Comme toujours, au Nouveau-Brunswick, les questions de langue nous divisent. J’ose croire que cette division mène à la réflexion et à l’ouverture d’esprit et non au retranchement dans nos positions.
Je suis, personnellement, right fier! du slogan des Jeux de la francophonie canadienne 2017, et ce, pour une variété de raisons.
D’abord, parce que ce sont des jeunes qui l’ont choisi. Ils ont eu le courage de choisir un slogan qui leur ressemble, malgré la controverse inévitable qui allait suivre. Cette décision démontre non seulement que la jeunesse acadienne du sud-est du Nouveau-Brunswick a le courage de ses convictions, mais aussi que les Jeux, comme institution importante de la francophonie canadienne, sont réellement «par et pour les jeunes».
Ensuite, parce que ce slogan nous ressemble, Acadiens du sud-est. Certains commentaires que j’ai vus hier et ce matin affirment que le slogan n’est pas approprié parce qu’il ne représente pas tous les francophones du Nouveau-Brunswick. Cette perception fait fausse route. Ce ne sont pas les Jeux du Nouveau-Brunswick, mais bien ceux de Moncton et de Dieppe. L’invitation que le slogan lance n’est pas celle du Nouveau-Brunswick, mais bien celle que les jeunes de notre région lance aux autres jeunes de la province et de partout au pays. Doit-on avoir honte de la manière dont nous parlons? Doit-on les inviter à venir célébrer avec nous autrement?
D’autre part, c’est un fait que nous sommes reconnus pour l’utilisation de l’expression right pour mettre l’accent sur des mots ou émotions. Au cours de la dernière décennie, j’ai eu l’occasion de participer à des événements partout en francophonie canadienne. J’ai vu et entendu les gens de ma région s’exprimer ainsi et être reconnus pour ce parler. Contrairement à ce que j’ai entendu à la radio ce matin, personne n’a besoin d’explications pour comprendre ce que veut dire «Right fiers!». C’est un trait distinctif de notre région, un trait contagieux qui fait sourire ceux qui viennent d’ailleurs. En voyant le slogan, les jeunes de la francophonie canadienne sauront que les Jeux se tiennent en Acadie.
Il faut aussi rappeler la nature même de l’événement. Les jeunes qui y participent proviennent de toutes les régions du pays et d’une variété d’origines. Le français n’est pas nécessairement leur langue première. Pour plusieurs, les Jeux et le processus qui mène à ceux-ci est une chance unique de faire du sport en français, ou de participer à des activités culturelles en français à l’extérieur de l’école. Les Jeux se veulent un événement inclusif et rassembleur et le slogan devrait contribuer à cette vision. En voyant le slogan, les jeunes participants sauront qu’ils sont les bienvenus ici, peu importe leur niveau de langue ou leur accent. En étant fiers de notre français moins que parfait, nous démontrons à ceux qui débutent à peine dans notre langue et à ceux qui ne se sentent pas toujours confortables dans leur langue qu’ils peuvent être fiers de leur différence.
Le but des Jeux n’est pas d’être l’école en juillet, mais d’être une expérience différente de l’école, différente de ce que les jeunes connaissent chez eux. Les Jeux veulent montrer que le sport, les arts et le leadership peuvent se passer en français et être tout aussi agréables. En se comportant comme l’Académie française, qui décide de ce qui est bon et qui ne l’est pas, nous excluons des centaines de jeunes. En étant moralisateurs, nous décourageons les jeunes à développer un sentiment d’appartenance fort à leur communauté, qu’elle soit d’accueil ou d’origine.
Right fiers!, c’est d’abord et avant tout, à mon sens, une invitation à être soi-même, sans filtre ni artifices, peu importe son accent ou son origine. À exprimer haut et fort notre fierté envers notre langue et notre communauté, peu importe ses défauts. Est-ce le slogan parfait? Probablement pas. Mais il rendra les Jeux d’autant plus accessibles à ceux qui en ont le plus besoin.
Ce sont ces jeunes, ceux qui sont à la limite du décrochage communautaire et linguistique, ceux qui se disent que l’effort n’en vaut pas la peine ou qu’ils ne seront jamais assez bons en français pour être acceptés, que les Jeux vont raccrocher à notre communauté en leur faisant comprendre que leur appartenance n’est pas dépendante à un niveau de langue.
