que le Nouveau-Brunswick obtienne la pire performance.

Ce serait ça l’acceptation sociale?

C’est par l’indignation que passe le changement, et on est loin de s’indigner.

Il y a cinquante ans, le Canada et le Nouveau-Brunswick ouvraient les premières maisons de transition. Le mouvement féministe a fait les efforts gargantuesques qu’il a fallu pour faire reconnaître que battre une femme et violer une femme sont des crimes. Mais malgré tout ça, et malgré les millions consacrés à l’étude du problème et la mise en place de programmes, nous avons des taux de violence familiale et entre partenaires intimes qui augmentent. Et je ne vous ai parlé que des chiffres rapportés par la police. Croyez Statistique Canada et les intervenantes des services après-coups que les taux vécus sont plusieurs fois ça.

Qui va nous rappeler à l’ordre, nous rappeler qu’aucun problème n’a jamais disparu en ne faisant qu’aider les victimes, qu’on ne peut pas dépenser sans se préoccuper des résultats?

Heureusement, il y a réconfort ailleurs. La même semaine que Statistique Canada a publié ces données, reçues avec un grand pfft national, les médias rapportaient des nouvelles encourageantes.

Cette semaine-là, on apprend qu’en Australie, un nouveau gouvernement a dévoilé un plan pour éliminer la violence familiale en une génération. Un plan qui vise les écoles, les médias, les agresseurs, les témoins, les technologies, les systèmes de justice et de santé. On y parle de masculinités malsaines, on fait la promotion de l’idée que «la violence faite aux femmes et aux enfants est évitable». (Au Canada, surtout au Nouveau-Brunswick, on fonctionne comme si cette violence est aussi inévitable que la pluie). Et, bizarre, le plan australien valorise les données! On affirme que les systèmes difficiles d’accès coûtent plus que ce que peut se payer le gouvernement. On dit que les enfants sont des victimes de plein droit de la violence faite à leur mère.

Et cette semaine-là, les médias ont rapporté qu’une étude de la University of British Columbia démontrait que la violence familiale serait responsable de nombre de commotions et de lésions cérébrales insoupçonnées parce que les comportements après-coups des femmes violentées sont souvent mis au compte – je résume – du fait qu’elles sont femmes. L’étude suggère que les coups à la tête, la strangulation et les secousses violentes répétées sont dangereux, qu’ils soient reçus dans l’arène d’un sport ou dans sa chambre à coucher. L’étude souligne que dans les sports, il y a des témoins et des vidéos, mais que souvent les seuls témoins à la violence conjugale sont des enfants. L’étude mentionne des services offerts à l’hôpital qui font que ces victimes sont traitées à temps pour prévenir certains effets à long terme.

Enfin, cette même semaine-là, des vérificateurs financiers en Californie ont rapporté que l’examen des quelques programmes pour hommes violents démontre que, dans la majorité de cas, quand ces hommes condamnés à suivre un programme ne le font pas, ils ne subissent pas de conséquences. Qui sait quels sont les programmes pour agresseurs au Canada ou au Nouveau-Brunswick? Qui sait quels sont leur taux de réussite et de conséquences?

Je vous souhaite un bon novembre «mois de la prévention de la violence» et je vous rappelle qu’il faudra, un bon jour, commencer à penser à prévenir la violence. Fini la complaisance de l’aide aux victimes, qui ne sert qu’à maintenir le statu quo.***

*** Ce sujet mérite un examen bien plus détaillé que ce qu’une citoyenne peut faire. Une personne avec support institutionnel aurait eu accès aux tableaux et aux réponses qui existent et qu’il aurait fallu pour faire un portrait complet de la situation. Cela étant dit, ce qui est affirmé dans ce texte est vérifié.

À propos…

Rosella Melanson est Acadienne, blogueuse et activiste. Elle a une formation en travail social, en journalisme et en technologie de l’information. Elle a surtout été à l’emploi du Conseil consultatif sur la condition de la femme au Nouveau-Brunswick. À la retraite, elle voyage et écrit, et quand elle est au Nouveau-Brunswick, elle est commentatrice politique.

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