L’Acadie n’existe pas : la transidentité 101 – Christine Melanson

J’espère que tu as cliqué sur cet article à cause du titre. J’aime ça, moi aussi, être sensationnaliste.

Donc vu que t’es icitte, laisse-moi t’amener dans une petite rêverie. Imagine-toi dans un monde où on te dit sans cesse: «Ah ouin? T’es Acadien.ne? Prouve-le! L’Acadie, de toute façon, ça existe pas.» Pourtant, dans ton coeur, tu le sais que l’Acadie existe! Donc tu commences à énumérer les choses acadiennes que tu connais, pour légitimer tes arguments : tu nommes le drapeau, la musique, la littérature, les personnalités connues. On continue à te dire «Ahhh donc tu viens de la République de la Tarte!» (C’est un pays fictif, mais fais-moi confiance, tu vas tout comprendre.) Toi, tu ne te fâches pas, tu continues à justifier ton identité, ton pays, ton appartenance et le sentiment que tu ressens au fond de toi. T’es bien, en tant qu’Acadien.ne!

Imagine alors que tu contribues à la société et qu’on parle de toi dans les médias. On publie ton nom dans le journal. En lisant l’article, tu éprouves de la fierté, mais tu remarques que le qualificatif qu’on t’attribue, c’est que tu es Tartois.e (citoyen.ne de la République de la Tarte). Tu écris calmement au journal : «bonjour je voulais vous dire que bien qu’il n’y ait aucun problème à être Tartois.e, mon identité est acadienne.» Mais la direction du journal ne veut rien entendre. Et tu as bien beau parler de ton Acadie, de ton identité, pour sensibiliser les gens, mais celleux qui détiennent le pouvoir de parler iels aussi de ton identité s’obstinent à dire que tu es Tartois.e. Mais à force de te justifier, et à essayer de convaincre les gens de ton existence, il y en a toujours une bonne portion qui ne comprend pas et qui refuse de s’éduquer et d’en apprendre davantage sur ce que tu vis. Toi, tu fatigues. Tu commences à douter. «Suis-je vraiment Acadien.ne?» Mais tu te ressaisis en réalisant que tu ne te sens heureux.se que lorsque tu vis pleinement ton identité, quand t’as l’Acadie dans le coeur et des chansons d’Edith Butler dans la gorge.

C’est un peu ça, la fatigue trans, bien que j’en parle moi-même en tant que femme cis-genre hétérosexuelle. Mais je l’ai vécue à travers des ami.e.s proches et à travers mon propre travail d’alliée.

Crédit photo : Christine Melanson.

Pourquoi maintenant?

Parlons d’histoire. La transidentité, comme l’Acadie, ne date pas d’hier. Il existe de multiples exemples de gens ou de peuples, à travers l’histoire, qui rejetaient l’idée préconçue des genres. Une recherche rapide sur Wikipédia confirme cette idée. Mais nous, qui avons reçu une éducation coloniale (qui a été écrite par des civilisations européennes telles que la France et la Grande-Bretagne), n’avons commencé qu’à entendre parler de la transidentité il n’y a que relativement peu de temps.

Qu’est-ce que la transidentité?

La transidentité, c’est une identité qui est différente du genre qui nous est assigné à la naissance. Une personne trans peut vouloir changer de sexe complètement, ou peut sentir que son identité est différente que l’idée binaire du genre (mâle/femelle). Il existe alors plusieurs genres, dont la non-binarité, par exemple.

Pourquoi les pronoms différents?

Le pronom le plus populaire chez les personnes non-binaires (pour l’instant) est le «iel». Comme tu le sais, le langage est en constante évolution. Si on découvre une nouvelle espèce d’araignée, on lui donne un nom. Existait-elle avant? Probablement. Mais on lui donne un nom propre à elle, parce qu’on vient d’en prendre connaissance.

L’écriture inclusive, c’est ne plus donner l’avantage à l’homme. Si vous saviez la furie que j’ai ressentie dans mon cours de français en 3e année quand j’ai su que si 99 femmes et un seul homme se rassemblaient, on utiliserait le pronom «ils»! L’écriture inclusive sera un apprentissage pour touxes, mais ça vaudra tellement la peine. Ce sera un grand pas en avant pour le féminisme et toutes les minorités de genre, et pour la société au complet! Je rêve d’un monde où les personnes au pouvoir ne sont pas uniquement de vieux monsieurs blancs qui font tout ce qu’ils font parce que «ça s’est toujours fait comme ça».

Qu’est-ce que je peux faire?

Si comme moi, tu es allié.e et que tu veux aider, commence par lire des auteur.e.s ou des articles qui parlent de ce que vivent les personnes trans. Sur les médias sociaux, tu peux partager ces articles et aider les gens à s’éduquer. Moi aussi, même si je côtoie beaucoup de ces gens, je dois continuer à apprendre, et c’est normal. Si tu ne fais pas partie de la communauté trans, tu n’as pas le même vécu qu’iels. Le plus important, c’est de valider leur vécu. La pire chose que tu puisses faire, c’est de minimiser ce qu’iels ressentent. Essayer de manipuler leurs souvenirs ou l’amplitude de leur souffrance, c’est faire du gaslighting. Plusieurs personnes toxiques ont recours à ce genre de procédé. Mais pas toi, puisque tu es un.e allié.e.

Ensuite, tu peux faire de la pression auprès de ton employeur.euse pour que les documents officiels soient dégenrés, c’est-à-dire utiliser une écriture inclusive (plus de «le masculin est utilisé afin d’alléger le texte»). Tu peux aussi faire de la pression auprès des médias, publier des lettres d’opinion, mais laisse toujours (je dis bien TOUJOURS) l’existence et le vécu des personnes trans guider ta démarche. J’ai moi-même fait lire ce texte à des ami.e.s trans avant de le publier.

Le but, c’est de s’aider, tous, à créer une société bienveillante et équitable.

Bonne empathie les ami.e.s!

À propos…

Christine Melanson (pronom: elle) est une artiste de Moncton. Ardente défenseuse des droits des minorités, elle est connue pour ses jokes de matante. Elle fait de la musique, aussi.

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