Le virage vert mondial vs le Nouveau-Brunswick : Ultimate Death Match? – Erik LeBrun

Accomplissement international historique à Paris : 195 pays s’entendent pour limiter le réchauffement climatique à 1.5 degrés Celsius. Après 20 années de débats infertiles, on arrive à s’entendre sur une législation planétaire qui sera mise en place dès 2020. Oui, oui, même les Américains et l’Arabie Saoudite!

Meanwhile, in New Brunswick, nous sommes encore en train de jouer avec notre mousse de nombril, en bons derniers de classe. L’Assemblée législative se réunit  pour nous annoncer son plan, ses idées pour l’année 2016: les stratégies que l’on mettra en place afin d’assurer l’avenir de la province et c’est franchement désolant. Coupes dans la santé, coupes dans l’éducation, coupes dans l’appareil gouvernemental, privatisation de services…et quelle idée originale nous propose-t-on pour ramasser un peu de sous, plutôt que de couper? Vendons les noms de nos infrastructures!  Ou mieux encore, accueillons un pipeline! Pis pas un p’tit! Tout le monde sait que le futur est dans les pipelines.

Maison passive en Angleterre.

Souvenons-nous de l’industrie de l’amiante qui a rapidement vu arriver sa fin alors que le produit en tant que tel est déclaré cancérigène par la communauté internationale. Qu’est-il arrivé à ces immenses infrastructures? Une perte totale, ou presque : plusieurs années après que les pays du premier monde aient interdit le produit, subsistait encore un marché pour l’amiante. Des villes comme Thetford Mines, au Québec, pouvaient encore exporter leur amiante vers des pays moins développés, comme la Thaïlande, où la règlementation n’était pas encore en place pour interdire le produit. On vendait sciemment un produit qui tue. Vous trouvez ça éthique? La position de notre province face à l’exportation du pétrole est la même que celle de Thetford Mines vis-à-vis l’amiante. À l’exception près que nous avons encore le pouvoir de changer de cap avant que cette industrie ne devienne totalement obsolète. Maintenant, cessons de parler à la négative et voyons ce que nous pouvons faire pour nous remettre sur le droit chemin économique, écologique et social.

À mon avis, notre honorable voisin Barack Obama avait entièrement raison quand il disait, en prémisse au sommet de Paris sur le climat, que la législation est le meilleur moyen de stimuler l’innovation qui doit permettre le virage vert. Philosophie qu’il a déjà mise de l’avant dans un document d’intention intitulé : A Strategy for American Innovation: Driving Towards Sustainable Growth and Quality Jobs. En tant que l’une des provinces les plus consommatrices d’énergie (par personne), nous avons tout à gagner en effectuant un virage vert et c’est le gouvernement qui devrait mener la marche.

En 2015, les Néo-Brunswickois ont consommé 920 millions de dollars d’électricité en excluant le secteur industriel. Près de 90 % de cette énergie est issue de combustibles fossiles. En considérant que le prix de cette énergie fossile devrait augmenter dramatiquement suivant la mise en œuvre de l’entente sur le climat, fraîchement conclue à Paris…nous pouvons en conclure que les coupures que nous propose le gouvernement dans la santé et l’éducation ne sont que quelques larmes dans l’océan.

Maison passive dans l'État de New-York.

Maison passive dans l’État de New-York.

Bref, la morale de cette histoire c’est que l’énergie, ça coûte cher. Et, avec l’arrivée des marchés du carbone et le renouvellement des installations produisant presque 90 % de notre énergie dans les prochaines 15 années (Mactaquac en 2028, Natural Gas PPA en 2029 et Saint-Rose and Millbank en 2030), nous pouvons dire avec assurance que ça ne sera pas plus cheap bientôt. Ai-je besoin de rappeler le fiasco de la mise à neuf de Pointe LePreau?

À la lumière (probablement issue d’une fournaise au mazout) de ces faits, quelle stratégie devrions nous adopter? Plutôt que de maquiller les comptes et de restructurer la façon de nous faire cracher de l’argent, je propose au gouvernement de changer de stratégie entièrement : investissons dans une diminution de la consommation. Payer pour consommer moins? C’est une diète de télé-annonce que je propose? Pas du tout.

En considérant qu’en général près de 40 % de toute l’énergie consommée par la civilisation humaine, tous domaines confondus, provient de la construction et de l’utilisation des bâtiments, il est évident que d’énormes économies sont à faire avec l’amélioration de nos façons de construire et d’habiter. La consommation énergétique moyenne des ménages néo-brunswickois, combinant les maisons les plus efficaces (les maisons plus compactes et les constructions récentes) et les maisons les moins efficaces (maisons anciennes et grandes maisons), consomme environ 80kWh/m2. Ce chiffre représente la puissance énergétique déployée (en moyenne sur une année) par une demeure pour, par exemple, se chauffer, s’éclairer, faire fonctionner les électro-ménagers et ainsi de suite. Une maison du standard PassiveHaus, aussi appelée maison solaire passive, consomme 15kWh/m2, soit moins du quart de l’énergie!

