Arthur Comeau. Prospare [CD], Moncton, P572, 21 août 2015.
Ces temps-ci, il commence à faire plus chaud et nos choix musicaux deviennent moins mellow et plus énergisants. Paru en août 2015, Prospare, le deuxième album solo d’Arthur Comeau, sert parfaitement, en surface, de trame sonore du passage au printemps et à l’été qui arrive à grands pas. Il nous fait rêver à ces soirées de camping entre amis sur le bord de l’eau. En profondeur, on perçoit un sentiment de gratitude chez Arthur Comeau, qui semble avoir trouvé sa vérité, son chez-soi ultime sur cette plage. Nul besoin de rêver : il y est et décide d’y rester. Après avoir passé quelque temps à Montréal, Arthur Comeau rentre à la maison. Certains disent que cette obsession milléniale avec l’authenticité, c’est de la merde. Mais dans un monde de comptes instagram entretenus à fond, ainsi que de politiciens et hustlers obsédés par l’image de marque, Prospare dégage un parfum de fraîcheur.
Néo-Écossais, Arthur Comeau revient chez lui dans Prospare et est clairement serein. Deuxième d’une trilogie, suivant ¾, le nouvel album semble plus focusé, épuré et relax. Prospare ressemble de plus près à la chanson « Land of the Rising Sun » de l’album précédent (à ne pas confondre avec la chanson du folklore du Sud états-unien). On passe de quelque chose qui « sonne comme un demo », dans « Gouvernement du Moment » de ¾ à quelque chose de « mixé » pour que « ça sonne comme les États », tel qu’énoncé dans « Y disont ». Ceci se remarque dans la fluidité et la qualité de l’album, avec sa liste de pièces moins répétitives et moins abrasives que ¾.
Avec dix chansons et une trame bonus sur l’album, on passe une bonne heure avec Arthur Comeau. On y trouve une imagerie de bord de mer et de découverte de soi dans les paroles ; l’album fait toutefois contraste au folk associé au bord de mer en se plaçant clairement dans la veine du hip-hop électro expérimental. On remarque l’influence de Kanye West et les jeux de voix similaires à ceux de 808s & Heartbreak. On perçoit aussi un clin d’œil à la guitare légère typique de Mac Demarco. Ce mélange fait sortir Prospare de l’ordinaire.
La voix d’Arthur Comeau n’est pas des plus plaisantes, mais n’enlève rien à l’attrait principal de Prospare : les beats et la musique. On se rend compte, chanson après chanson, que l’album ne ressemble à rien d’autre musicalement, au point où c’en est déstabilisant à la première écoute.
Une autre vertu de l’album est qu’il reflète énormément l’esprit du temps en rappelant de vivre dans le moment présent (« Ocean Mudder »), en parlant de la gratitude (« Prospare ») et de la découverte, par l’artiste, de son identité singulière (« Y disont »).
Toutefois, pour vraiment comprendre le sens de ce qui est dit, il faut consulter le carnet des paroles. Celui-ci est également utile si on souhaite confectionner du gin japonais maison, puisqu’il contient quelques recettes de moonshine tapées à la dactylo entre les paroles de « Ocean Mudder » et de « Pour tout l’argent du monde ». Je ne les ai pas essayées, mais si vous avez des bananes et des raisins secs, la recette de champagne a l’air pas pire. (Je blague! N’essayez pas de recettes de moonshine si vous voulez garder la vue…)
Voici un excellent album et je ne serais pas surprise s’il était au moins retenu pour la longue liste du prix Polaris. Les airs de Prospare sortent de l’ordinaire mainstream tout en restant plaisants et entraînants. On apprécie aussi le contraste entre l’énergie entraînante de la musique et les paroles qui évoquent une vie sereine sur le bord de l’eau. Dans cet album grandement représentatif du zeitgeist millénaire, Arthur Comeau trouve son authenticité et on y croit.
À propos…
Franco-ontarienne d’adoption, Catherine Welsh est esclave du 9 à 5 et passionnée de musique, télé, bouffe et blogues de lifestyle. Elle a deux chats, un mari et habite à Ottawa.