Les langues officielles encore une fois délaissées : lettre ouverte à Brian Gallant – Jeanne Renault

Monsieur le premier ministre Brian Gallant,

Le 30 janvier 2018, votre ministre des Finances, Cathy Rogers, présentait le budget de votre gouvernement. Votre plus récent budget peut, à première vue, plaire à tous les secteurs de l’électorat ; pourtant plusieurs éléments ou absences d’éléments, nous conduisent à conclure que ce gouvernement tient pour acquis la communauté francophone. Cette communauté constitue  une grande part de vos électeurs et vous la connaissez suffisamment pour savoir qu’elle demeure, la plupart du temps, fidèle aux Libéraux. Fidèle, peu importe ce que les budgets successifs lui réservent.

La commissaire aux langues officielles, Katrine D’Entremont, a déploré et avec raison, la partie de votre budget qui a été assignée à son bureau. Sans entrer dans un débat de chiffres, il est clair qu’au cours de votre mandat, Monsieur le premier ministre, le Commissariat aux langues officielles et la commissaire en particulier n’ont pas été dans les bonnes grâces de votre  gouvernement. Les budgets annuels alloués au Commissariat en sont un exemple éloquent. Combien de fois, au cours des récentes années, les ministres de votre gouvernement ont-ils pris à  partie la commissaire, en tentant de la discréditer? Le 1er février, Chris Collins, président du Comité de l’Assemblée législative, répondant aux questions de l’Acadie Nouvelle à propos du  budget alloué au Commissariat et jugé insatisfaisant, illustre une fois de plus l’attitude arrogante de votre gouvernement. La commissaire connaît très bien la Loi sur les langues officielles et l’importance du mandat quasi-constitutionnel qui lui est confié, tout autant que les moyens qu’exige la réalisation de son mandat. Le bureau de la commissaire serait-il pénalisé en raison des questions gênantes qu’il pose au gouvernement ou encore parce que la commissaire s’acquitterait trop bien de son travail? Ne pas lui donner le budget dont elle a besoin pour remplir sa mission est, à toutes fins pratiques, vouloir l’empêcher de faire respecter la Loi sur les langues officielles. On peut donc comprendre que la commissaire D’Entremont se pose de sérieuses questions quant à l’engagement de votre gouvernement à l’endroit des langues officielles.

Mais ce qui est encore plus préoccupant, c’est que le responsable de l’application de la Loi sur les langues officielles, c’est vous-même. Pour mémoire, dans l’article 2, l’interprétation de la Loi sur  les langues officielles dit clairement que «le premier ministre est responsable de l’application de la présente Loi». Par ailleurs, dans le document qui s’intitule Membres du conseil exécutif (mis-à-jour en 2018), sont indiquées les quatre fonctions ministérielles qui vous sont confiées : fonds pour l’éducation et la nouvelle économie, innovation, personnes  handicapées et égalité des femmes. Nulle part, n’est-il question de votre responsabilité concernant les langues officielles. Qui donc dans le cabinet s’occupe des langues officielles?

D’autre part, pourquoi  ne pas profiter du 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles du Nouveau- Brunswick, en 2019, pour donner au Commissariat le budget nécessaire pour assurer le respect de la dite Loi? Un budget qui serait respectueux de l’engagement du gouvernement du Nouveau-Brunswick tel qu’inscrit dans la Charte des droits et libertés de 1982. En conséquence, un tel budget donnerait un véritable signal de l’intérêt que porte votre gouvernement à la question des langues officielles. Dans le cas contraire, nous serions en droit de nous demander pourquoi le gouvernement du Nouveau-Brunswick a voulu que soient  inscrites, dans la Charte des droits et libertés de 1982, ses obligations constitutionnelles.

À propos…

Née à Campbellton, Jeanne Renault est diplômée du Collège de Bathurst et de l’Université de Toulouse (France) Le Mirail. Elle a, pendant près de 30 ans, représenté les Commissaires aux langues officielles du Canada, en Ontario et en Atlantique (bureau de Moncton). À titre de bénévole, elle a œuvré dans des conseils d’administration au niveau d’un théâtre et d’une compagnie de théâtre, dans une maison d’édition, dans un festival de cinéma et dans le secteur de la santé. Elle est à la retraite depuis 10 ans.

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