J’ai su que j’étais Acadien avant avoir su que j’étais queer. On nous donne, en Acadie, des milliers d’occasions pour exprimer comment on se sent par rapport à notre culture acadienne, par rapport à notre langue française. Pourtant, il existe peu d’occasions pour exprimer comment on se sent par rapport à la diversité sexuelle et des genres. Nous ne parlons pas encore assez haut et assez fort du fait qu’une grande partie d’entre nous appartenons à la communauté LGBTQ+, ni de la nécessité d’éjecter l’homophobie, la transphobie ou encore le cis-hétéro-patriarcat de nos espaces. J’étais déjà un Acadien convaincu lorsque la fin de mon adolescence a été ébranlée par un questionnement sur mon orientation sexuelle. Maintenant je suis un queer convaincu qui se questionne sur l’espace créé pour les LGBTQ+ en Acadie.
Mon appartenance à la communauté LGBTQ+ n’existe pas indépendamment de mon appartenance à la communauté acadienne. Les deux sont interreliées et j’insiste qu’elles le sont à tous les jours. Je me trouve à queerer mes espaces acadiens et à acadianiser mes espaces queers, et je suis content, car je vois devant mes yeux ces espaces devenir plus inclusifs. Je ne suis pas le seul à le faire. Cependant, je connais plusieurs connaissances et ami.e.s qui sont découragé.e.s par le manque d’intersections queers et acadiennes, car il en manque qui puissent servir de modèles, chez les artistes, dans la place publique et dans le discours national.
Il faut changer nos communautés de façon systémique et les outiller à prendre soin de ceux et celles qui ne sont pas hétérosexuel.le.s ou cisgenres. Il peut être difficile de s’épanouir au niveau culturel et de s’engager dans les Acadies si nous sommes privé.e.s des besoins primaires de sécurité ou physiologiques, comme on voit à la base de la pyramide des besoins de Maslow, ni si nous ne nous montrons pas ouvert.e.s aux discussions sur la diversité sexuelle et des genres dans la place publique. Bâtissons une société acadienne qui offre un filet social à ses membres qui vivent une oppression, car même si les intersections acadiennes et queers peuvent être joyeuses, actuellement elles sont souvent étranges à naviguer, voire difficiles à supporter.
Il y a la jeune élève francophone et transgenre en milieu rural qui fait toute sa recherche sur la diversité des genres en ligne et ne trouve pertinents que des articles en anglais. Elle doit construire ses connaissances sur son identité de genre à partir de sa deuxième langue. Dans ce cas, l’Acadie doit repérer et adapter les ressources, les offrir à nos centres de santé jeunesse et les insérer dans nos cours de développement personnel et social et formation personnelle et sociale.
Il y a l’homme bisexuel francophile, en relation avec une femme acadienne, qui vit parfois un double rejet. D’abord, de la communauté LGBTQ+ qui dicte que sa bisexualité ne compte plus ou n’a jamais existé. Ensuite, de la communauté acadienne qui ne reconnait pas son appartenance en raison de sa langue maternelle. Dans ce cas, l’Acadie doit prioriser des discours inclusifs et aider à les propager dans les communautés qui les acceptent mal.
Il y a le vieux couple homosexuel qui marche dans la Halifax Pride Parade avec un drapeau acadien sur le dos et se fait reprocher que c’est un espace célébrant les LGBTQ+ et non «the French». Dans ce cas, l’Acadie doit approcher les organismes LGBTQ+ pour montrer qu’il y a non seulement un travail à faire pour respecter les autochtones et les personnes racisées, mais les Acadien.ne.s aussi.
Il y a la personne non-binaire qui se questionne sur quelque chose de base : ne pas savoir si elle doit se dire Acadien ou Acadienne. Dans ce cas, l’Acadie doit avouer que la langue française est particulièrement genrée et trouver, avec les non-binaires, une identification post-genre : Acadiex? Acad?
Plusieurs me diront que nous avons fait beaucoup de chemin et c’est vrai. Cependant, les changements systémiques restent à venir. Voici quelques personnes et groupes fantastiques, que j’espère voir un jour réuni.e.s dans une grande initiative ou rassemblement, qui font un excellent travail sur le terrain. Offrons-leur notre appui et nos éloges et comme ça nous accélèrerons notre marche vers une société plus respectueuse qui ne laisse personne tomber.
