Ma grand-mère disait toujours… – Catherine Mongenais

Couturier, Anne-Marie, Dans le regard de Flavie Plourde, Ottawa, Éditions David, coll. «Voix narratives», 2017, 413 p.

Avec Dans le regard de Flavie Plourde, les Éditions David présentent un roman historique au goût de terroir. En effet, en lisant la vie de Flavie Plourde, l’héroïne, on a parfois l’impression d’être plongé dans l’univers de Maria Chapdelaine de Louis Hémon ou du Survenant de Germaine Guèvremont, sauf que Flavie est bien moins naïve que Maria Chapdelaine et Benjamin – le mari de Flavie – n’est pas mystérieux à la façon du fameux Survenant. Il est clair que Anne-Marie Couturier a rédigé son roman avec un souci du détail et de vérité historique : on devine rapidement que c’est un récit qui est le fruit de beaucoup de recherches (ou, peut-être du souvenir de bien des histoires racontées par des aînés?). L’histoire commence au début des années 1900 et se veut le troisième titre de Couturier sur la famille Plourde. Le roman a pourtant l’avantage de pouvoir être lu sans qu’il soit nécessaire de connaître les deux tomes précédents.

Crédit photo : Éditions David.

La quatrième de couverture se révèle un peu trompeuse. En effet, si on comprend, vers la fin du roman, que le titre convient bien à l’œuvre, l’illustration de son côté laisse à désirer : l’image provient d’une toile appelée Martha, de l’artiste canadienne Lilias Torrance Newton. C’est, d’ailleurs, une belle toile; cependant, elle fait anticiper une Flavie Plourde qui serait sévère – voire austère – alors que c’est tout le contraire! Flavie se veut un personnage persévérant, plein d’entrain et presque toujours de bonne humeur. On se dit alors que le «regard» de la femme peinte représente peut-être la lassitude ou la tristesse qui viendrait d’un épisode tragique de la vie de Flavie. Or, encore une fois, ce n’est pas le cas : bien que Flavie Plourde ait effectivement une vie ponctuée de petites (et de grandes!) tragédies, elle ne se laisse jamais abattre. Il lui reste toujours de l’espoir. Il est possible que ce soit justement parce que les tragédies semblent, pour elle et pour les gens qui l’entourent, faire partie du quotidien.

En lisant Dans le regard de Flavie Plourde, on suit une vie qui passe, au rythme des accouchements, nuancée par des espoirs, des déceptions, un travail incessant et le thème récurrent de l’attente. Étant une femme déterminée et toujours prête à s’attaquer à des problèmes ou à s’inventer de nouveaux projets, Flavie est l’antithèse d’un personnage paresseux. Que ce soit de tricoter des mitaines pour gagner un peu d’argent, de préparer des tartes, de travailler à la ferme ou de se lancer dans de nouvelles aventures en déménageant spontanément en ville, aucune tâche n’apeure Flavie. Elle pourrait tenir le rôle de la fourmi dans «La cigale et la fourmi», sauf qu’elle a meilleur cœur et tente d’aider tous ceux à qui elle peut prêter main-forte.

Le personnage de Mémé – la belle-mère de Flavie – manque un peu de crédibilité étant donné que sa méchanceté exagérée ne pourrait relever que de la folie alors qu’elle fait preuve de trop d’ingéniosité pour être réellement déséquilibrée à ce point. De manière semblable, les quelques élans soudains d’intérêts pour la cause féministe de l’époque que manifeste de temps à autre Flavie enlèvent également au naturel de l’histoire : on se dit que, soit elle n’aurait tout simplement pas le temps d’y songer, occupée comme elle est, ou encore, elle serait légèrement plus constante dans ses essors passionnés pour la cause si elle l’avait vraiment à cœur. Cependant, nonobstant ces deux éléments, l’histoire est généralement très réaliste.

On y saisit bien, entre autres, les défis de l’époque; les inquiétudes de tous les jours, le manque de ressources du côté de la santé et le souci constant des enfants, de l’argent, de la maison à chauffer et de la nourriture à préparer. C’est un temps où les Québécois ne s’étaient pas approprié le 24 juin : on l’appelle la «fête des Canadiens français» (en principe, elle l’est toujours, d’ailleurs); un temps où la religion est omniprésente; un temps où l’enfance, encore préservée de tous les appareils technologiques, semble plus belle et innocente. Le style de la narration est travaillé et les dialogues sont crédibles. Par moments, on a l’impression d’entendre la voix d’une grand-mère qui raconte ses histoires d’antan avec un brin d’humour et une certaine mélancolie de ces jours passés, où la vie était bien différente de celle d’aujourd’hui. Et pourtant, au cœur de ce roman, il y a ce qu’on pourrait trouver dans toute vie relatée : la flamme d’une âme unique qui brûle à travers les ans en laissant sa trace, avant de s’éteindre un jour. Dans le regard de Flavie Plourde, se trouve être, somme toute, une lecture agréable.

À propos…

Catherine Mongenais est une Franco-Ontarienne du Nord qui, plus précisément, a grandi à Kapuskasing. Elle a terminé, cette année, sa thèse de maîtrise en création littéraire à l’Université d’Ottawa et rêve de faire publier un jour ses romans. Il va sans dire qu’elle aime la lecture et l’écriture passionnément, à la folie (et jamais pas du tout).

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