La dernière ligne droite, roman de l’écrivain et professeur émérite de l’Université Dalhousie Vittorio Frigerio, est paru aux éditions du Gref à Toronto en 1997. Celui-ci reçu une mention spéciale au salon du livre de Toronto en 1998.
L’histoire est complexe. Il commence avec une crise identitaire subite lors d’une fête en Italie, à une tentative d’assassinat ratée en Suisse coïncidant avec la livraison d’un objet de contrebande. Nous retournons quelques décennies plus tôt à une aventure en Indonésie. De retour au présent, la tentative d’assassinat se poursuit au dessus de l’Atlantique Nord, à Toronto…pour se terminer subitement en Amazonie. Tellement d’action a lieu dans chaque chapitre, que de décrire le déroulement de l’action en détails serait impossible.
Si je n’en dis pas trop, c’est car cette trajectoire absolument imprévisible fait partie de la réussite du roman. Beaucoup de romans (surtout les romans policiers ou les romans à intrigue) m’ennuient, car c’est souvent trop facile de prédire le déroulement de l’action. Si vous aimez pouvoir prévoir ce qui se passe dans un livre (ça peut être un jeu), tant mieux pour vous. Si, comme moi, vous aimez être surpris, vous demander «mais que se passera-t-il maintenant?», sans même pouvoir faire de suppositions sur ce qui se tramera, vous adorerez potentiellement ce livre autant que moi.
L’histoire n’est pas la seule chose qui émerveille les sens. L’écriture stylistiquement riche du roman y contribue énormément comme il est possible de le voir à la page 28 «Il aimait être au milieu de la foule, quand elle était anonyme», à la page 81 «Le paysage à travers la vitre était d’un gris uniforme, qui semblait couler du ciel sur le béton des usines et des habitations», ou à la page 125 «Il avait l’entêtement aveugle et borné des gens qui n’ont pas l’habitude de prendre des décisions importantes, lorsqu’ils ont fini par en prendre une». Voilà juste quelques-unes des phrases qui, à la lecture, m’ont tellement accrochées que je devais les prendre en note (j’ai parfois fait des poses juste pour apprécier ce que je venais de lire et, parfois, j’ai relu des passages). Nous pourrions ensuite ouvrir le livre à n’importe quelle page pour y trouver des passages stylistiquement riches, et porteurs de sens.
Les idées exprimées dans le livre ne perdent pas de terrain au bénéfice de l’histoire. Ce roman a un côté Saint-Exupéry, dans le sens qu’il éveil les sens, donne envie de vivre, et célèbre, d’une façon ironique, les âmes fortes et dynamiques. Par exemple, à la page 7 «Tout le monde vous dira que vingt ans est un âge merveilleux. C’est le moment où on laisse derrière soi les derniers vestiges de l’adolescence et où l’on se lance à corps perdu dans cette fantastique aventure qu’est l’âge adulte». Je n’hésiterais pas à recommander ce livre à des jeunes, pour leur révéler le plaisir de lire (aucune longueur, écriture vive sans banalités, etc.).
À mon sens, le roman est si saisissant que l’on n’a pas envie de le poser. Je crois que je l’aurais moi-même descendu en une journée (même si je lis lentement), si je n’avais pas été dépassé par le temps lorsque je l’ai lu. Il est totalement imprévisible, hilarant, bourré d’action, d’histoires secondaires et de destins croisés… La meilleure comparaison qui me vient en tête, serait un croisement entre un film de Sergio Leone et de Aki Kaurismäki ; un esprit western-spaghetti où personne n’est innocent, avec un fond d’esthétique néo-noir.
24 ans après sa publication, le roman n’a pas vieilli ; ce qui y est exprimé reste d’actualité. Voici un roman qui aurait mérité plus qu’une mention spéciale ; c’est un mystère, pourquoi un roman comme celui-ci se fait oublier, vu le nombre de platitudes qui reçoivent des prix. Il est temps de relire La dernière ligne droite, futur classique culte des lettres francophones.
À propos…

Thibault Jacquot-Paratte est écrivain, chansonnier et collectionneur de blagues bonnes et mauvaises. Il aime participer au monde du théâtre, ou au monde du film. Il a de nombreux textes publiés (trouvez en gratos via ecosia, ou achetez un de ses livres). Il a grandit en Nouvelle-Écosse, voyage compulsivement, apprend des langues (autant que sa tête le lui permet). Il a obtenu une maitrise en études nordiques de la sorbonne, a étudié en Finlande, en Norvège, et au Danemark aussi.