Je suis fier de Luna LeFort, une femme engagée ayant grandi à Sydney, qui a livré une excellente présentation à une cohorte LGBTQ+ d’une activité de la FJFNB. Je respecte profondément Sarah Jayne Doiron, employée de SIDA/AIDS Moncton, qui est responsable de la soirée hebdomadaire Sains et saufs et qui livre d’innombrables présentations scolaires. Je félicite les organisateurs d’Acadie Love, qui ont su mettre leurs ressources ensemble pour présenter un rendez-vous osé dans la Péninsule acadienne. Je dis bravo à Seth LeBlanc, qui s’affiche pleinement devant sa jolie communauté rurale de Par-en-Bas ainsi qu’à Radio-Canada. J’embrasse Zivi Richard, qui a organisé un brunch queer ouvert lors de son passage à Moncton, et qui inspire et outille actuellement les jeunes et moins jeunes de Rogersville. Je reconnais le Village de Cap-Pelé, qui, en demandant l’appui de Rivière de la fierté, a non seulement inauguré des traverses piétons arc-en-ciel mais a aussi lancé le défi au reste du Sud-Est du Nouveau-Brunswick. Je souligne les actions de Joelle Dionne, francophone du Maine maintenant à Halifax, qui a organisé une activité en français lors de Rad Pride 2016. J’applaudis Xavier Gould, l’artiste qui ose avec son excellent blogue Dirtbag Acadien, son personnage à saveur queer Jass-Sainte Bourque, et son cri de ralliement à laquelle j’ajoute ma voix «F’sons l’Acadie gay again». Je m’inspire de Fierté Dragons, un groupe étudiant de l’Université de Sainte-Anne qui a marché et acadianisé le Halifax Pride Parade. Je remercie Dany Sossoadouno, un collègue à Rivière de la fierté qui m’a accompagné à la présentation d’un conférencier autochtone sur la bispiritualité, une soirée d’information organisée par UBU Atlantic: Transgender Support and Action Group et d’autres réunions importantes pour notre région. Je salue Olivier Hébert, que j’ai rencontré dans le réseau jeunesse, et que je vois maintenant s’engager au sein du mouvement étudiant queer et trans à Fredericton. Je me souviens de la FJFNB, pour sa campagne Libérons les couleurs – en 2012, je vous écoutais. J’admire sans réserve Chantal Thanh Laplante, une travailleuse sociale de Shédiac qui démontre un grand leadership attentionné à Rivière de la fierté et, auparavant, Un sur dix / Prisme.
Enfin, il y a l’équipe de bénévoles dont je fais partie qui fait fonctionner Rivière de la fierté, l’organisme LGBTQ+ qui présente la Semaine de la fierté du Grand Moncton. Cette grande manifestation regroupant le sport, les arts, la vie nocturne, la sensibilisation et les activités jeunesse comprend 25 activités grand public ayant lieu du 19 au 26 août. J’invite l’Acadie à appuyer cet organisme qui a un grand potentiel et à donner une voix à ses membres. J’invite les LGBTQ+ à s’approprier cette Semaine de la fierté et à y participer. Injectons-la de nos expériences et de nos souhaits.
J’ai connu ce que ça veut dire d’être un Acadien convaincu. J’ai connu ce que ça veut dire d’être un queer convaincu. Continuons à pousser, car je veux connaitre ce que ça veut dire d’être convaincu d’une Acadie queer.
À propos…
Charles MacDougall est un jeune adulte installé à Moncton depuis 2012, bien qu’il soit originaire de Greenwood. Cet ancien président du Conseil jeunesse provincial était pendant longtemps un mordu du secteur associatif en Acadie et semble maintenant digérer ce que voulait dire son expérience. Aujourd’hui, il met bien à l’épreuve son baccalauréat en Gestion du loisir en étant membre de trois équipes : le Festival Frye, le FICFA et Rivière de la fierté. Acadien queer souvent à vélo, Charles passe son temps libre à pratiquer le water-polo, jouer aux jeux de société et dévorer des romans.