Lonergan, David. Théâtre l’Escaouette, 1977-2012 : la petite histoire d’une grande compagnie de théâtre, Sudbury, Prise de parole, 2015, 401 p.
En 2012, le théâtre l’Escaouette marquait son 35e anniversaire d’existence. Fondé à l’époque où les finissant(e)s du Département d’art dramatique de l’Université de Moncton devaient envisager de s’expatrier au Québec pour pratiquer leur métier, ses membres fondateurs (Marcia Babineau, Philippe Beaulieu, Gracia Couturier, Bernard LeBlanc et Roger LeBlanc) croyaient qu’il était possible de créer un théâtre véritablement acadien. Aujourd’hui, le théâtre l’Escaouette est un incontournable dans le monde du théâtre francophone au Canada; une véritable institution qui permet, par ses productions, ses ateliers d’écriture dramaturgique et son festival de lectures publiques, au théâtre acadien d’exister, de s’épanouir et de s’exporter. Le livre Théâtre l’Escaouette, 1977-2012 : la petite histoire d’une grande compagnie de théâtre de David Lonergan se veut non seulement une rétrospective des évènements qui ont marqué l’histoire de la compagnie, mais également un retour sur ses productions, de sa fondation jusqu’en 2012.
Afin d’y arriver, David Lonergan a recours à de multiples sources. Il consulte les communiqués de presse, les programmes distribués lors des représentations, les cahiers pédagogiques qui accompagnent certaines pièces, les critiques artistiques publiées dans les journaux (L’Évangéline, Le Moniteur Acadien, Le Matin, L’Acadie Nouvelle et Le Front notamment) au sujet des pièces montées, les comptes rendus des réunions du conseil d’administration, les procès-verbaux des assemblées générales et les rapports commandés par le conseil d’administration sur des sujets précis. Il complémente le tout de témoignages recueillis auprès de gens ayant évolué au sein de la compagnie et de ses propres critiques sur les productions du théâtre l’Escaouette publiées dans l’Acadie Nouvelle entre 1994 et 2013. Il est à noter que David Lonergan n’en est pas à sa première tentative d’écrire l’histoire de la compagnie. Il avait déjà fait paraître La création à cœur : l’histoire du théâtre l’Escaouette (publié aux Éditions de la Grande-Marée en 2000) qui relate les faits saillants des vingt premières années d’existence du théâtre l’Escaouette.
Le premier des sept chapitres constituant ce plus récent ouvrage sur le théâtre l’Escaouette se distingue des autres dans le sens qu’il met l’accent sur les éléments qui ont motivé sa fondation. Il propose un bref retour sur la situation du théâtre en Acadie; situation largement dominée, en 1977, par la présence de troupes de théâtre communautaires qui montent des pièces de répertoire s’adressant principalement aux adultes. Les membres fondateurs voulaient renverser la situation en développant un théâtre professionnel qui ferait non seulement appel aux écrivains acadiens, mais qui aborderait des sujets typiquement acadiens afin que les jeunes des écoles du Nouveau-Brunswick puissent s’y reconnaître; les pièces présentées dans les écoles avant la fondation du théâtre l’Escaouette étant exclusivement des productions de compagnies québécoises.
Si les autres chapitres reviennent sur l’ensemble des productions du théâtre l’Escaouette – en livrant, pour chaque pièce, un résumé, une liste des comédiens et des personnes qui y ont collaboré ainsi qu’une critique –, ils abordent également des éléments importants de son histoire. Il est question, notamment, de la décision de s’organiser en coopérative; des défis associés à la gouvernance; des crises internes (qui auront d’ailleurs la peau de quelques directions artistiques); des problèmes financiers (qui traversent l’histoire de la compagnie et donc l’ensemble des chapitres du livre); des nombreux débats entourant le maintien ou non du volet jeunesse (c’est-à-dire le théâtre pour enfants et pour adolescents) et du volet animation; des changements fréquents au sein de l’équipe de gestion; des débats entourant la membriété et les droits des membres; des défis entourant la mise en place d’un théâtre d’été à Shédiac (le Théâtre de la Grand-Voile); de l’aménagement d’une salle permanente à Moncton (d’abord dans le Centre culturel Aberdeen et, depuis 2004, dans l’ancienne Légion de la rue Botsford); de la création d’un festival de lectures publiques (le Festival à haute voix); et des coproductions avec d’autres compagnies de théâtre.
Le découpage chronologique de l’ouvrage est utile pour retracer l’histoire des productions. D’ailleurs, il m’a permis de repérer facilement les pièces de théâtre que j’avais déjà vues (certaines lorsque j’étais à l’école et d’autres à l’âge adulte). Toutefois, les limites du découpage chronologique des chapitres et des sous-chapitres se manifestent quand l’auteur aborde des sujets spécifiques comme les problèmes de financement ou les problèmes de gouvernance. Ces sujets reviennent à maintes reprises et mériteraient leur propre chapitre au lieu de se retrouver pêle-mêle un peu partout dans le livre. Pour cette raison, il est facile d’avoir l’impression que certains passages s’éternisent ou, pire encore, qu’on assiste à une relecture des comptes rendus et des procès-verbaux au lieu d’une analyse en bonne et due forme. Somme toute, David Lonergan nous propose un ouvrage de référence qui sera, sans aucun doute, d’une très grande valeur pour toute personne s’intéressant au théâtre ou souhaitant faire l’histoire du théâtre en Acadie. Je doute, toutefois, qu’il devienne un livre de chevet!
À propos…
Luc Léger est originaire de Moncton. Il détient un baccalauréat en science politique et une mineure en études françaises de l’Université de Moncton ainsi qu’une maîtrise en science politique de l’Université Laval. Il est présentement doctorant à l’École d’études sociologiques et anthropologiques de l’Université d’Ottawa. Il est un des cinq membres fondateurs de la revue Astheure.