Historiquement, les francophones canadiens ont souffert d’une sous-scolarisation qui s’explique en partie par l’absence d’écoles francophones de proximité. Ainsi, pour lutter contre ce phénomène, la Nouvelle-Écosse s’est dotée d’un conseil scolaire francophone avec des écoles dispersées dans la province : le Conseil scolaire acadien provincial (CSAP). Plus de 25 ans après sa création, on est en droit de se demander si le CSAP continue de réduire l’écart de scolarisation entre les francophones et les anglophones en Nouvelle-Écosse.
Lorsqu’on tente de répondre à cette question, on fait face à un problème méthodologique important : les élèves francophones et les élèves anglophones sont soumis à des examens ministériels différents. Comment peut-on alors comparer la scolarisation des deux groupes si les examens ne sont pas les mêmes?
Heureusement, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) offre une solution intéressante : le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA). En effet, tous les trois ans, un échantillon représentatif d’élèves de 15 ans partout dans le monde est soumis au même examen qui est traduit dans une variété de langues. En plus de permettre des comparaisons internationales, cette enquête permet aussi de comparer les élèves issus des systèmes francophones et anglophones en Nouvelle-Écosse
Cet examen réalisé tous les trois ans est divisé en trois sections : mathématiques, lecture (langue maternelle) et sciences[1]. Chaque section contient une variété de questions ayant différents niveaux de difficulté. À cause de la pandémie de Covid-19, l’édition de 2021 a été reportée à 2022.
En mathématiques, les élèves francophones et anglophones de Nouvelle-Écosse sont semblables de 2000 à 2018:
Mathématiques
2000 | 2003 | 2006 | 2009 | 2012 | 2015 | 2018 | |
Anglophone | 513 | 515 | 506 | 512 | 500 | 497 | 494 |
Francophone | 508 | 500 | 496 | 505 | 508 | 491 | 498 |
Différence | 5 | 15 | 10 | 7 | -8 | 6 | -4 |
En lecture et en sciences, par contre, le portrait est très différent. L’écart en 2000 est explicable au fait que le CSAP avait seulement été créé quelques années auparavant. En si peu de temps, on ne peut s’attendre à une diminution de cet écart. En revanche, la persistance de l’écart est inquiétante, surtout lorsqu’on constate l’écart très important constaté en 2018.
Lecture
2000 | 2003 | 2006 | 2009 | 2012 | 2015 | 2018 | |
Anglophone | 522 | 514 | 506 | 517 | 521 | 519 | 518 |
Francophone | 474 | 467 | 442 | 479 | 490 | 462 | 435 |
Différence | 48 | 47 | 64 | 38 | 31 | 57 | 83 |
Dans les sciences, on est témoin d’une tendance semblable. On note d’abord une amélioration de 2000 à 2012, puis l’écart se stabilise en 2009 et en 2012 pour augmenter de nouveau à partir de 2015.
Sciences
2000 | 2003 | 2006 | 2009 | 2012 | 2015 | 2018 | |
Anglophone | 517 | 506 | 521 | 524 | 517 | 518 | 510 |
Francophone | 466 | 465 | 475 | 490 | 482 | 477 | 466 |
Différence | 51 | 41 | 46 | 34 | 35 | 41 | 44 |
En somme, l’écart qui existait en 2000 entre les élèves francophones et les élèves anglophones persiste en général : en mathématique, il a diminué ; en lecture, il a augmenté énormément ; en sciences, il est stable. Malheureusement, les données du PISA ne peuvent qu’indiquer la présence d’un problème, elles ne peuvent pas nous en donner la cause. Il est important d’identifier les causes de cet écart et d’y trouver des solutions pour finalement offrir une égalité éducative aux deux groupes linguistiques de la province.
Sources :
PISA, 2018 : https://www.cmec.ca/Publications/Lists/Publications/Attachments/396/PISA2018_PublicReport_FR.pdf
PISA, 2015 : https://www.cmec.ca/Publications/Lists/Publications/Attachments/365/PISA2015-CdnReport-FR.pdf
PISA, 2012 : https://cmec.ca/Publications/Lists/Publications/Attachments/318/PISA2012_CanadianReport_FR_Web.pdf
PISA, 2009 : https://www.cmec.ca/Publications/Lists/Publications/Attachments/254/PISA2009-can-rapport.pdf
PISA, 2006 : https://www.cmec.ca/docs/pisa2006/Pisa2006.fr.pdf
PISA, 2003 : https://www.cmec.ca/docs/pisa2003.fr.pdf
PISA, 2000 : https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/81-590-x/81-590-x2000001-fra.pdf?st=-3K-fm-F
[1] Pour en savoir plus sur PISA : https://www.oecd.org/pisa/aboutpisa/pisa-en-francais.htm
À propos…
Vincent Chandler est professeur d’économie au Département des relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais. Ses recherches portent sur l’analyse des politiques publiques.