Un 25 septembre tout en lumière! – Véronique Arseneau  

À quoi ça sert d’être billant si t’éclaires personnes? Lisa L’Heureux et Gabriel Robichaud [conception et mise en scène], Ottawa, Théâtre français du Centre national des arts, 2015 [représentation du 25 septembre].

Les 25 et 26 septembre dernier, à l’occasion du 400e anniversaire de présence française en Ontario, du 40e anniversaire du drapeau franco-ontarien et du 5e anniversaire de la Journée des Franco-Ontariens, le Théâtre français du Centre National des Arts (CNA), en collaboration avec CNA Présente, a mis sur pied une soirée rendant hommage à la culture franco-ontarienne. Conçue et mise en scène par Gabriel Robichaud et Lisa L’Heureux, deux Franco-Ontariens d’adoption, la soirée mélangeait « la parole, la poésie, la musique de ceux qui continuent d’être jeunes et de ceux qu’on veut voir vieillir longtemps[1] ».

Ce n’était pas la première fois que Gabriel Robichaud organisait un évènement littéraire de ce genre. Depuis 2014 (lors du Congrès Mondial Acadien), il a présenté un spectacle similaire intitulé « Anthologie diasporeuse » à plusieurs reprises, notamment à Edmundston, Ottawa, Montréal, Barachois et, plus récemment, à Québec dans la toute nouvelle Maison de la littérature. Cet évènement proposait un parcours de la poésie acadienne de sa création à nos jours.

Le programme de la soirée franco-ontarienne était tout aussi chargé : on y retrouvait pas moins d’une douzaine d’artistes franco-ontariens, dont Andrea Lindsay, Stef Paquette, Mehdi Hamdad et le groupe Pandaléon, qui assurait l’accompagnement musical de la soirée. Le spectacle comportait également la lecture de textes d’une quinzaine d’auteurs, dont Éric Charlebois, Tina Charlebois, Jean Marc Dalpé, Patrice Desbiens, Robert Dickson, Brigitte Haentjens, Sonia Lamontagne et Michel Ouellette. Sur la scène, cinq interprètes (Nicolas Desfossés, Céleste Dubé, Anie Richer, Gabriel Robichaud et Pierre Simpson) donnaient une nouvelle vie aux textes choisis.

A quoi ça sert - Crédit Théâtre français du Centre national des arts

Crédit photo : Théâtre français du Centre national des arts.

Dans tout ce mélange d’auteurs, de voix et de musiques, c’est l’exploration du territoire, passant « [d]e Sudbury au marché By[2] », qui était mise de l’avant, une thématique qui favorise d’emblée les auteurs masculins. Toutefois, dans le Cahier SEPT du Théâtre français du CNA, L’Heureux et Robichaud notent un changement à cet égard :

Si on se fie à nos recherches, l’écriture du territoire, il y a une quarantaine d’années, était surtout concentrée du côté des auteurs masculins […]. Reste qu’aujourd’hui, parmi les jeunes plumes, on voit apparaître une appropriation forte du territoire du côté des femmes […]. C’est un constat qui […] nous a beaucoup plu. Leur façon de s’approprier le territoire, d’en faire le leur, d’en rire, de l’aimer, de le décrier parfois, dans une langue qui leur est propre, forgeant un Ontario à leur image[3].

Comme je connaissais déjà les poèmes-phares de Dalpé, Desbiens et Dickson, ce sont surtout les extraits tirés des recueils de Tina Charlebois, de Sonia Lamontagne et d’autres poètes récents qui m’ont charmée lors de cette soirée. Je dois avouer qu’au départ, je n’avais aucune attente face à cet évènement musical et littéraire. Pourtant, c’est en voyant la salle comble, remplie de sourires de tous les âges, que j’ai compris : lors de cette véritable « réunion de famille » (comme plusieurs ont décrit la soirée), on pouvait voir chez les spectateurs une fierté d’être présents, de vivre ce moment ensemble et, surtout, « de ne pas se taire », de vibrer au son de la musique et de la poésie franco-ontarienne, le temps d’une soirée à Ottawa.

Gabriel Robichaud et Lisa L’Heureux ont réussi à combiner avec brio des dizaines de poèmes et de chansons dans un spectacle d’un peu plus de deux heures, sans pause, qui a laissé les spectateurs à bout de souffle. À la toute fin du spectacle, la scène s’illumina graduellement, jusqu’à ce que les cinq interprètes nous éclairent, un clin d’œil bien réussi au titre de la soirée, « À quoi ça sert d’être brillant si t’éclaires personne[4] ».

[1] S. a., « À quoi ça sert d’être brillant si t’éclaires personne », programme officiel, Prélude, Centre National des Arts, Ottawa, automne 2015, p. 2.

[2] Ibid.

[3] Lisa L’Heureux et Gabriel Robichaud, « L’Ontario de notre tête », Cahier SEPT : Les cahiers du Théâtre français, vol. 12, no 7, automne 2015, p. 10-11.

[4] Tiré d’un poème de Patrice Desbiens qu’on retrouve dans l’un de ses plus récents recueils, Les abats du jour (2013).

À propos…

Véronique ArseneauVéronique Arseneau est originaire de Bathurst, au Nouveau-Brunswick. Passionnée de littérature franco-canadienne et de tout ce qui touche de près ou de loin à l’Acadie, elle trippe sur Les Hay Babies, la râpure au poulet et les roadtrips. Elle est étudiante à la maîtrise en lettres françaises à l’Université d’Ottawa.

Une réponse à “Un 25 septembre tout en lumière! – Véronique Arseneau  

  1. Félicitations Véronique Arseneau. Texte dont j’apprécie le lyrisme mais admirable pour la façon dont vous entretenez le suspense quant au titre…jusqu’à la dernière ligne. Merci.
    merci aussi à Astheure.

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