C’est mardi soir à… Fantásma – Sébastien Bérubé

Fantásma. Matthieu Girard et Tanya Brideau [idée originale et conception]. Péninsule acadienne, Compagnie du Chalumeau, 2015. [Edmundston, 24 février 2015]

C’est mardi soir à Edmundston. Il fait frette comme ça ne se peut pas et le vent s’amuse à faire craquer le char de tout bord tout côté. J’arrive à l’auditorium. Je suis parké en avant de la porte et je me dépêche à finir ma cigarette avant d’entrer. Le monde arrive de partout et j’entends des « crisse d’hiver de cul » et des « si le printemps peut arriver, osti » à travers des capuches baissées.  Too bad, ils ont raison, j’en fumerai une après le show. J’entre.

J’ai encore trop frette. Je passe tout droit au vestiaire et je vais m’asseoir, le manteau encore sur les épaules. Le rideau de la scène est ouvert. Il n’y a presque pas de déco. Des lumières de Noël, par terre, en rond, au centre. Pas de déco, mais ben des instruments. Un piano, un ukulele, des micros et un floor tom. Je pensais venir voir une pièce de théâtre, je regarde le billet. C’est bien la bonne heure. Je suis à la bonne place.

Un homme et une femme s’avancent sur scène. Il n’y a pas d’hiver entre ces deux-là. J’enlève mon manteau. Les lumières baissent. Bienvenue à Fantásma…

***

Fantasma

Fantásma, c’est une ville fondée en 1955 et défondée pas longtemps après. Une ville qui a fait court feu, sorti tout droit de la Compagnie du Chalumeau. C’est Tanya Brideau et Matthieu Girard qui nous la présentent. Fantásma, c’est l’histoire bien réelle d’une ville qui n’existe pas. Un conte régional, qui n’a pas de région, dans lequel Girard et Brideau nous servent de guides. Ils nous escortent et la ride est bonne.

La petite ville va bien. Marcel Marcel, le maire, la gère très bien. Il y a une usine en plein centre de la ville, où tout le monde travaille. L’usine à chômage. Ti-Guy, un homme qui mesure quatre pieds, a des idées de grandeur et a débuté la construction d’une tour juste à côté. Marcel Marcel en est très fier. Le village va bien, mais pas pour longtemps.

Le maire meurt. Le cœur qui surchauffe et pouf ! Encore su’a botte. Pauvre lui.

C’est le deuil à Fantásma. Le maire est mort et c’est son adversaire de toujours qui prend sa place : Vladimirving.

Vladimirving, c’est le pas beau, le pas fin, le pas trustable. C’est le nouveau maire. Pour lui, la tour de Ti-Guy ne sert à rien. C’est un trou qu’il faut à Fantásma. Un énorme trou, pour aller chercher la pierre noire… la roche obscure.

Pour régler la question, on passe au vote dans la ville. Au bout de trois jours, après être revenu de sa brosse et s’être souvenu des chiffres impairs, le compteur des votes rend son calcul : égalité ! Pas de recomptage. Le compteur des votes est sur le hangover, il va se coucher. La décision est prise. Le terrain est divisé en deux. À Fantásma, il y aura une tour et un trou.

C’est ça l’idée principale de la pièce. Une allégorie de hauteur, ou de profondeur, qui nous est livrée avec humour et subtilité. Brideau et Girard nous transportent, habilement, dans un conte métaphorique à en faire jalouser Fred Pellerin.

La ville de Fantásma nous est racontée par ses personnages et, parfois, par les narrateurs eux-mêmes. C’est très plaisant de les voir sauter d’un personnage à un autre, comme si Fantásma vivait vraiment entre leurs têtes. Les personnages, de véritables caricatures, charment. Fantásma, c’est un endroit qu’on veut visiter, sans s’y rendre. C’est l’Utopia de ce couple qui s’amuse sur scène, et on a le droit de watcher ça. Un conte et un album concept qui ont eu un très beau bébé.

Fantásma c’est un monde où les coiffeuses peuvent lire l’avenir dans les cheveux. Où la monoparentalité est une maladie qui s’attrape par un bec et qu’on guérit en mangeant des biscuits au pot – histoire de bien se geler l’ovule. Une ville gastronomique de bière à l’ail et de cuisses d’ouaouaron. Un endroit où les gros trucks fonctionnent à pédales et où un scrotum peut devenir un centre de table. À Fantásma, Tournevis, c’est un très beau prénom et on peut discuter avec un Ouaouaron rasta nommé Warren. Dans cette ville, un butch de cigarette, c’est précieux.

***

La pièce est terminée. Tout le monde est debout et tape des mains. L’homme et la femme sur scène font des mercis et des bye-bye. Les gens quittent la salle, le sourire aux lèvres. Je remets mon manteau et je sors. Je me rallume une cigarette. L’hiver est toujours là à me cracher dans face. Il fait trop frette, je l’éteins et remets le butch dans mes poches… parce qu’un butch, des fois, ça peut sauver des vies…

Fantásma est une création de la Compagnie du Chalumeau présentée en tournée par le Théâtre populaire d’Acadie. L’idée originale et la conception sont de Tanya Brideau et Matthieu Girard, qui composent aussi la distribution. L’éclairage et la régie ont été confiés à Mathieu-Julien Duguay.

À propos… 

 Sébastien BérubéSébastien Bérubé est un artiste multidysfonctionnel. Auteur-compositeur-interprète, illustrateur et écrivain, il aime tout ce qui touche à la création. Surtout le papier de construction. Titulaire d’un baccalauréat en littérature française, philosophie et histoire, il fait comme tout le monde qui a le même diplôme… il est travailleur autonome.

Publicité

Une réponse à “C’est mardi soir à… Fantásma – Sébastien Bérubé

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s