Les Jeux permettent aux jeunes de voir un autre côté de leur monde, de briser leur isolement, de comprendre leurs origines et de faire tout cela en français. Je suis right fier de cette contribution essentielle à la francophonie canadienne.
Enfin, pensons à nos voisins du Québec, que nous regardons si souvent d’un mauvais œil en raison de leurs commentaires sur notre accent et notre parler. Ce n’est pas en tentant de se conformer à leur standard arbitraire, celui qui accepte «full cool» comme les Français acceptent «week-end» et «shopping», que nous prendrons notre place. C’est en acceptant que nous sommes différents et que notre différence a une valeur. Le français «parfait» n’existe pas, c’est une langue en constante évolution qui gagne à être transformée et adaptée.
En tant qu’ancien président de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick et de la Fédération de la jeunesse canadienne-française, en tant que jeune moi-même qui tient à sa communauté, en tant que personne qui a choisi Moncton pour vivre, je suis right fier de voir que les jeunes ont choisi de se tenir debout et d’être fiers de leur langue, la langue de chez eux. Et je rappelle que ce n’est pas parce que ces jeunes sont «right fiers» dans un événement jeunesse, qu’ils ne seront pas capables d’être très, extrêmement, vraiment, énormément ou admirablement fiers lorsque l’occasion sera appropriée.
J’ai hâte à 2017 et j’ai hâte d’accueillir chez nous des centaines de jeunes qui repartiront grandis et, je l’espère, un peu plus fiers d’eux-mêmes et de leur langue.
À propos…
Alexis Couture est un avocat de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Longtemps engagé dans le réseau jeunesse de la francophonie canadienne, il a notamment été président de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick et de la Fédération de la jeunesse canadienne-française. Ancien de l’Université de Moncton, il continue à s’engager au sein de différentes causes liées à l’Acadie et à la francophonie canadienne, tant aux niveau local et régional que national.
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Benoit Duguay, tu as droit à ton opinion mais je trouve extrêmement regrettable que tu te permettes des propos méprisants en parlant de verbiage. Cela n’aurait pas de conséquence s’il n’y avait pas le vécu personnel des humiliations liées aux remontrances sur le langage souvent faites précisément sur un ton condescendant. En prenant ce ton, tu t’assures (on dirait ici tu fais sur) que ceux que ça touche ne reconnaîtront aucune valeur à ton opinion, pour eux reflet d’un passé dépassé. C’est une erreur fondamentale de communication. On a fait dans passé une grande erreur en méprisant les indiens pour leur culture et en méprisant les acadiens pour leur culture. Vous direz que ce n’est pas la même chose mais, à mon avis, le vécu psychologique est le même. Les jeunes ont le droit de parler 3 langues, la leur et l’anglais et le français. Traiter le chiac avec mépris n’est pas une façon de motiver les jeunes à apprendre une langue plus universelle qu’est le français. Pour les acadiens dont la première langue est le chiac, il faut comprendre que c’est la langue qui véhicule leurs émotions les plus profondes, émotions qui furent leurs premières émotions. Le mépris est douloureux et antipédagogique.
M. Couture, Duguay, Beaudry, Dani, et compagnie,
Bien qu’on puisse être sympathique au parlé régional du Sud-Est de l’Acadie, et de la richesse générale qu’apporte la diversité des accents régionaux à la francophonie, il semble que vous ne réalisiez pas la nature des enjeux entourant le choix du slogan pour les Jeux de la Francophonie. En effet, cet enjeu n’a strictement rien à voir avec l’insécurité linguistique des Acadiens du Sud-Est du Nouveau-Brunswick ou autres préoccupations linguistiques locales. En deux mots, il faut arrêter de se regarder le nombril et assumer les moments où on représente quelque chose qui nous dépasse, l’idée étant ici la Francophonie mondiale. En d’autres mots, en acceptant la responsabilité d’organiser un tel évènement public pour et au nom de la Francophonie, on hérite de responsabilités qui dépassent largement notre expérience et nos préoccupations quotidiennes et qui ont plutôt à voir avec l’affirmation et la projection de cet ensemble social et linguistique internationale réunissant des gens du Canada, d’Amérique du nord, des Caraïbes, de l’Afrique, de l’Europe, d’Asie, etc. Les Jeux qui auront lieu à Moncton sont une vitrine pour la Francophonie mondiale – c’est-à-dire pour faire la promotion du français comme langue de partage à l’échelle mondiale et non pas pour rappeler comment ont peu parler le français en mélangeant deux langues parce que c’est amusant ou plus joli, ou qlq autre raison – d’autant plus si on mélange la langue qui représente la principale menace d’assimilation! Merde! C’est comme si on organisait le sommet de la Francophonie à Québec et que le slogan était: « Câlisse qu’on a du fun! » Quelle absence de compréhension des enjeux politiques et linguistiques actuels à l’échelle mondiale! Et quel nombrilisme!! On ne peut probablement pas blâmer les jeunes gens qui ont proposé un tel slogan, mais il y a clairement des gens qui, au sein de l’organisme qui supervisait ce choix qui n’ont pas fait leur travail. Honte à eux.
