Comment je me suis intégrée, ce qui m’a fait rester et ce qui me fera partir – Pauline Abel

Je suis venue à Moncton en 2012 un peu par hasard. Disons que je n’ai pas choisi spécifiquement cette ville. Je cherchais une autre expérience à l’international. Des postes étaient ouverts au Canada et c’est la Société Nationale de l’Acadie qui m’a prise à la suite d’une entrevue. Je n’avais jamais entendu parler de l’Acadie, du Nouveau-Brunswick et encore moins des Canadiens francophones hors Québec. J’ai donc accepté avec joie d’aller passer un an sur cette terre inconnue. J’ai bien mis 6 mois à m’adapter. Outre le fait que c’était ma première année en tant que non-étudiante et que je suis de nature assez réservée, plusieurs autres facteurs en ont fait un parcours assez tumultueux : je ne m’étendrai pas sur les difficultés de se déplacer en transports en commun, les différences culturelles trompeuses et le prix exorbitant des fruits et légumes! Il m’a fallu passer une bonne grosse crise de choc culturel, de rejet et de repli sur moi-même pour aujourd’hui me sentir en accord avec la culture acadienne et francophone de la région. Comme quoi, c’est en forgeant qu’on devient forgeron.

1. Pourquoi suis-je restée ici?

Alors oui, je pourrais vous parler des heures de la beauté des forêts, des rivières, de la tranquillité de la ville, des fêtes, des amis et de la gentillesse des habitants, mais je ne le ferai pas dans ce texte. En fait, passer un an avec la SNA m’a directement plongé au cœur des problématiques socioculturelles des Acadiens et des francophones. Et peu importe le peuple, le pays et la langue, j’aime être au cœur de l’action et découvrir les panoplies d’événements historiques, les liens entre les populations et les divers enjeux que vivent les cultures du monde. Je me suis donc attachée à cette histoire acadienne. J’ai tissé des amitiés avec des gens de mon âge, j’ai compris au fur et à mesure les sous-entendus, les références culturelles, et je pense même pouvoir depuis peu saisir un peu de la mémoire collective…

Cette première année m’a permis d’avoir un réseau professionnel et j’ai pu décrocher le meilleur emploi de ma courte vie, à la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick. En tant qu’immigrante, je pense que je n’aurai pas pu tomber mieux pour m’intégrer et me sentir chez moi, ici au Nouveau-Brunswick. On m’a donné la chance de participer entre autres au développement culturel des jeunes chanteurs et musiciens de la province, et ça, c’est vraiment gratifiant et passionnant. Je ne peux que me sentir plus proche de cette terre d’accueil. Je me sens impliquée, utile, proche des réalités d’une partie de la population. Voilà pour moi des énormes facteurs de mon intégration et de mon envie de rester.

Je n’ai pas d’enfant et je suis en bonne santé.  J’ai un emploi stable, correctement payé. J’ai le temps de m’impliquer dans ma communauté, j’ai des loisirs, une voiture, un appartement convenable. J’ai un réseau d’amis canadiens et internationaux. Bref tout est équilibré pour l’instant. Sauf que… même si je semble être la candidate idéale à l’immigration, il y a un gros hic. Un gros hic que les politiciens ne semblent pas comprendre partout sur la planète.

2. Pourquoi un jour je risque de partir :

J’ai un utérus et j’ai envie d’être mère un jour. Ce qui fait qu’il se peut que j’aie des enfants d’ici 5 à 10 ans environ.

Ce projet de vie, qui concerne pas mal de monde, me tord les tripes quand je me projette le faire ici. Moi, jeune cadre émancipée, serai-je prête et aurais-je les moyens de payer la moitié de mon salaire tous les mois à une garderie, et ce si j’ai la chance de trouver une place? Là il y a un gros hic. Là je pense au Québec et aux plus grandes villes. Car la situation des services de garde dans la province est désastreuse. Le système pénalise les femmes, les papas, les enfants, la société tout entière. Ce n’est pas un qu’un problème d’immigrants, c’est un problème pour tous les Néo-Brunswickois, je pense. J’ai changé de pays pour m’offrir une vie meilleure, plus riche. Je ne resterai pas dans un endroit qui mettra des barrières à ma maternité, à une chose qui me semble être essentielle à ma liberté.

Je suis immigrante, flexible, prête à faire des sacrifices et j’ai les mêmes préoccupations que n’importe quel être humain au monde. Je veux m’assurer une bonne qualité de vie à moi et mes futurs enfants. Et si je ne peux pas trouver ceci, si mes implications dans la communauté ne changent pas les choses assez vite, je n’hésiterai pas encore une fois à me déraciner pour aller me nicher ailleurs. Après tout, c’est ce que font tous les êtres humains du monde. On trouve toujours un plan B. Mais y a t’il une province plan A?

Je ne suis pas là pour améliorer les chiffres concernant la démographie du Nouveau-Brunswick, et je ne suis pas là pour être votre bouc émissaire quand tout ira mal. Je veux le meilleur pour moi-même, mes futurs enfants, mes amis, ma communauté dite d’adoption.

Je souhaite que les services de gardes de la province ne me fassent pas partir…

À propos…

abel-paulineOriginaire de Normandie en France, Pauline est agente de projets culturels à la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick (FJFNB) depuis presque 4 ans. Elle fait partie du conseil d’administration du regroupement féministe du Nouveau-Brunswick (RFNB) depuis mai 2016. Diplômée en langues étrangères appliquées au commerce international, elle termine sa maîtrise en analyse de crise et action humanitaire en 2011 lors d’un stage au Pérou avec une ONG qui promeut les droits des femmes et l’autonomisation de celles-ci par le travail.
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