Powning, Beth. La femme du capitaine, trad. de Sonya Malaborza, Moncton, Perce-Neige, coll. « Littoral », 2014 [2010], 440 p.
C’est en observant les tablettes des Éditions Perce-Neige exposées au Salon du livre de l’Outaouais en février dernier que j’ai remarqué La femme du capitaine pour la première fois. Perdu entre les incontournables de la poésie acadienne et les nouveautés de la maison d’édition monctonienne, ce livre de Beth Powning sortait du lot : un roman de plus de 400 pages, traduit de l’anglais par Sonya Malaborza. Toujours intriguée, je me suis plongée quelques mois plus tard dans l’univers de Powning et, par la même occasion, dans celui de Malaborza.
La femme du capitaine se déroule en 1860 aux abords de la Baie de Fundy, plus précisément à Whelan’s Cove qui, comme l’annonce l’incipit, est « un lieu de départ » (p. 13). Dans cette petite communauté néobrunswickoise, tout tourne autour du vent marin et de l’appel du large. Azuba Galloway-Bradstock, jeune épouse d’un capitaine de voilier, rêve depuis toujours de mettre les voiles et de partir à la découverte des ports marins et des trésors cachés au-delà de l’horizon. Depuis sa tendre enfance, cette jeune femme observe sans relâche les navires marchands construits par son père disparaître dans la brume de la Baie de Fundy. Après avoir convaincu son mari, Nathaniel, de la laisser, ainsi que leur jeune fille Carrie, partir en mer avec lui, Azuba croit que son rêve se réalise enfin. Malheureusement pour elle, son mari est un homme solitaire, de peu de mots, et ne semble pas vouloir passer du temps en famille sur son navire, Le Voyageur. Très préoccupé par ses obligations de capitaine, il est froid et distant.
À cause de cette relation plutôt silencieuse avec son mari, Azuba tente d’occuper le temps qui passe lentement dans sa petite cabine étroite. Très rapidement, le roman devient beaucoup plus introspectif pour traduire l’attente. Les longueurs sont nécessaires dans ce roman raconté comme s’il était le carnet de voyage d’Azuba. Orages, tempêtes, mutineries, rationnement de la nourriture, quotidien dans la cabine et sur le pont, rien n’est oublié dans la narration. C’est avec toute cette série de péripéties en mer qu’Azuba, Nathaniel et Carrie vont enfin se rapprocher et devenir une véritable famille.
En suivant Azuba et les passagers du Voyageur de Hong Kong à San Francisco, on apprécie non seulement les nombreux ports de mers et paysages marins qui y sont décrits, mais on redécouvre également le paysage du littoral néobrunswickois : les célèbres pots de fleurs de la Baie de Fundy, sa brume, ses falaises… Tout en suivant les pensées d’Azuba pendant le récit, ses descriptions du quotidien d’antan et des paysages de son enfance nous transportent dans une autre époque.
Cet excellent roman de Beth Powning a, dans la version originale, remporté le Barnes and Noble Discover Award Book et a été mis en nomination pour le International IMPAC Dublin Literary Award. Il ne faut toutefois pas oublier de mentionner le travail remarquable de Malaborza en tant que traductrice. La langue du récit est riche et variée; elle ajoute de l’authenticité au roman, surtout par le biais des nombreux dialogues avec des personnages venus des quatre coins de la planète. On rencontre, entre autres, Madame Marshall, une femme originaire de Yarmouth en Nouvelle-Écosse, qui échange quelques conseils avec Azuba alors qu’elles sont en mer : « Nous autres, les femmes, j’avons l’échine pas mal plus solide que celle des hoummes, même si qu’zeux voudriont jamais l’admettre » (p. 155).
La femme du capitaine est un roman qui nous transporte autour du globe dans les années 1860. On y découvre la force et le courage d’Azuba, la candeur de sa fille Carrie et aussi la crainte de Nathaniel face à la nouvelle technologie qui commence doucement à s’emparer du monde maritime. Publié dans la collection Littoral de Perce-Neige, La femme du capitaine démontre le désir de la maison d’édition d’étendre ses horizons, tout comme Azuba est attirée vers le large et la liberté.
À propos…
Véronique Arseneau est étudiante à l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse, où elle termine un baccalauréat ès arts avec une spécialisation en études françaises. Véronique lit beaucoup, écrit un peu et écoute toujours les Hay Babies pendant ses nombreux roadtrips de Pointe-de-l’Église à Bathurst, au Nouveau-Brunswick, sa ville natale. Sa prochaine destination? Ottawa.