Le poète, archéologue des origines – Véronique Sylvain

Guy Jean. Fossiles qui gisent en mes rêves : poèmes archéologiques, Moncton, Éditions Perce-Neige, 2014, 62 p.

C’est un peu plus d’un an après la parution de Fossiles qui gisent en mes rêves de Guy Jean aux Éditions Perce-Neige que je fouille et scrute les dix-huit longs poèmes qui composent ce recueil. Presque au même moment, les nouvelles annoncent la découverte, au nord de la Colombie-Britannique, de centaines d’empreintes de dinosaures vieilles de cent millions d’années…comme quoi la fiction n’est jamais très éloignée de la réalité.

Crédit photo : Perce-Neige.

Crédit photo : Perce-Neige.

Du premier au dernier poème, Guy Jean s’intéresse aux fossiles dans lesquels « [l]a vie s’accomplit » (p. 20), soit à ces témoins d’autrefois qui, comme l’écriture, « ne portent pas le silence » (p. 24). À l’aide d’une plume sensible, féconde et accessible, il nous convainc que les origines et les forces de la Terre sont inévitablement liées à l’humanité. La poésie l’éclaire sur les liens qui unissent l’individu (« Je ») et l’humanité (« nous ») à la Terre, nous qui sommes des êtres de chair, d’eau, d’air et de feu.

Le prologue, qui marque le début de la création et de la quête, propose d’ailleurs de voir le travail du poète comme celui d’un archéologue qui scrute le terrain et qui reproduit ses trouvailles sur du papier quadrillé. Tout au long du processus de création, le poète organise le désordre (les origines, ses idées), le « tohubohu de [soi]-même » (p. 37), pour n’en faire qu’une unité (le poème), une seule vie (p. 56).

Je dépose une page blanche
comme site quadrillé d’archéologue
y range les fragments épars de nos origines
les rassemble en un rêve
que je veux poème. (p. 13)

Les nombreux noms de fossiles, de roches et de dieux, dont il faut parfois chercher le sens, mais que Guy Jean parvient habilement à utiliser, montrent que l’écriture des poèmes ne s’est pas faite sans recherche. Cette dernière prend un tout autre sens au milieu du recueil, soit au moment où la quête du poète devient plus personnelle et que, « une marche à la fois », il « recherche les premiers parents » (p. 37) et « emprunte le sentier des veines » pour « abouti[r] en [s]on cœur » (p. 45).

De ces ancêtres qui auront voyagé de « l’Acadie à Écoyeux », il aura hérité d’une « histoire de labours, de mer, de forêts » (p. 49), mais aussi des « blasphèmes / cryptés sur leurs lèvres » (p. 41), qu’il conviendra, avec passion, de dénoncer, tel un volcan en pleine éruption qui crache sa lave (voir p. 41). Le poète fouillera dans les livres anciens, puis tentera d’écrire pour assembler « les premiers mots » (p. 38), pour « copi[er] [l]es gestes de bénédictions, bontés et pardons » (p. 49) afin de donner des mots à ces « esprits égarés en [s]es gènes » (p. 54) qui ont connu « les paroles interdites » (p. 41) ainsi que « les trahisons, [les] regards furtifs » (p. 50).

La poésie et l’archéologie (re)donnent donc vie au mot, à la parole et au discours. L’auteur de huit recueils de poésie parvient à illustrer tout cela avec une écriture bouillonnant d’images qui continueront, tel un fossile, à cristalliser ce qui autrefois fut.

À propos…

Détentrice d’une maîtrise en lettres françaises de l’Université d’Ottawa, Véronique Sylvain a écrit une thèse, sous la direction de Lucie Hotte, qui porte sur les représentations du Nord dans la poésie de Patrice Desbiens et de Pierre Albert. Elle est aujourd’hui responsable de la promotion et des communications aux Éditions David et se consacre à différents projets artistiques, dont l’écriture de poésie et de chansons.

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