Maison passive dans l'État du Wisconsin.

Maison passive dans l’État du Wisconsin.

Revenons sur le rendement des centrales thermiques (la principale source d’énergie de notre province) : il est très faible. Dans le meilleur des cas, on obtient un rendement atteignant presque 60 % pour une centrale utilisée en cogénération. La centrale traditionnelle, elle, n’atteint guère plus de 33 % ! C’est-à-dire que près de deux tiers de l’énergie produite est gaspillée! Ainsi, une maison passive de 200m2 (2150 pi2), épargnant 13 000 kWh par rapport à une construction classique, nécessite 40 000 kWh de puissance en moins de la part du plant de génération. En construisant 390 maisons passives plutôt que classiques, on économise 972 MW d’énergie à la source. 972 MW, c’est la puissance de la centrale thermique de Coleson Cove, la plus grosse du genre en Atlantique et la plus grande source unique de pollution aussi. 390 maisons, ce n’est pas la mer à boire.

La maison solaire passive a fait ses débuts en Allemagne, mais est maintenant monnaie courante en Europe. La région Bruxelloise en a même fait une obligation pour toute nouvelle construction en 2008.  Vous me direz : «Mais ce n’est pas le Canada! Ici, il fait plus froid…». Certes, mais nous avons généralement plus de radiation solaire en hiver que ces pays. D’ailleurs, les premières maisons passives commencent déjà à faire leur apparition au Canada et même au Québec où il fait encore plus froid qu’ici, comme la maison Edelweiss, à Wakefield, au Québec, dont les 1552 pi carrés ont été construits pour la somme de 250 000$. Elle consomme quatre fois moins d’énergie qu’une construction typique.

Le principe est simple et ne mise pas sur une technologie extrêmement sophistiquée comme pourraient le croire certains : on isole au maximum afin de conserver l’énergie dégagée par les occupants et les électro-ménagers, on capte le soleil tant que l’on peut, et on récupère la chaleur de l’air qui sort de la maison. Pour les curieux, Internet foisonne d’information là-dessus.

Maison Edelweiss (Wakefield, Québec). Credit photo : Mike Reynolds (Ecohome).

Certes, le travail ne sera pas facile. Déjà faut-il revisiter les normes de construction pour contraindre les nouveaux bâtiments à respecter ces normes et reste encore le parc immobilier existant à rénover. C’est un projet énorme, mais auquel chacun peut mettre la main à la pâte. Nous aurons besoin d’enseignants pour amener les connaissances à la province ; nous aurons besoin de professionnels, de techniciens et d’ouvriers qui mettrons à l’œuvres ces nouvelles techniques. Nous aurons besoin d’évaluateurs, pour comprendre comment redresser le parc immobilier vieillissant ; et de la population, bien sur, pour donner souffle au mouvement. Nous aurons besoin de chercheurs, pour peaufiner ces techniques encore! Ainsi que de manufacturiers et de vendeurs, pour fabriquer et commercialiser ces produits.

La maison passive coûte-t-elle énormément plus? On peut compter un surplus de 10 % à 20 % au coût, en règle générale. Des cacahuètes comparativement aux investissements massifs et aux intérêts non-négligeables (et surtout, non-durables) que l’on doit aux créanciers pour des projets comme la mise à neuf de Coleson Cove (747 millions $) ou de Pointe LePreau qui, elle, a coûté plus de 2 milliards $ si on considère les coûts engendrés par les délais.

Le gouvernement va dans la bonne direction avec son programme de rabais sur les thermopompes : oui, il faut réduire la consommation d’énergie à la source, mais il faut pousser l’idée plus loin! Que propose David Coon avec son programme Rénover NB ? Est-ce la solution pour transformer le virage vert qui a lieu dans le monde entier, en une opportunité en or pour le Nouveau-Brunswick? Ou est-ce que ce sera une autre entreprise à la vie courte, comme l’a été Efficacité NB? À mon avis, investir dans notre province à coût de petits montants tout en faisant travailler notre monde s’avère la meilleure solution. La décentralisation des sources de production, combinée à une consommation d’énergie fortement réduite, voire nulle, rendra nos foyers, nos familles et nos communautés plus indépendantes et plus résilientes. Mais nos leaders feront-ils ce qui est réellement le mieux pour notre province? Ou se rabattront-ils sur les solutions à court terme, proposant le strict minimum en matière de promesse électorale pour obtenir un prochain mandat?

À propos…

Erik LeBrun

Originaire de Dieppe, au Nouveau-Brunswick, Erik LeBrun est détenteur d’un baccalauréat en architecture de l’Université Libre de Bruxelles ainsi que d’une maîtrise dans le même domaine de l’Université Laval. Il travaille présentement comme architecte stagiaire dans la région de Moncton.

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