100% d’accord avec ton propos Felix!
Daniel..relis bien mon texte…le verbiage dont je parle, c’est le discours d’Alexis sur l’importance des jeux….tout le monde est d’accord, et je le suis fortement aussi, que les Jeux de la Francophonie sont importants et qu’ils soient tenus dans notre région. Pas besoin d’en débattre, selon mon humble avis. Ne perdons pas de vue l’essence du débat soulevé par ce slogan…tu penses vraiment qu’en rejetant les arguments d’Alexis qui traitent de moralisateurs ceux et celles qui tiennent au « français » et non au « franglais », c’est humilier les jeunes…surtout dans un contexte ou le symbole dépasse de loin des deux mots qui forment ce slogan? Et s’en prendre aux arguments d’Alexis Couture, ce n’est pas s’en prendre aux jeunes. Les personnes qui avaient la responsabilité de finaliser le slogan pour représenter les jeunes participant à ces Jeux dont l’image dépasse les frontières dieppoises et monctonniennes sont des jeunes professionnels, pas des adolescents….et c’est de cela qu’il faudrait
aussi s’inquiéter pour l’avenir des jeunes….le message qui en ressort.
J’ai oeuvré professionnellement dans le monde de la psychologie et sur cette base, je donne entièrement raison aux propos d’Alexis Couture. Son argumentaire tient très bien la route. Puisque nous serons bientôt participants aux Jeux de la Francophonie, je prédis que ce Couture va remporter une victoire éclatante.
Mon ami Alexis…beaucoup de verbiage pour défendre le principe des jeux. Le débat ici ne portent pas sur le bien-fondé des jeux pour rassembler et nous faire grandir, mais sur le principe de l’identité linguistique et culturelle….sur le respect et la beauté de la langue française qui a tout ce qu’il faut pour exprimer les émotions d’un rassemblement comme celui-là….en même temps sur la responsabilité de ceux et celles qui touchent des salaires payés par les contribuables pour éduquer….et éduquer, ce n’est pas faire la morale….avec l’image de l’Acadie que projette ce slogan, il faudra de nouveau se mettre à expliquer aux Québécois, par exemple, qui nous demandaient, dans les années 1960 et 1970, si on parlait français en Acadie…il faudra de nouveau leur expliquer qu’en Acadie, nous n’avons pas l’eau courante, mais nous avons les toilettes dans les maison.
Mais de quoi parlez au juste en énonçant « le courage de ses convictions »? Le courage du nivellement par le bas et de l’anglicisation volontaire? Ça n’a aucun allure comme argumentaire, surtout dans le contexte d’un slogan pour un évènement public et francophone.
C’est ce genre de dérapage qui se produit lorsqu’un peuple devient colonisé linguistiquement et que la langue de rue s’officialise. Je trouve ça triste et honteux pour la jeunesse derrière le comité organisateur des jeux de la francophonie canadienne. Vous ne donnez certainement pas un bon exemple à suivre pour le reste de la francophonie minoritaire au Canada. RYM
Bravo! Une très belle pièce! J’ai les même sentiments quant ça vient au vocabulaire et la perception des ‘niveaux’ de langues, quand ‘shopping’ pi ‘stop’ sont accepté comme le français! J’adore mon accent et j’adore notre vocabulaire.
Votre passage me donne un coup de cœur! « Ce sont ces jeunes, ceux qui sont à la limite du décrochage communautaire et linguistique, ceux qui se disent que l’effort n’en vaut pas la peine ou qu’ils ne seront jamais assez bons en français pour être acceptés, que les Jeux vont raccrocher à notre communauté en leur faisant comprendre que leur appartenance n’est pas dépendante à un niveau de langue. »
Merci