« à la pointe », une des sept approches photographiques en exposition à Moncton
Marika à Ernest à Leonard à Jimmy à Pierre à Pierre à William
Se rendre compte que c’est bien particulier d’avoir grandi tout près de l’endroit où a vécu l’ancêtre de la famille, il y a de cela six générations.
Sentir qu’avoir grandi au bout d’une pointe a grandement influencé ma perception de l’espace, de l’environnement qui m’entoure.
Une forêt à l’arrière et une rivière à l’avant, des rouges-gorges des geais bleus des petits animaux rongeurs des mouffettes des martins-pêcheurs des goélands ces derniers qui, depuis que le chemin de la pointe a été asphalté, vont à cœur joie ramasser des gros barlicocos près de la rivière pour ensuite voler sur place au-dessus de cet asphalte neuf et dur en laissant tomber leur lunch, la coquille épaisse casse. La première semaine quand mon père emmenait ma sœur et moi à l’école, les roues de la vieille Volkswagen écrasaient les nombreuses coquilles de barlicocos étendues sur le nouvel asphalte.
La fois où une motivation soudaine m’a fait mettre mes souliers de course, enfiler mes shorts et mon t-shirt, pour partir faire un petit jogging. C’est cette fois-là où lorsque j’ai atteint le bout de la pointe, courant avec essoufflement sur le sable près de l’eau et de la forêt, j’ai aperçu à ma gauche une vingtaine de grands hérons sortir des arbres et prendre leur envol. Ça m’a pris quelques secondes avant de me rendre compte que j’avais arrêté de courir pour regarder ces grands oiseaux avec admiration.
La fois où j’étais assise sur le patio, à « ne rien faire », mon activité préférée à la pointe, et ce jour-là j’ai pris le temps d’observer un écureuil qui construisait un nid dans le grand conifère. Il arrachait des longs bouts d’herbe sur le sol et ensuite montait en haut de l’arbre pour les déposer sur une branche. Pendant que je le regardais il a bien dû faire plus d’une vingtaine d’allers-retours du haut en bas de l’arbre.
Les nombreuses fois où le pêcheur d’anguilles est venu checker ses filets en face de chez nous, il passe une par une chaque série de bâtons en bois, avec son fidèle chien assis en avant de la barque. Les bâtons dans l’eau, je les ai pris en photo un jour où le reflet flottait sur la rivière calme. Le pêcheur avec le chien sur la barque n’était pas là, mais je savais bien qu’il allait passer bientôt.
La pointe où j’ai grandi je la photographie surtout avant de partir, comme pour l’emmener avec moi, en attendant de revenir. En voyage, je me retrouve souvent près de l’eau. J’aime passer des grandes villes aux petits villages, pour équilibrer les découvertes, changer de rythme, pouvoir regarder loin. J’apprécie les moments de déplacements, où tu ne peux qu’attendre d’arriver à destination, observer par la fenêtre les horizons qui défilent.
« à la pointe » est une des séries de photographies exposées présentement à la Galerie d’art Louise et Reuben-Cohen à Moncton, elle explore les notions d’identités et de paysages avec des images prises au cours des dernières années provenant de quelques bouts du monde : une grande ville japonaise (Tokyo), un site historique au Mexique (Tulùm), une île au nord des Pays-Bas (Texel), un petit studio sur la rue St-Jean (Québec), une sortie de pêche aux homards (Mer), une vue sur la rivière (Sheila). Les différents horizons se côtoient, semblables aux souvenirs que l’on se construit nous-même, et invitent à l’interprétation de nouveaux paysages.
Sur un mur de la Galerie, j’ai écrit au crayon-feutre gris :
« elle est nature
celle de l’arbre et de l’oiseau
une mère d’océans
avec des souvenirs de villes
à l’intérieur d’une chambre
regardant au-delà des idées lumières
c’est un lieu où aller
un séjour, un voyage, ou une maison
à la pointe »
L’exposition « Punctum : sept approches photographiques » de la commissaire invitée Annie-France Noël est en montre à la Galerie d’art Louise et Reuben-Cohen à Moncton jusqu’au 15 septembre 2013. Les œuvres de sept artistes originaires du Nouveau-Brunswick y sont exposées : Rémi Belliveau, Marika Drolet-Ferguson, Thaddeus Holownia, Mathieu Léger, Aaron McKenzie Fraser, Blake Michel Morin et Julie Thibault-Forgues.
À propos…
Marika Drolet-Ferguson est une artiste émergente originaire de Tracadie-Sheila. Elle a étudié les arts visuels à l’Université de Moncton et l’architecture à l’Université Laval à Québec. Sa démarche créative est une réflexion sur le lieu et l’atmosphère exprimée par le médium de la photographie argentique. À travers ses œuvres, elle partage des moments d’ici ou d’ailleurs. Un de ses projets en cours est l’exploration « en Acadie » par la photographie, le dessin, la poésie et l’architecture. Récemment diplômée en architecture, elle collabore actuellement avec la Corporation du Centre-ville de Tracadie-Sheila et le Club des Naturalistes de la Péninsule Acadienne. Site web : http://www.marikadroletferguson.com