À dimanche prochain : une coproduction historique – Sandrine Duval

À dimanche prochain. Richard Lee, Thomas Margan Jones, Gabrielle Houle [texte], Maurice Arsenault [traduction], Thomas Morgan Jones [mise en scène], Fredericton, Theater New-Brunswick et Théâtre populaire d’Acadie, 2016. [Edmundston, 9 novembre 2016].

À dimanche prochain ou A Sunday Affaire est une pièce de théâtre qui se distingue des autres produites au Nouveau-Brunswick. Cette pièce a le mérite d’être la première coproduction néo-brunswickoise entre deux compagnies dont l’une est francophone, le Théâtre populaire d’Acadie (TPA), et l’autre est anglophone, le Theater New-Brunswick (TNB). Pourquoi est-ce la première, et pourquoi maintenant? Ces questions s’imposent et nous allons tenter d’y répondre à partir de la représentation du 9 novembre dernier à Edmundston, qui a eu lieu en français, et d’un entretien avec les acteurs. Nous allons discuter des choix artistiques et de leur relation avec cette nouvelle tentative de coproduction francophone et anglophone.

L’histoire de la pièce est plutôt simple. On retrouve un prêtre, Père Thomas, qui rêve de sauver une âme par la confession. Joséphine est la seule personne à se rendre à son église le dimanche. Cette jeune femme, qui rêve d’amour et de mariage, tombe amoureuse du Père Thomas, mais cet amour est malheureusement impossible. Nos deux personnages vont donc se rencontrer le dimanche pendant toute leur vie. Au cours de ces rencontres hebdomadaires, ils entretiennent une relation platonique où chacun poursuit son rêve. Par contre, ils ne peuvent se donner ce qu’ils veulent. L’idée d’écrire une pièce sur un prêtre et une jeune femme qui rêve d’amour vient de la chanson Eleanor Rigby des Beatles. Certaines différences distinguent la version française de la version anglaise. Les acteurs ont expliqué que dans la version en français les deux personnages sont francophones et, dans la version en anglais, le prêtre demeure francophone et Joséphine est anglophone.

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Crédit photo : Matt Carter.

Le jeu des acteurs est important dans une pièce comme celle-ci. Étant donné que le texte est principalement composé de didascalies, la pièce se passe majoritairement en mime. Les mimes sont idéals pour une coproduction entre francophone et anglophone, car ils permettent à tous de comprendre sans modifier la pièce, malgré une courte période d’adaptation au début. Les deux acteurs étaient des plus expressifs et leur jeu était impeccable. Le comédien Mathieu Chouinard nous explique que «le message passe plutôt par le corps que par le texte». Les textes peu nombreux pouvaient sembler un peu aléatoires au début, mais ils étaient particulièrement efficaces à la fin.

Également, la mise en scène était sobre et ce choix soulignait élégamment cette coproduction. La «pauvreté» de la pièce permettait de mieux voir les expressions des acteurs, qui étaient essentielles. Le décor et l’éclairage sont le fruit du travail de Kaitlin Hickey. En arrière-plan se trouvait un magnifique assemblage de parapluies blancs illuminés de différentes grandeurs sur fond noir. Cet assemblage ajoutait un joli effet de profondeur à la scène. Les acteurs disposaient également d’un tapis de jeu divisé en trois sections. La section de gauche représentait la maison du père Thomas, celle du centre représentait l’église et la section cour représentait la maison de Joséphine. L’espace demeurait le plus libre possible. L’éclairage était plus simple encore, car il imitait le jour et la nuit.

Les costumes étaient de Sherry Kinnear. Habillé de noir avec un col blanc, le père Thomas avait un costume des plus efficaces ; on comprenait immédiatement qu’il est un prêtre. Joséphine, quant à elle, portait une robe rose qui semblait sortie d’un autre temps. Aucun des personnages n’a changé de costume au courant de la pièce. La musique, composée par Jean-François Mallet, était particulièrement importante. Elle prenait part à la pièce comme un troisième personnage. Ce qui a fait tout le brio de la musique, principalement jouée au piano, c’est sa coordination avec les acteurs. Tous ces éléments de mise en scène étaient donc simples. Ce choix d’assumer un théâtre «pauvre» jusqu’au bout permettait à l’auditoire de se concentrer sur les comédiens. C’est important dans une pièce comme celle-ci où tous les messages doivent passer par les acteurs, faute de mots. Ainsi, la sobriété de la pièce est reliée au choix de faire cette coproduction entre francophones et anglophones.

Crédit photo : Matt Carter.

Crédit photo : Matt Carter.

Examinons la réception de la pièce en fonction de la langue dans laquelle elle a été performée. Du côté anglophone, cette tournée était la première en 15 ans. Les spectateurs, enthousiastes, étaient reconnaissants et heureux d’avoir la chance d’écouter cette pièce. Ils ont perçu la fin comme étant dramatique. Du côté francophone, le public est habitué aux tournées étant donné qu’elles font partie du mandat du TPA. Le public était donc là pour être séduit. Également, la fin de la pièce n’a pas été perçue de la même manière. Pour les francophones, elle n’était pas seulement dramatique, mais également comique. En somme, selon les acteurs, la pièce a été bien reçue partout. Il est important de comprendre que les deux versions de cette pièce ont été produites simultanément par la même équipe de production et les mêmes acteurs.

En résumé, la pièce À dimanche prochain est une coproduction historique entre le TPA et le TNB. Cette coproduction est étonnante lorsqu’on songe aux pièces manichéennes qui s’écrivaient en Acadie et à la division complète qui existait entre les communautés de théâtre francophone et anglophone jusqu’à récemment. Par contre, on peut voir toute l’évolution qui s’est faite pour mener à cette pièce. Celle-ci est parfaite pour briser la glace entre ces deux mondes du théâtre néo-brunswickois. Elle a été écrite, jouée, et mise en scène par des francophones et des anglophones. En plus, ce sont les mimes qui sont importants et non la langue, un aspect que toute la mise en scène vient renforcer. Grâce à ces éléments et aux efforts de toute l’équipe, la pièce a été un succès à travers tout le Nouveau-Brunswick.

À propos…

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Sandrine Duval est originaire d’Edmundston, mais elle ne se considère pas comme une «vraie Brayonne», car elle n’a jamais attrapé l’accent local. Elle est actuellement en deuxième année du baccalauréat à l’Université de Moncton, campus d’Edmundston, et elle très impliquée dans la vie universitaire. Elle désire poursuivre ses études en littérature.

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